La Convention citoyenne pour la fin de vie a conclu, le 2 avril 2023, ses débats et juge nécessaire d'autoriser l'euthanasie et le suicide assisté en France. Une victoire pour certaines familles qui ont dû s'exiler en Belgique ou en Suisse pour y avoir recours et passer le cap difficile d'une mort annoncée.
La Convention citoyenne pour la fin de vie a rendu ses conclusions, ce dimanche 2 avril 2023, dans un rapport d'une centaine de pages. Les 184 membres se sont prononcé en faveur d'une ouverture de l'euthanasie et du suicide assisté en France.
Un avis qui réjouit plusieurs organisations, dont l'association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). "Je suis heureuse de voir que les membres de cette convention y sont majoritairement favorables, mais il faut voir dans quelle mesure cela va être accepté par l’exécutif dans notre pays", affirme Huguette Wieczerzak, déléguée de l'ADMD du Haut-Rhin.
En effet, plusieurs membres de l'association veulent que le gouvernement s'inspire du modèle belge, c’est-à-dire l’accès à l’euthanasie active, qui est exercée par un médecin. En Suisse, seul le suicide assisté est autorisé. C’est-à-dire qu’il faut que la personne soit pleinement consciente pour se donner la mort. En France, l’euthanasie passive, c'est-à-dire le refus ou l'arrêt d'un traitement nécessaire au maintien de la vie, est autorisée.
Claudette Pierret, membre de l’ADMD, aide depuis plusieurs années des personnes à aller mourir en Suisse ou en Belgique. Elle espère que le texte de loi arrivera vite à l'assemblée. "C'est une bonne chose, même si j'aurais préféré un référendum au niveau national. Selon les différents sondages, on voit qu'au moins 80% de la population est favorable", précise-t-elle.
Annoncer vouloir avoir recours à l'euthanasie
Du côté des familles, qui ont été confrontées à l'annonce d'un recours à l'euthanasie par l'un de leur proche, elles espèrent que personne n'aura à s'exiler à nouveau dans des pays frontaliers pour y avoir recours. "Une fois que la loi sera passée, il faut que les personnes en parlent avec leurs familles avant d’être malade. Il faut mettre ses enfants et proches au courant de ce que nous voulons pour la fin de nos vies. Le dialogue est le plus important", indique Claudette Pierret.
Muriel Roujeau Eliaszewicz, médecin hospitalier à l'Hôtel-Dieu à Paris a accompagné son mari, Jean-Claude, en Belgique pour avoir recours à un suicide assisté le 3 mars 2021. Atteint d'Alzheimer, il a exprimé sa volonté de vouloir mourir avant d'être atteint de démence. "Nous en avons parlé sans tabou. Le fait de travailler dans le secteur de la santé nous a aussi aidés à surmonter cette annonce difficile", explique sa femme.
C'est en discutant avec lui que j'ai réalisé à quel point il souffrait au quotidien
Maud Niedercorn, meilleure amie de Damien
L'annonce de vouloir avoir recours à une euthanasie n'est jamais simple. Dans le cas de Maud Niedercorn, qui a accompagné son meilleur ami Damien atteint de la maladie de Charcot à mourir en Belgique, l'importance est de communiquer et de respecter le choix du malade. "Il nous a dit qu'il ne voulait pas être un fardeau et laisser un mauvais souvenir de lui. C'est en discutant avec lui que j'ai réalisé à quel point il souffrait au quotidien, se rappelle-t-elle, en tant qu’amie, je l’ai toujours soutenue, simplement c’est compliqué de lui dire simplement qu'il a raison ou tort d'avoir recours à une euthanasie. Il faut respecter son souhait".
Un choix parfois difficile à entendre
Marine, originaire des Vosges, a accompagné son ex-mari, Noël, à avoir recours à une euthanasie en Belgique. Au vu de son état, l'homme qui pesait 44 kg pour 1m81 à l'époque va pouvoir planifier une date pour sa mort deux semaines après une consultation chez un médecin belge. "Pendant ces quelques jours, nous n'avons rien dit à l'entourage. Il ne voulait pas vivre sa mort et son deuil avec sa famille, il voulait profiter jusqu'à la fin sans rien dire. Et puis, nous ne voulions pas que des personne nous arrêtent sur la route pour nous empêcher de se rendre en Belgique", raconte Marion.
Pour protéger le fils de Noël âgé de 10 ans, l'ex couple ne va rien lui dire. "Il a passé l'après-midi avec son père avant son décès pour le voir une dernière fois. La veille de l'euthanasie, nous lui avons annoncé. Cela a été douloureux, mais il avait été préparé. Nous en avions parlé en amont. L'important est d'expliquer les choses, même à un jeune enfant", ajoute-t-elle.
Pour Pascal, qui a accompagné sa femme avoir recours à une euthanasie en Belgique, le processus a été difficile. "Il n'était pas d'accord avec sa femme et ne voulait pas l'accompagner en Belgique. Mais elle ne voulait pas changer d'avis, elle avait pris sa décision, affirme Claudette Pierret qui a accompagné le couple, puis son mari a assisté aux consultations avec les médecins belges et il s'est rendu compte de la souffrance de sa femme. J'insiste donc pour que la famille soit présente aux consultations, car c’est là que les patients se libèrent et parlent de ce qu'ils endurent".
Des proches soulagés
Malgré la perte de leur proche, les familles arrivent à faire leur deuil "plus facilement" que s'il n'avait pas eu recours à l'euthanasie. "C'était un soulagement de ne plus voir sa santé se dégrader. C'était très difficile de voir celui que j'aime chuter comme ça. Je ne pouvais rien faire même en tant que médecin. Je suis admirative qu'il ait eu le courage d'être allé en Belgique pour mourir", confie Muriel Roujeau Eliaszewicz.
Le constat est le même pour Maud Niedercorn, la meilleure amie de Damien. Dans une vidéo, l'homme de 46 ans avait affirmé ne pas vouloir arriver jusqu'à la paralysie totale de son corps. "Ma limite, c’est de devenir un mollusque, et être un mollusque ce n’est pas vivre", disait-il. Pour lui dire au revoir, Maud et la famille du malade se sont réuni la veille de l'euthanasie pour faire la fête tous ensemble. "Il était très festif, alors nous voulions le voir partir heureux. C'était une belle fin, après une vie très douloureuse. Je souhaite à tout le monde de pouvoir dire au revoir de cette manière", explique sa meilleure amie.
C'était un soulagement de voir leur père partir avec le sourire aux lèvres
Claudette Pierret, membre de l'ADMD
Claudette Pierret constate chaque jour, en accompagnant des personnes dans leur fin de vie, que les proches arrivent à mieux se réconforter. "La première personne que j’ai emmenée en Suisse, il était aveugle. Ses deux filles l'ont accompagné et m'ont dit qu'elles n'en revenaient pas. Elles n'avaient pas l'impression d'avoir perdu quelqu'un. C'était un soulagement de voir leur père partir avec le sourire aux lèvres".
Le chef de l'Etat, Emmanuel Macron, a annoncé ce lundi 3 avril, qu'il souhaite qu'un projet de loi aboutisse "d'ici la fin de l'été". En attendant, plusieurs familles continuent d'affluer en Belgique ou en Suisse pour recourir à une euthanasie ou à un suicide assisté.