Coronavirus : « Sans commerce au village, on fait comment nous, pour rester près de chez nous ? »

Dans certains villages, le confinement n’a pas vraiment bouleversé la vie économique. Boesenbiesen, dans le Ried, ne compte aucun bar ou restaurant. Mais pas de supérette ou de boulangerie non plus. Difficile donc de ne pas parcourir quelques kilomètres pour aller faire ses « commissions ».

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« Ville morte », « commune fantôme », « rues désertes ». Vous avez forcément entendu ce type d’expressions ces derniers jours, depuis que les Français sont confinés chez eux et que les commerces non essentiels ont été priés de fermer leurs portes. Elles décrivent un nouveau paysage, auquel nous essayons doucement de nous habituer. Il va falloir s’y faire : là où se croisaient à longueur de journées des milliers de personnes, se frôlant et se percutant même parfois au point de s’énerver, a succédé le vide. 
 
Mais à Boesenbiesen, 330 habitants environ dans le Centre Alsace et au moins deux fois plus de vaches et de poules, ce calme est habituel. Le quotidien n’a pas vraiment changé, si ce n’est que les habitants sont pour la plupart chez eux en télétravail ou au chômage technique.
 


Attention, je vous vois venir… N’allez pas me faire dire ce que je n’ai pas dit ! Non, mon village n’est pas « mort ». Il y règne juste une certaine douceur de vivre, pas de bouchons aux heures de pointe, pas de cohue, rien de tout ça. Alors d’accord, ça va encore plus loin depuis une semaine. « S’fàhra doch weniger Auto, mech seht gàr niema. Il y a quand même moins de voitures qui passent, on ne voit vraiment personne ». Mais pas de grand chamboulement : à Boesenbiesen, aucun bar, restaurant ou café n’est installé. Pas de magasin de vêtements non plus. Personne n’a donc dû tirer le rideau.

Pas le choix, on doit se déplacer si on ne veut pas mourir de faim !,
- les habitants du village


Reste que dans le même temps, il est peut-être plus difficile qu’ailleurs de rester chez soi ou au moins, près de chez soi. Sans boulangerie, boucherie ou supérette, il faut forcément se déplacer dans un village ou une ville aux alentours pour faire ses courses. « Mech han ke àndri Wàhl, mech müen geh ge d’Kumissionna màcha wa mech net verhungra wella ! Pas le choix, on doit se déplacer si on ne veut pas mourir de faim ! ».

Dans le coin, le marché de Sélestat est une institution le mardi matin. Un véritable repère d’habitués. Certains viennent de loin, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin car les étals sont nombreux et l’ambiance malgré tout chaleureuse. Sauf que le 17 mars, il était l'un des premiers marchés de la région annulés pour éviter la propagation du coronavirus.

Jean-Marie et Marie-Odile Denu, les maraîchers du village, ont alors décidé de se réinventer pour proposer leur aide et permettre aux habitants de rester chez eux autant que possible. Ils préparent des paniers de fruits et légumes à tous ceux qui passent commande et les livrent même, si besoin.
 
 

Ça fait plaisir que les gens du village s’intéressent à nos produits,
Jean-Marie et Marie-Odile Denu, producteurs de fruits et légumes


« Mech han’s schu làng em Kopf kät, s’esch jetzt d’Glagaheit gse will mech nem uf de Mark kenna. D’Litt han nech àgrüefa fer fràga, eb mech ehna net Gmiess kennda reschta. L’idée nous trottait dans la tête depuis un moment, c’était l’occasion puisqu’on ne peut plus faire les marchés. Les gens nous ont appelés pour savoir si on ne pouvait pas leur préparer des légumes », expliquent-ils, avec le sentiment que leur métier de producteurs reprend tout son sens en cette période compliquée. « Hoffentlig geht’s a so widerscht. Pourvu que ça dure même après le confinement. Ça fait plaisir que les gens du village s’intéressent à nos produits. »
 

Un gros approvisionnement pour certains, un appoint pour d’autres. Car à la campagne, beaucoup disposent d’un potager avec leurs propres récoltes. Quand le confinement a été annoncé, j’étais dans mon appartement strasbourgeois, près de mon lieu de travail. J’ai vu les files d’attente jusque devant les supermarchés. Pour les éviter, j’ai décidé de repousser le moment des courses, sauf que comment dire…mon réfrigérateur et mes placards n’étaient pas très fournis. Oups…

J’ai alors pensé à mes grands-parents, paternels et maternels, qui ont toujours eu des réserves de pommes de terre, plein la cave. Quand j’étais enfant, nous les récoltions tous ensemble avec mes cousins pendant plusieurs journées, l’été. De longues heures accroupis, le nez dans le sol, et pourtant des souvenirs magnifiques avec toujours la même conclusion des papis et mamies : « So, jetzt kàt de Wenter kumma ! Met dam àllem hàlta mech bis’em nachschta Summer. L’hiver peut arriver ! On a de quoi tenir jusqu’à l’été prochain ». Cela n’a jamais pris autant de sens qu’en ce moment.
 
 
Comme j’aurais aimé être près de mon village quand les supermarchés « en ville » ont été dévalisés. Bien sûr, je n’ai pas craint la pénurie et je savais que j’allais avoir la possibilité de me réapprovisionner, mais ces pommes de terre bien au chaud dans les caves familiales avaient quelque chose de tellement rassurant… Une sorte de bouclier protecteur, mélange de souvenir d’enfance et de naïveté affective.

Chez moi, à Strasbourg, il me restait un malheureux pot de sauce tomate maison. Je n’avais pas refait, ces derniers temps, le plein de légumes ratatouille, lasagnes aux aubergines, tomates et courgettes farcies préparées pendant DES HEURES avec mes parents l’été dernier, au détriment de vacances sous d’autres horizons. Ben oui, « mech brücha ke Gàrta màcha, wann mech furt sen wann s’Gmiess zittig esch ! Pas la peine de faire un potager si on part quand tout est prêt à être récolté ! ». Logique !

Promis, je ne râlerai plus désormais. Tant pis pour les ampoules aux doigts à force de couper et recouper des dés de légumes pour préparer des conserves. Ces jours-ci, la ratatouille est meilleure que jamais, pour le ventre et pour le cœur.
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