Rund Um. La famille Antony fait partie des fromagers les plus réputés de France. Elle fournit les plus grandes tables étoilées dans le monde entier. Bien installés dans leur Vieux-Ferrette natal, Jean-François Antony et son père, Bernard Antony, conjuguent voyages aux quatre coins du monde et commerce de proximité dans leur village de 700 habitants.
Bernard Antony, c'est d'abord un nom connu dans le monde entier. Ses fromages se trouvent sur les plus grandes tables étoilées. Mais Bernard Antony, c'est aussi la rencontre avec un homme humble, couronné par le succès, qui n'a jamais quitté son village natal de Vieux-Ferrette, dans le Haut-Rhin. Et qui accueille avec le sourire. "Que ce soit la reine d'Angleterre ou un habitant du village, tous les clients sont importants !" assure-t-il.
En effet, Bernard Antony compte parmi sa clientèle des têtes couronnées tout comme des célébrités. "Line Renaud est une amie depuis 30 ans, Pierre Perret aussi...", confie-t-il. Une carrière incroyable à laquelle rien ne le prédestinait. "En 1971, j'ai démarré mon activité d'épicier ambulant. Je me baladais de village en village pour et vendais de tout : des fruits, des légumes, de la charcuterie, des soutiens-gorge... et des fromages castrés". Bernard appelle "fromages castrés" les fromages pasteurisés. Et s'en amuse énormément avec le recul.
A cette époque, un ami vient le voir : "il m'a dit qu'avec l'avènement des magasins et notamment des grandes surfaces, mon activité ne ferait plus sens". Il le fait alors rencontrer Pierre Androuët, célèbre maître-fromager. Un déclic pour Bernard, qui laisse de côté ses fromages "castrés" pour se lancer dans l'affinage de fromage. En 1979, il ouvre sa fromagerie.
Sans formation, Bernard travaille à l'instinct et a raison de s'y fier. Très rapidement, il se fait un nom et une réputation. "Alain Ducasse a été mon premier client trois étoiles", relate-t-il. La centaine de fromages qu'il propose se retrouve alors partout dans le monde. "Nous servons des restaurants étoilés en Thaïlande, à Hong Kong, au Japon…" énumère-t-il. A tel point que les plus grands chefs le surnomment l'"éleveur de fromages". "Beaucoup me disent qu'il existe beaucoup de bons fromagers, mais que je les amène dans une autre dimension. Le compte Stephan von Neipperg m'a dit un jour : « maintenant, je comprends la différence entre le prêt-à-porter et la haute couture ! »".
Voilà donc plus de 40 ans que la fromagerie Antony perdure sa réputation. Un savoir-faire, une patience et une rigueur que Bernard a transmis à son fils. Jean-François Antony a pris la relève il y a quelques années. "J'ai grandi là-dedans, c'était naturel pour moi de reprendre l'affaire", explique-t-il. Lui et son père cultivent un grand respect pour les producteurs, qu'ils choisissent soigneusement. Ensuite, nous disent tous deux, "il n'y a pas de secret". "Nous avons différentes caves d'affinage dans lesquelles nous laissons mûrir les fromages entre quelques jours et plusieurs mois", poursuit Jean-François. "Chaque fromage dispose de sa propre microflore, qui va se répandre dans la cave. Chaque fromage apporte donc aux fromages voisins". C'est ce qu'on appelle l'ambiance de cave.
Sainte-Maure de Touraine, briquette, munster, livarot, arbori... cohabitent joyeusement dans ces caves. "Un bon fromage est un fromage heureux", s'exclame Jean-François. La maison Antony fournit 130 restaurants et totalise 195 étoiles. Pour autant, "nous sommes restés une petite structure avec huit employés, ce qui nous permet de nous adapter aux vœux des chefs", déclare Bernard.
Et parmi la clientèle, certains sont prêts à venir de loin pour être servis par les Antony, en magasin. Ainsi, Hicham Charabi a fait trois heures de route : "j'ai découvert les fromages Antony à l'hôtel Bristol, à Paris. J'habite à Zürich. Rien qu'à l'odeur, je peux vous dire que ça vaut le coup de faire le trajet !" s'exclame-t-il. Dans le caveau, un groupe déguste une assiette préparée par Jean-François. "Cela fait 10 ans que nous servons ses fromages dans notre restaurant", témoigne Christian Rubert, propriétaire du restaurant Karlbacher, en Allemagne. "Et ces cinq dernières années, de plus en plus. Une fois que les clients goûtent ces fromages, ils ne veulent plus que ceux-ci !".
Concernant l'avenir, père et fils espèrent que l'aventure se poursuivra : "une troisième génération va peut-être suivre nos pas. Mais il est trop tôt pour le dire… mes enfants ont, eux aussi, besoin de mûrir !", déclare Jean-François. Bernard sourit. Et lorsqu'on lui demande s'il veut continuer de voyager, il répond avec un air espiègle : "encore plusieurs années, j'y compte bien !"