La récolte des premières cerises est à moitié perdue, "seuls le soleil et le vent peuvent sauver la saison"

Les producteurs de cerises alsaciens comptaient sur cette saison, mais les précipitations ont été désastreuses en mai. "Les arbres étaient chargés, donc on s’attendait à du volume, mais la première récolte est déjà perdue à 50%."

"On a commencé la semaine dernière avec la cueillette de la Burlat, une variété déjà très sensible en temps normal, mais là, on a arrêté de cueillir." regrette Véronique Steinmetz, la directrice de la coopérative de producteurs "Les jardins du Ried" à Westhoffen, capitale de la cerise en Alsace. "On attend les prochaines variétés qui vont arriver dans quelques jours."

Avec la pluie qui continue de tomber en ce début juin, le moral des cueilleurs de cerises est plutôt morose. Même écho chez une productrice de la ferme Steinmetz à Kriegsheim. Pas simple, car cela fait plusieurs années que les récoltes de cerises sont impactées par la météo. 

Après le gel de 2023, les producteurs de cerises alsaciens comptaient sur cette saison. Mais il y a eu des pluies diluviennes ce mois de mai, en Alsace. "Les arbres étaient chargés, donc on s’attendait à du volume, mais la première récolte est déjà perdue à 50%." regrette Chloé Steinmetz, productrice d'une quinzaine de variétés de cerises à Kriegsheim, dans le Bas-Rhin. 

Les méfaits de la pluie

"Quand il pleut trop, la cerise accumule l’eau et une fois gorgée, elle éclate. Trop d'eau peut développer la moniliose, une pourriture du fruit." explique la jeune productrice de fruits à noyaux. "Quand il fait humide et frais, la moniliose se développe davantage." Dans les vergers, beaucoup de ces cerises abîmées jonchent le sol actuellement "On fait le tri et ce qui est pourri part au compost." 

La chambre d’agriculture d'Alsace a un service dédié à l’arboriculture. En fonction des attaques spécifiques sur les fruits, elle envoie des flashs d'information aux producteurs, pour leur indiquer avec quels traitements ils peuvent limiter les dégâts.

Philippe Jacques, conseiller spécialisé dans l'arboriculture, à la chambre d'agriculture d'Alsace, détaille le phénomène du trop-plein d'eau sur les cerises et les cerisiers. Outre l'eau de pluie qui traverse l'épiderme de la cerise qui gonfle et éclate, il y a aussi le phénomène racinaire."Quand un sol est gorgé d'eau, les racines continuent d'assimiler l'azote et la potasse. Ceux-ci servent à faire grossir les fruits, mais les nutriments comme le phosphore et le calcium vont faire défaut, ce qui fragilise les fruits." L'équilibre est rompu a cause de la saturation des sols. 

Une des astuces utilisées consiste à apporter du calcium, avec des extraits d'algues, qui ramènent du sucre au végétal. "On améliore ainsi un peu les apports du fruit, mais dans les conditions extrêmes actuelles, cette technique ne suffit plus. Car l'alimentation en nutriments des fruits se fait par le système racinaire et pas par les traitements."

Besoin de soleil, mais surtout de vent sec

Si les producteurs attendent tous le soleil avec impatience, il faudrait selon ce spécialiste, surtout du vent, et du vent d'Est, pour sécher les cerisiers. "Tant qu'il n'y a pas de vent, en présence d'eau qui stagne, le fruit reste humide et le système racinaire s'asphyxie." souligne Philippe Jacques. 

Faire survoler les cultures par hélicoptère reviendrait trop cher. L'assèchement par ventilateurs a été tenté dans le Sundgau, mais n'a pas permis de sauver l'équilibre des fruits. C'est comme pour les vignes, il est possible d'agir jusqu'à un certain stade, mais quand les fruits sont trop abîmés, ils pourrissent.

"Si le mois de juin est ensoleillé, les prochaines seront moins sensibles, que les Burlat qui ont pris l'eau pendant tout le mois de mai."

Chloé Steinmetz, Ferme Steinmetz, Kriegsheim (67)

Une assurance pour les pertes, pour la première fois 

Une poignée de cerises dans sa main de travailleur, Willy Hufschmitt se désole : "A chaque poignée, il faut trier. Sur dix cerises, on en garde la moitié, parfois deux ou trois. "

Pour la première fois, explique Heili Verena, la famille a pris une assurance multirisque climat (vent, tempête, gel, excès d'eau etc)  "Il y a une aide de l'Etat pour y souscrire, sinon on n'aurait pas pu" souligne l'exploitante. 

Elle reconnait un peu soulagée: "Le stress est moins important parce qu'on a cette assurance." A quoi elle ajoute immédiatement un bémol."Mais comme le calcul de dédommagement se fait sur les récoltes des cinq dernières années, on ne sait pas combien on aura, car malheureusement les cinq dernières années, on n'a pas eu de grosse récoltes.

Sources d'espoir 

Grâce aux journées de ce mois de juin, qui sont parmi les plus longues de l'année, le taux d'ensoleillement (si le soleil revient) sera a priori salutaire. Même si "une cerise gorgée d'eau peut aussi éclater sous l'effet de la chaleur, une fois le soleil revenu " précise Véronique Steinmetz. "Cette semaine est décisive. On va voir comment elles vont se comporter." 

Point positif en Alsace, les producteurs ont des cultures diversifiées. Aucun ne produit que de la cerise, ils ont aussi des mirabelles et des prunes, donc personne n'est totalement pénalisé. Certains sont tout de même davantage impactés que d'autres, en fonction des coups de gels localisés, des itinéraires des nuages de pluies et des couloirs dans lesquels évoluent les orages. En 2023, les récoltes du Haut-Rhin avaient été bien meilleures que celles du Bas-Rhin. 

Autre avantage à signaler pour les producteurs locaux de cerises. En Alsace, on récolte environ deux semaines après le sud de la France, et on termine plus tard. Ça leur laisse donc une chance, puisque le temps devrait s’améliorer. On croise les doigts. Fin officielle des récoltes mi-juillet.

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