Face à l’obligation de facturer l’électricité consommée au kilowatt près, les petites communes s’alarment des conséquences financières. Alors que le passage au comptage réel nécessite des investissements coûteux, des maires, comme celui de Blasimon, en Gironde, pointent une mise en œuvre précipitée qui pèse sur des budgets déjà contraints.
La nuit tombe sur Basimon, et avec elle, une ombre qui s’étend sur les finances de cette petite commune rurale girondine d'à peine 1000 habitants. Bientôt, ses factures d’électricité devront précisément refléter la consommation de chaque lampadaire. La mesure vient d'être imposée par Enedis qui met fin à un système de facturation forfaitaire en place depuis des décennies.
Si cette transition répond à un souci d’équité et de transparence, elle inquiète les collectivités locales, à commencer par le maire, Daniel Barbe. "Un point lumineux dans un village va coûter environ 115 euros par an contre 90 euros auparavant, souligne-t-il. C’est logique qu’on nous demande de faire attention à notre consommation, mais il faut nous laisser le temps de nous adapter, surtout avec les restrictions budgétaires actuelles."
Un changement de paradigme technique et financier
Le passage au comptage réel suppose d’installer un compteur Linky pour chaque point lumineux. L'investissement implique à la fois un raccordement électrique et la mise en conformité des installations. L'affaire a commencé à affoler les collectivités en 2021, en témoignent les courriers qui s'accumulent sur le bureau du président du Syndicat de l'énergie de la Gironde.
Il est normal que chacun paye l'électricité au niveau de sa propre consommation.
Stéphane OuliéPrésident du Syndicat de l’énergie de Gironde
"C'est un changement de logiciel, explique Stéphane Oulié, président du Syndicat de l'énergie de Gironde. Mais, on peut penser que c'est normal que tout un chacun paye l'électricité au niveau de sa propre consommation."
Avant "il n'y avait pas de relève à faire, pas de compteur à installer pour de petites consommations, car l'éclairage public n'est allumé que la nuit. Donc, c'est quelque chose qui arrangeait tout le monde et on a laissé dériver ça pendant des années", poursuite Stéphane Oulié.
Mais l’explosion du nombre de points lumineux, notamment dans les zones périurbaines, a changé la donne. " Il y a eu une urbanisation importante de la première, puis de la deuxième couronne bordelaise qui fait qu'ils se sont développés ces dix, quinze, dernières années, si bien qu'aujourd'hui, il y a un enjeu technique, juridique et financier, car cela représente un coût important."
Des solutions pour réduire la facture
Pour alléger la charge, le syndicat s’est fixé un délai de trois ans pour équiper chaque candélabre en compteur. Mais ce calendrier soulève des doutes. Certaines communes, déjà engagées dans la transition écologique, s’en sortiront mieux. Investir dans des ampoules LED, optimiser les horaires d’éclairage ou même éteindre certains lampadaires pendant la nuit sont autant de pistes envisagées pour contenir les dépenses. Mais pour d’autres, l’addition sera lourde.
Daniel Barbe, pragmatique, appelle à une approche progressive. "Je trouve tout à fait logique qu'on nous demande de faire attention à notre consommation électrique, quand on le fait chez nous, c'est normal de le faire dans un village par exemple, insiste-t-il. Mais sur la forme, il faut nous laisser le temps de le mettre en place et de faire des investissements, à l'heure où on est, en train de nous restreindre financièrement, laissons-nous le temps de réagir."
Si l’objectif d’Enedis semble clair, les collectivités espèrent une mise en œuvre souple et adaptée à leurs moyens. Dans cette période d’incertitude, la lumière des candélabres risque de devenir, pour beaucoup de maires, le symbole des défis économiques à venir.