Rund Um. On les croise partout dans les champs. Les calvaires ont été souvent érigés en mémoire d'un disparu ou sur le lieu d'un accident. Niederschaeffolsheim a voulu mettre son patrimoine local en valeur. Ce travail a pris la forme d'un sentier qui relie 13 calvaires accessibles au public. Autant d'histoires où affleure la piété du monde rural.
"Je ne pensais pas que ce sentier allait prendre une telle envergure et que des nouvelles technologies allaient être mises en oeuvre pour le mettre en valeur", s'exclame Brigitte Steinmetz la maire de la commune de Niederschaeffolsheim. En tenue de sport, cette dernière accompagne le groupe de marcheurs constitué ce jour-là pour découvrir le nouveau sentier des calvaires, tout juste inauguré.
Le guide, Jean-Paul Breger, historien local, tient son téléphone portable à la main. "Vous prenez votre téléphone, vous le passez sur le QR code du panneau qui se trouve à côté de chaque croix et vous retrouvez toutes les informations concernant le calvaire devant lequel vous vous trouvez, explique-t-il. Et vous verrez, c'est la croix elle-même qui raconte son histoire".
Ainsi, devant le premier calvaire de la boucle, " 's Zense Kritz " (en alsacien) on peut lire: "J'ai été érigée en 1808 par les époux Lang, qui vivaient non loin de là... Je me trouvais alors à la limite du village , adossée aux champs. Ma position sur le chemin de Weitbruch (le village voisin), obligeait les passants à se signer ou au moins me saluer." La famille Lang est à l'origine de plusieurs croix dans la commune, signe d'une certaine aisance financière. Plus loin, à la station numéro 11 du chemin, la même application donne cette indication sous le " 's Mathislers Kritz": "Des époux Gebus m'ont érigée là en 1918, en mémoire de leur fils Michaël, mort sur le front russe lors de la Première Guerre mondiale". Plus loin, le " 's Schutzeclausels Kritz ": "j'ai été érigée en 1892 par les époux Vogel en mémoire de leur fils décédé à l'âge de 32 ans". Les croix ont souvent été érigées en bordure des parcelles appartenant à des agriculteurs, en souvenir d'un défunt ou à l'emplacement d'un accident.
Certains cartouches incitent les passants à réciter 3 Ave Maria ou des Notre père pour s'acheter les bonnes grâces pendant quelques semaines. Ces calvaires sont le reflet de cette société rurale, agricole, traversée par les guerres, une Alsace croyante et superstitieuse.
"Quand nous avons commencé à faire des recherches sur les propriétaires de ces croix, certains ne savaient même pas que ces monuments leur appartenaient par le truchement des héritages successifs!, nous raconte Jean-Paul Breger. J'ai rendez-vous avec certains d'entre eux pour voir comment nous pourrions les nettoyer ou les restaurer". Car certains calvaires font peine à voir, le grès éclaté sous l'effet du temps.
Plus insolite, ce sentier circulaire de 10 km de long commence ou s'achève sur un cercle de pierre inattendu. Patrice Nonnenmacher, adjoint de la commune, féru de géobiologie, a fait venir des sourciers pour analyser énergétiquement les calvaires. "Nous n'avions pas l'intention de faire ce jardin de pierre mais les géobiologues se sont aperçus que tous les calvaires de la commune étaient placés sur des failles ou sur des sources, et que toutes les lignes qui relient ces calvaires se rejoignent ici". Les calvaires auraient donc été placés en des points énergétiques, Patrice Nonnenmacher affirme même que ces emplacements étaient déjà connus ou occupés vraisemblablement par les Celtes.
Toujours est-il que ce sentier s'arrête (ou commence) en ce lieu. Chacun est libre d'y trouver ce qu'il recherche, et de réciter ou pas, les Ave Maria recommandés.