Bas-Rhin : comment les tortues cistudes pourraient sauver les zones humides

A Lauterbourg, la Collectivité européenne d'Alsace a relâché 412 tortues cistudes depuis 2012. Le CNRS essaie de développer et de pérenniser une zone humide de 90 hectares, point d'orgue de la réintroduction des tortues.

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Ils sont une dizaine, les pieds dans l'eau depuis le week-end du 1er mai. Les chercheurs du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) de Strasbourg et leurs collègues allemands, lettons et polonais, partenaire du tout nouveau projet pan-européen Emys-R, se sont retrouvés pour compter les tortues cistudes dans l'ancienne gravière du Woerr, près de Lauterbourg (côté français) et à Neuburg-am-Rhein (côté allemand).

En deux jours, onze tortues cistudes ont été trouvées dans les 60 nasses jetées dans l'eau à Lauterbourg, et seulement trois n'avaient pas de puces (celles-ci sont donc nées sur place).

" C'est très peu, mais il y a deux raisons à cela", analyse Jean-Yves Georges, directeur de recherche au CNRS et responsable du projet. " Sans doute une forte prédation sur les sites de pontes et puis, nous plongeons les nasses en plein eau. Alors que les jeunes tortues, pendant leurs deux ou trois premières années de vie se trouvent surtout en bordure d'eau".

L'objectif des chercheurs, c'est de voir si les 412 tortues relâchées depuis 2012 côté français et la centaine côté allemand sont encore vivantes et si elles ont pu se reproduire sur place.

Une trentaine de tortues seront encore réintroduites en milieu naturel cette année par la Collectivité européenne d'Alsace (CEA), après un puçage par le zoo de Mulhouse. " L'idéal serait d'arriver à une population stable de 500 tortues sur le site de Woerr", explique Jean-Yves Georges.

Nous avons un besoin crucial de localiser les nids

Jean-Yves Georges, directeur de recherche sur le fonctionnement des zones humides

Les prédateurs des tortues cistudes sont nombreux. Les œufs, pondus à terre, sont très appréciés des blaireaux et des renards. Les hérons, brochets, silures préfèrent les jeunes tortues. Les adultes sont, elles, les proies des renards et des ratons-laveurs. 

Protéger les œufs 

Les chercheurs voudraient cette année tenter de protéger les nids. "Les tortues cistudes pondent la nuit, c'est donc très difficile de les localiser. Soit on y va à la lampe. Ou alors on utilise le suivi télémétrique [analyses des données transmises par leurs puces, ndlr]. Et après nous pourront installer des grillages pour éviter les intrusions et le gobage des œufs".

Guide des bonnes pratiques

Le projet de recherche international Emys-R financé par le Biodiversa a démarré cette année pour trois ans, et a lieu sur trois sites : le site français est à Lauterbourg, le site allemand est à 5 km de là, à Neuburg-am-Rhein et un site est situé en Lettonie (à la frontière avec la Lituanie et la Biélorussie).

Forts de ces expériences dans trois sites différents, les chercheurs français, allemands et lettons voudraient arriver à la rédaction d'un guide des bonnes pratiques à destination des gestionnaires d'espaces naturels en Europe. Il y a actuellement une trentaine de projet de réintroduction de la tortue cistude en Europe, du Portugal à la Lettonie. C'est d'ailleurs le milieu naturel de vie de ces animaux. Mais elles avaient disparu au profit d'autres espèces plus invasives, importées puis relâchées par leurs propriétaires.

Changer l'image des zones humides

A terme, les chercheurs du CNRS veulent organiser des séminaires publics, pour parler de la tortue cistude et de l'urgence de sauvegarder les zones humides, derniers espaces vraiment naturels, avec les forêts et certains espaces en montagne. 

"Les gens ont une perception contrastée des zones humides. Ils n'y vont pas parce qu'elles sont peu accessibles ou par peur d'y rencontrer serpents et moustiques. En même temps, la tortue véhicule des idées positives. Et sans zones humides, elle est vouée à disparaître. Par le biais de la cistude, nous avons un levier pour changer l'image des zones humides. Les citoyens peuvent nous aider à les défendre", résume Jean-Yves Georges.

Les chercheurs seront présents tout l'été pour continuer leurs observations de la tortue et de tous les êtres vivants qui la côtoient. Des prélèvements d'eau ont aussi lieu pour analyser la présence de tous les animaux, insectes et végétaux présents dans l'eau des mares, à l’aide de méthodes de génétique environnementale. D'autres mares devraient aussi être créées, pour que la tortue cistude puisse se sentir chez elle à Lauterbourg et à Neuburg.

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