Gaétan Bohler vit à Schweighouse sur Moder, dans le nord de l'Alsace. Marié, il a deux enfants et deux petits enfants. Une vie bien remplie, pourrait-on croire. Mais pour lui, ce joli tableau était insuffisant. Alors, il s'est mis à marcher, de plus en plus loin, de plus en plus longtemps, en quête du bonheur. Et il l'a trouvé, affirme-t-il.
Cela fait une semaine maintenant que Gaétan Bohler a posé son sac chez lui, en Alsace, de retour d'un voyage qui aura duré 92 jours en tout. Du 18 mai au 18 août, il a parcouru 3 200 kilomètres dont plus de 2 000 à pied entre Tanger et Guelmim au Maroc. Seul, à travers le massif de l'Atlas, et pas forcément par le chemin le plus court. Mais la prouesse sportive n'a aucune importance dit-il. "L'idée ça n'est pas du tout de compter les kilomètres. Mon objectif c'était de revenir avec deux millions de sourires en souvenir". Mission accomplie, affirme-t-il.
Les sourires et les rencontres. Voilà ce qui le fait avancer, avec un sac pour seul bagage. "Quatre litres d'eau, trois kilos de nourritures - de quoi tenir quelques jours - Et deux t-shirts : un T-shirt sale pour la journée, et un propre pour la nuit". L'inventaire est vite fait. Gaétan Bohler a appris la sobriété. "Je n'ai pas toujours été comme ça, raconte-t-il. Avant je gagnais super bien ma vie, j'avais une super bagnole, je ne pensais qu'à gagner de l'argent. Aujourd'hui, je donne des conférences gratuitement dans les écoles ou dans les structures pour personnes handicapées. Jamais je n'aurais fait cela, avant."
Aujourd'hui, Gaétan Bohler a 60 ans, et vit sur ses réserves. Il n'aime pas faire les courses, il ne rêve plus de changer de voiture, ni d'agrandir la piscine. Il veut juste partir marcher, une fois par an. Seul, avec son sac à dos. Tout a commencé il y a cinq ans lorsque sa fille lui a fait remarquer que le monde était vaste, et la vie bien trop courte. Son fils de son côté, trouvait qu'il était en surpoids, et pas assez sportif. C'est comme cela qu'il s'est mis à la marche. En Corse, puis dans les Alpes... Jusqu'à imaginer un Paris-Dakar, bouclé l'an dernier après sept mois d'itinérance.
La devise de Gaétan Bohler : "Moins tu as, plus tu es"
Depuis, c'est devenu son obsession : partir, pour mieux se retrouver. Ce fut le cas cet été à travers l'Atlas marocain. Cela n'avait pas été possible l'an dernier, lors de son périple vers Dakar, car le massif était enneigé, il a fallu éviter la montagne et passer par le littoral. Cette fois, il est donc reparti à l'assaut des sommets. "Un paysage lunaire, pas un touriste à l'horizon décrit-il. On se sent tout petit au milieu d'un grand tout".
Il a aimé les moments de solitude, lorsque durant plusieurs jours d'affilée, il s'est retrouvé au milieu de nulle part. Et puis, il y a eu les rencontres et les moments de partage avec des villageois, croisés sur son chemin. Des instants tellement forts qu'ils lui ont fait oublier la fatigue, et les douleurs physiques. "Les gens me disent que c'est courageux de ma part, mais je ne trouve pas. Moi, je trouve que le courage c'est de rester là, à regarder les politiques à la télé" dit-il.
À peine rentré en Alsace, Gaétan Bohler a déjà des fourmis dans les jambes. "Je repartirai, affirme-t-il. Je pensais à la Bretagne, mais il y a des restaurants et des auberges partout, ce n'est pas rigolo. Peut-être le sud du Maroc, peut-être le Viet Nam, je ne sais pas trop encore. Mais j'ai calculé que vu ma forme physique et mentale, je peux vivre jusqu'à 97 ans. Il me reste donc 13 500 jours pour en profiter". Se sentir vivant. Et pour y parvenir, il faut donc partir. C'est sa recette du bonheur.