Fin de vie : "On craint que les propositions de la Convention citoyenne n’aboutissent pas", les associations espèrent de vraies avancées du gouvernement

Après trois mois de débats, la Convention citoyenne sur la fin de vie composée de 184 Français s’est prononcée, le 19 février 2023, en faveur d’une "aide active à mourir". Malgré cette avancée, certaines associations craignent une loi "a minima" différente de celle de la Suisse ou de la Belgique.

La Convention citoyenne sur la fin de vie s’est prononcée majoritairement, le dimanche 19 février, en faveur d’une évolution de la loi vers une "aide active à mourir". En Alsace, l’association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) félicite ce résultat, mais reste sur ses gardes et appelle le gouvernement à retenir les propositions qui vont être faites dans les semaines à venir.

Composée de 184 personnes tirées au sort, la Convention s’est réunie lors d’un vote au Conseil économique, social et environnemental. 84% d’entre eux ont estimé que le "cadre d’accompagnement de la fin de vie" ne répondait pas aux différentes situations rencontrées en France. À la question : "l’accès à l’aide active à mourir doit-il être ouvert ?", 75% des participants ont répondu favorablement.

Longtemps resté tabou, les débats sur la fin de vie ont refait surface en 2016 lors du vote de la loi dite Claeys Leonetti. Cette dernière consacre le droit de chaque personne à demander une sédation profonde et continue jusqu’à son décès, sous certaines conditions. Toutefois, la mesure reste insuffisante pour certains. "C’est une loi rarement appliquée, soit par manque de moyens ou méconnaissance des médecins", affirme Huguette Wieczerzak, déléguée de l’ADMD dans le Haut-Rhin. En effet, l’offre de soins palliatifs sur le territoire national est inégale. Au total, ce sont 26 départements qui n’ont aucune unité de soins palliatifs, selon le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV).

Inquiétude sur le projet de loi à venir

Pour l’ADMD, la Convention citoyenne est une "bonne initiative" qui doit "amener une vraie loi comme en Belgique", c’est-à-dire l’accès à l’euthanasie active, qui est exercée par un médecin. "Nous voyons que l’avis rendu va dans le sens que nous souhaitons, mais on craint que ça n’aboutisse à rien ou à pas grand-chose", déclare Huguette Wieczerzak. "A la suite de la Convention citoyenne pour le climat, peu de propositions ont été mises en application". Seules 28 mesures avaient été retenues sur les 149 soumises par les participants à l’époque, alors qu’Emmanuel Macron avait promis de les reprendre "sans filtres". 

Pour cette nouvelle édition de la Convention citoyenne, le gouvernement d’Elisabeth Borne ne veut pas reproduire la même erreur et ne promet pas de mettre en application leurs résultats. Le rapport détaillé sera transmis à la fin du mois de mars, mais selon les premiers votes, les avis sont "encourageants et permettront d’encadrer les euthanasies et l’aide active à mourir pour tous", indique la déléguée de l’ADMD. Selon elle, il y aurait entre de "2000 et 4000 euthanasies clandestines pratiquées" en France chaque année, un chiffre qui reste difficile à vérifier.

On ne peut pas laisser quelqu’un en sédation profonde, c’est une euthanasie déguisée et douloureuse 

Huguette Wieczerzak, déléguée de l’ADMD dans le Haut-Rhin

Cette future loi "pourrait permettre aux malades qui souffrent de mourir dignement, et à leur famille d’être plus apaisée", estime l’ADMD. "Mon père est mort d’asphyxie alors que nous savions qu’il allait décéder quelques heures après", se rappelle Huguette Wieczerzak. Pour cette dernière, la sédation autorisée depuis 2016 n’est pas suffisante. "On ne peut pas laisser quelqu’un en sédation profonde, c’est une euthanasie déguisée et douloureuse", juge-t-elle.

La Belgique comme modèle 

Alors que la convention citoyenne en France n’en est qu’à ses débuts, la déléguée de l’ADMD dans le Haut-Rhin estime qu’une loi similaire à la Belgique est nécessaire. "C’est très contrôlé. Il faut avoir une maladie grave, incurable, on ne vient pas juste pour un suicide", explique-t-elle. Plusieurs Français, dont des Alsaciens ont recours à ces méthodes à l’étranger, soit en Suisse, soit en Belgique.

En Suisse, seul le suicide assisté est autorisé. C’est-à-dire qu’il faut que la personne soit pleinement consciente pour se donner la mort. En Belgique, un médecin peut être présent pour une "euthanasie active", le patient n’a donc pas besoin de se donner la mort lui-même. Pour ce qui est de nos voisins allemands, l’euthanasie active reste interdite et poursuivie pénalement. Toutefois, l’euthanasie passive, c'est-à-dire le refus ou l'arrêt d'un traitement nécessaire au maintien de la vie, est autorisée comme en France. Le Parlement allemand pourrait prochainement débattre des possibilités de réforme de l’euthanasie.

Claudette Pierret, membre de l’ADMD, aide depuis plusieurs années des personnes à aller mourir en Suisse ou en Belgique. "Les hôpitaux en Belgique sont débordés par les patients français. Il faut que cela cesse et qu’une loi soit votée en France. D’autant plus que c’est un budget de devoir aller mourir dans un autre pays", affirme-t-elle.

Il ne faut pas que l’aide active à mourir ne soit appliqué seulement aux personnes en phase terminale, ou qui sont sur le point de décéder

Claudette Pierret, membre de l’ADMD

Malgré sa préférence pour un référendum au niveau national, Claudette Pierret reconnaît que la Convention citoyenne va permettre des avancées, mais craint qu’elles soient trop lentes : "Il ne faut pas que l’aide active à mourir ne soit appliqué seulement aux personnes en phase terminale, ou qui sont sur le point de décéder", estime-t-elle. "Certaines maladies sont incurables et causent de grandes souffrances aux patients. Il faut qu’ils puissent choisir, et non qu’on leur impose un acharnement thérapeutique qui n’est plus autorisé depuis 2002".

Les soins palliatifs occultés par l’euthanasie ?

Hormis la question de l’aide active à mourir, la Convention citoyenne pour la fin de vie a aussi voté en faveur de mesures pour faciliter l’accès aux soins palliatifs des patients. Pour Karine Meunier, présidente du réseau alsacien de soins palliatifs, "légiférer sur une aide médicale à mourir est dangereux si l'on n'a pas une vraie politique des soins palliatifs". En Alsace, le manque de personnel dans le secteur se fait ressentir, comme dans "plusieurs départements en France". Selon Karine Meunier, il faudrait 1,5 soignant par patient, ce qui n’est "pas toujours le cas".

Pour le réseau alsacien, il faut d’abord rendre les soins palliatifs accessibles à tous. "On est confronté à ces demandes d’euthanasie, mais il ne faut pas s’arrêter à cette requête. Notre travail est de comprendre et d’avoir un dialogue", indique la présidente. "Il faut renforcer les campagnes de sensibilisation et les formations des professionnels pour accompagner les patients. Lorsqu’on arrive à régler les différents problèmes, que ce soit psychologique ou physique, la demande d’aide active à mourir disparaît dans la majorité des cas".

Avant d’arbitrer une loi sur la fin de vie, Emmanuel Macron rencontrera cette semaine les partisans des deux camps afin qu’ils lui expriment leur point de vue. L’occasion, peut-être, d’étoffer la décision de la Convention citoyenne au cours de son vote.

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