En Alsace, l'association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) se réjouit de la réouverture du débat sur la fin de vie, après l'avis favorable du Comité d'éthique sur une "aide active à mourir" rendu mardi 13 septembre.
Ses adhérents le réclamaient depuis 40 ans. En Alsace, l'ADMD, ou association pour le droit de mourir dans la dignité, accueille avec espoir l'annonce d'Emmanuel Macron d'une nouvelle loi encadrant la fin de vie d'ici fin 2023. D'autant que le Comité consultatif national d'éthique a rendu un avis inédit, mardi 13 septembre, se prononçant en faveur d'une "application éthique d'une aide active à mourir" respectant "certaines conditions strictes".
"Je suis content qu'Emmanuel Macron applique enfin ce qu'il a dit, après avoir assuré le 2 septembre, lors de la décoration de Line Renaud (qui est elle-même engagée auprès de l'association, ndlr.), qu'il fallait légiférer," se félicite Robert Wohlfahrt, médecin à Wissembourg et représentant de l'ADMD pour le Bas-Rhin.
Ancien praticien au centre Pierre Clément à Haguenau, spécialisé en soins palliatifs, il a accompagné de nombreuses personnes en fin de vie, également à domicile. "C'est émouvant, ça vous marque", souffle celui qui se bat depuis pour une législation à la Suisse, où le suicide assisté est autorisé, ou comme en Belgique, où l'euthanasie est encadrée. "On va peut-être enfin avoir le choix de notre mort !", se réjouit-il.
Les personnes qui demandent une aide active à mourir sont souvent des gens âgés, qui sont dépendants, avec de multiples pathologies.
Huguette Wieczerzak, déléguée de l'ADMD du Haut-Rhin
Le médecin assure que la population est très concernée par ce sujet : "Une fois par mois, quand je suis de permanence, quatre ou cinq personnes viennent me voir pour connaître les options qui existent, pour être rassuré, pour savoir s'ils pourront choisir les conditions de leur fin de vie". Il estime que seulement un dixième de ces personnes lui demandent des contacts pour sauter le pas dans un pays voisin. "Ce sont souvent des gens âgés, qui sont dépendants, avec de multiples pathologies", explique Huguette Wieczerzak, la déléguée de l'ADMD du Haut-Rhin, qui répond aussi régulièrement à ce genre de demandes. "Pour les Alsaciens, le plus simple est de se rendre en Suisse, mais c'est onéreux", regrette-t-elle. La démarche est beaucoup moins chère en Belgique, mais les structures sont débordées d'appels internationaux.
Pour rappel, l'euthanasie et le suicide assisté sont aujourd'hui interdits en France. La loi Claeys-Leonetti de 2016 autorise néanmoins "sédation profonde et continue" jusqu'à la mort pour les malades en phase terminale et en très grande souffrance, quand leur pronostic vital est engagé à court terme. Il s'agit d'endormir le patient, de stopper les traitements et d'administrer des antidouleurs. La loi prévoit aussi l'arrêt de l'acharnement thérapeutique si le patient le souhaite. S'il ne peut pas s'exprimer, plusieurs médecins peuvent prendre cette décision. Une potentielle nouvelle loi pourrait donc élargir ce cadre très strict.
Lors du dernier débat à l'Assemblée, des députés du Bas-Rhin avaient fait obstruction
Mais rien n'est encore acté : une Convention citoyenne, qui réunira des Français d'octobre à mars, devra débattre sur le sujet et rendre un rapport consultatif, avant la formulation d'une proposition de loi.
Mais l'ADMD redoute un autre écueil comme avec la Convention citoyenne sur le climat. "On va encore discuter, discuter pendant six mois... C'est long quand on sait que tous les sondages montrent que 90% des Français sont favorables" à une aide active sur la fin de vie, déplore Huguette Wieczerzak, qui représente 500 adhérents du Haut-Rhin. Elle-même se bat depuis plus de 10 ans pour ce qu'elle considère comme "une liberté fondamentale". "J'ai vécu cette situation de près, avec mes deux parents. Ma mère était devenue un "légume" comme on dit, et on a pu se mettre d'accord avec les médecins pour la laisser partir. Ce qui n'a pas été le cas avec mon père : les soignants m'avaient répondu qu'ils n'étaient pas là pour tuer", se rappelle cette enseignante à la retraite. Pourtant, son père, également adhérent de l'association pour le droit de mourir dans la dignité, avait fait part de sa volonté d'être euthanasié "comme pour les animaux".
Robert Wohlfahrt, qui représente lui 1200 bénévoles dans le Bas-Rhin, "dont 60 jeunes", est cependant rassuré de voir cette question revenir sur le devant de la scène politique. En mars 2021, une proposition de loi d'Olivier Falorni, député PS de Charente-Maritime, avait déjà été débattue à l'Assemblée dans le cadre d'une niche parlementaire. Mais certains députés, notamment du Bas-Rhin, comme Frédéric Reiss (8e circonscription) et Patrick Hetzel (7e circonscription) avaient fait obstruction au vote en déposant des milliers d'amendements.
Pour le mouvement palliatif, une consultation citoyenne nécessaire
Pour autant, ce débat populaire est nécessaire pour les défenseurs des soins palliatifs, comme l'association Jalmalv. "Nous sommes ouverts à la consultation citoyenne, à condition de définir clairement les choses, ce qu'est le suicide assisté, l'euthanasie, et de ne pas faire d'amalgame, estime Marie-Rose, bénévole à Strasbourg. Pour le moment, ce n'est pas clair cette notion d'aide active à mourir. Il faut dire aux gens, qui ne sont pas toujours bien informés, ce qui existe déjà, et faire le point sur la loi Claeys-Leonetti, parce qu'on n'a pas de retour."
Mardi, le comité d'éthique a dénoncé une "mise en œuvre insuffisante de la législation en vigueur" et encore une fois plaidé pour accélérer les efforts en faveur des soins palliatifs, avec une meilleure formation des soignants, afin de mieux accompagner les malades. C'est sur ce point que ces opposants à l'euthanasie souhaitent insister : "Au-delà des débats pour ou contre, on demande à ce qu'il y ait des alternatives qui soient mises en avant, des moyens pour les soins palliatifs, de meilleures conditions de vie dans les Ehpad, avec plus de personnel. On estime qu'il faut d'abord soulager la souffrance des personnes". Si l'Alsace semble bien dotée en structures de soins et d'accompagnement de fin de vie, 26 départements français sont totalement dépourvus de soins palliatifs, selon un rapport de 2019.