Rund um. Sur les étals, les bières artisanales, made in Alsace, sont de plus en plus nombreuses et toujours plus originales. En vingt ans, les micro-brasseries sont passées de 3 à 80, signe d'une affection constante des consommateurs, de plus en plus connaisseurs.
L’embarras du choix. C’est ce qui vient à l’esprit devant la multitude de bouteilles de bières artisanales qui garnissent les rayons des magasins. Perle, Bendorf, Uberach… Brune, blonde, au thé, grillée ? Difficile parfois de faire son choix. Il faut dire que le consommateur de bière a bien évolué en vingt ans. « Nous recevons de plus en plus de clients jeunes, plutôt connaisseurs », nous révèle Dominique Kurth, co-gérant d’une cave à bières à Illkirch. « Depuis une dizaine d’années, les ventes ont grimpé en flèche. Aujourd’hui, le rayon Alsace représente un tiers de nos ventes. »
L’image de la bière, en général, a changé. Il suffit d’observer les étiquettes des bouteilles artisanales, souvent très soignées et colorées, rivalisant avec celles de grandes marques bien connues. Même si les Français restent à la dernière place des consommateurs de bière en Europe, cette boisson est un produit de dégustation, au même titre que le vin.
Une tendance accrue – ou entraînée, peut-être – par l’essor des micro-brasseries. « Là où nous étions trois en Alsace il y a vingt ans, nous nous retrouvons à 80 de nos jours », explique Eric Trossat, gérant de la brasserie artisanale Uberach et vice-président des Brasseurs d’Alsace. « Auparavant, on hésitait à s’installer au pied d’un grand groupe. Ce n’est plus le cas ».
Une micro-brasserie, c’est moins de 200 000 hectolitres par an
Or, à partir de quel moment, et jusqu’où, parle-t-on de micro-brasserie, ou brasserie artisanale ? D’abord, lorsqu’elle produit moins de 200 000 hectolitres par an. Bien sûr, il ne s’agit pas de l’amateur qui brasse dans sa cuisine ou sa salle de bains. Quoique… c’est ainsi que beaucoup ont commencé. A l’instar de Franck Julich, patron de la brasserie La Mercière, installée à Cosswiller depuis 2017, après avoir dû quitter ses locaux de Niederhausbergen. « Quelqu’un m’a offert un kit de brassage pour mes trente ans. Je me suis pris au jeu, et voilà. » Maintenant, il a deux salariés et brasse 1200 hectolitres par an. « Mais je tiens à rester petit. Pour moi, la bière doit rester synonyme de convivialité ».
Une philosophie qu’il déroule jusque dans la salle du restaurant qu’il envisage d’ouvrir en avril, et qui accueille déjà, sous forme de bar, les clients de la boutique de la brasserie. Dans ce local, qu’il a entièrement rénové après son arrivée, certains habitants du village ont pris leurs habitudes. On peut même y croiser certains visages familiers, comme celui d’Eric Wasser, l’inventeur de l’héliodome, ravi de voir revivre son Cosswiller natal.
Les consommateurs apprécient les parfums originaux
Plus petite, de l’ordre d’une nano-brasserie pour les puristes, la Brasserie Bücher de Bernardswiller. Fabrice, son fondateur, travaille seul, dans la cave aménagée de sa maison viticole du 16ème siècle, depuis sa reconversion professionnelle en 2018. « J’aime proposer des parfumes originaux, en travaillant avec du thé, du kombawa, des agrumes… Les consommateurs aiment mettre ces bières sur la table lors d’un apéro entre amis par exemple ». D’ailleurs, chez lui, on trouve surtout des grandes bouteilles de 75 cl. Parce que la bière se partage.
En vingt ans, peu d’entreprises ont mis la clé sous la porte, les clients sont au rendez-vous. Ce qui n’empêche pas certaines inquiétudes d’émerger, face à l’augmentation des prix des matières premières, ainsi que des emballages. « Les clients ont tendance, depuis quelques mois, à délaisser la bière pour d’autres produits de première nécessité. Et puis, il faut rembourser les PGE (prêts garantis par l’Etat) du Covid », explique Eric Trossat. Mais pour l’instant, contrairement à d’autres secteurs, celui de la brasserie artisanale se porte plutôt bien.