Coronavirus : la solidarité visible et...invisible

A Schleithal (Bas-Rhin) et environs, on a le confinement actif. Des réseaux de solidarité s'organisent. Ainsi, pour répondre aux besoins des infirmières libérales et des Ehpad, des couturières professionnelles ou non, passent des heures à fabriquer des blouses avec de vieux draps en coton.

 

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Du pain ou un gâteau déposé devant la porte, les courses groupées entre voisins, des coups de fil pour remonter le moral aux amis éloignés, une pelouse tondue par une nièce parce que la tondeuse du tonton est cassée...et ce ne sont là que quelques exemples de solidarité que je vois juste là, sous ma fenêtre.

J'ai vu sur internet que tout le monde manquait de tout. J'ai fait un SMS aux infirmières libérales du secteur
- Catherine Tete agricultrice et fondatrice de "La clé des champs"


Il y a aussi les initiatives qu'on me rapporte. Ma sœur Catherine par exemple, agricultrice dans le village, est à la tête d'une association "La clé des champs" qui organise un certain nombre d'activités dans le village : le Téléthon annuel dans la salle polyvalente, le rendez-vous des mamies tricoteuses tous les jeudis après-midi, une conférence une fois par mois au Restaurant de la gare sur des sujets pas très riants comme la fin de vie ou la prise en charge des personnes âgées, les soirées chant le premier jeudi du mois au même Restaurant de la gare, la construction d'une maison pour les aînés en partenariat avec Familles solidaires.
 Tous les rendez-vous habituels étant supprimés pour cause de confinement, Catherine s'est demandée ce qu'allaient faire les personnes âgées du village. "J'ai vu sur internet que tout le monde manquait de tout. J'ai fait un SMS aux infirmières libérales du secteur. Elles m'ont dit qu'elles n'avaient pas de blouses. L'une d'entre elle m'a déposé un modèle de blouse de chirurgien. J'ai fait des mails ciblés aux gens dont je savais qu'ils avaient une machine à coudre. J'ai appelé les mamies tricoteuses pour leur demander de fouiller dans leurs armoires pour trouver des draps. Elles me les laissent dans un sachet plastique accroché à leur portail dehors. Je fais le ramassage et je redistribue ces draps aux couturiers volontaires. Ce matin, j'ai trouvé des sachets avec des draps devant ma porte !".Le premier couturier à avoir répondu à son appel est Rémy Griesemer. Cet artisan tâpissier est plus ou moins en chômage technique et dispose de machines : "J'ai fait trois patrons en papier avec le modèle de blouse de chirurgien. J'ai rapidement fait sept blouses dans les draps de coton. Je peux en faire plus s'il en faut encore". Les autres patrons ont été distribués aux mamies tricoteuses ou couturières, Annette, Marlène, Andrée... "Certaines se mettent un stress pas possible pour que ces blouses soient parfaites ".

Parfois, la famille me la lave à 60° et je la retrouve toute propre le lendemain
- Elisabeth Pluta, infirmière libérale

Une première série a été distribuée aux infirmières libérales du secteur. Elisabeth Pluta et ses collègues en ont réceptionné cinq. Cette infirmière libérale originaire du village est ravie de cette initiative et remercie très chaleureusement tous les couturiers. Les blouses sont fonctionnelles. "D'ordinaire, je ne porte pas de blouse quand je vais chez mes patients mais il faut que je redouble de précautions à cause du covid 19. Je ne veux pas contaminer mes patients, je ne veux pas véhiculer le virus et prendre le risque de me contaminer ou de contaminer les autres".

La blouse en coton fabriquée par les bénévoles, lui sert quand elle va chez des patients à risque. Elle met cette blouse en arrivant, elle l'enlève en partant. La blouse en coton reste chez les patients. "Parfois, la famille me la lave à 60° et je la retrouve toute propre le lendemain".

Un garage de Haguenau nous a même donné des housses jetables pour protéger le volant et les sièges de nos voitures
- Sophie Steinbrunn, infirmière libérale


Sophie Steinbrunn a créé son cabinet d'infirmière libérale à Schleithal il y a 3 ans. "Avec le confinement, certaines personnes âgées malades ne voient plus personne. Du coup, on passe plus de temps chez elles pour rassurer, discuter. On ramène les dernières infos. Mer ratschen !  Nous n'avions aucun moyen de nous protéger, pas de masques, pas de gants, de blouses...On a lancé un appel sur Facebook. On a eu ces blouses en coton mais aussi des dons de masques".
 "Un garage de Haguenau nous a même donné des housses jetables pour protéger le volant et les sièges de nos voitures. Avec ça, nous sommes rassurées et nos patients aussi. Une de mes patientes me fait bien rire, quand je viens avec le masque elle me dit : "Ja dauert des noch làng mit dam masque ? Ça va durer encore longtemps cette histoire de masque !". Si un patient présente de la fièvre, on met des gants, des sur-chaussures, une charlotte et une blouse. Quand je rentre chez moi, je mets la voiture dans le garage, je jette les protections, je mets mes vêtements dans la machine à laver, je prends une douche".

Dans le village voisin de Seebach, Pia Clauss, couturière professionnelle participe elle aussi à cette chaîne de solidarité. Elle a eu des demandes d'Ehpad de la région. Une association parisienne "Cité des dames", un centre d'accueil pour femmes sans-abri, lui a également demandé des blouses. Du coup, elle passe ses journées à en coudre dans de vieux draps. Elle a distribué le travail. Une bénévole découpe l'avant, l'autre les manches, elle assemble. Elles en sont déjà à 50 blouses fabriquées et distribuées gratuitement.
 
 

J'ai commencé par faire des masques sur le modèle diffusé par le CHU de Grenoble avec une couche de polyester
- Saindrine Gast, mercière


A Schleithal, Sandrine Gast tient une mercerie depuis 6 ans, "Tricot'fils". Elle compte elle aussi se lancer dans la confection de blouses avec une autre collègue, brodeuse professionnelle. Pour le moment, elle est encore très occupée par la fabrication de masques. "J'ai commencé par faire des masques sur le modèle diffusé par le CHU de Grenoble avec une couche de polyester. Maintenant, je fais des masques pliés qui répondent aux normes AFNOR, des masques chirurgicaux que je peux faire facilement avec des restes de tissu et que l'on peut passer en machine. J'en fait dix par après-midi. Je les donne aux personnes qui en ont besoin, à la demande".
 
"Une caissière de supermarché m'en a demandé, elle trouve que les masques en papier ne sont pas confortables. J'en ai envoyé à mon fils qui vit à Paris...J'ai commencé à en fabriquer parce que j'ai rejoint un groupe Facebook qui s'appelle "Les petits masques solidaires". Il y a des dames qui cousent des masques six heures par jour bénévolement. C'est une goutte d'eau dans l'océan mais c'est bien". Sur la page Facebook des "petits masques solidaires" on trouve une carte de France avec l'ensemble des bénévoles qui en fabriquent et la liste des institutions, commerces ou particuliers qui en recherchent, un maillage impressionant.
 


A Schleithal, donc, les couturières s'activent. Les draps continuent à arriver mais, aux dernières nouvelles, il manque des rubans élastiques.
 
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