Le premier tour des élections législatives marque un net repli de la droite traditionnelle en Alsace. Eliminés dans onze circonscriptions, les candidats LR-UDI ne seront présents que dans quatre duels au second tour. Analyse de cette débâcle avec le politologue Philippe Breton.
Ils étaient à la tête de sept circonscriptions alsaciennes avant ces législatives. Le 19 juin prochain, ils ne seront plus que quatre candidats LR-UDI à pouvoir prétendre à un fauteuil à l’Assemblée nationale.
Le premier tour des élections législatives a été sans concession pour la droite traditionnelle en Alsace. Un seul député LR sortant est arrivé en tête ce 12 juin : Patrick Hetzel dans la 7e circonscription du Bas-Rhin. Trois autres sont relégués en deuxième position : Raphaël Schellenberger dans la 4e circonscription du Haut-Rhin, Jacques Cattin dans 2e du Haut-Rhin et Yves Hemedinger dans la 1ere circonscription du Haut-Rhin.
Un député LR a même été éliminé dès ce premier tour : Philippe Meyer dans la 6e circonscription du Bas-Rhin. La 8e circonscription du Bas-Rhin et la 3e du Haut-Rhin étaient jusque-là détenues par des LR (Frédéric Reiss et Jean-Luc Reitzer) qui ne se représentaient pas ; les duels du second tour se joueront entre le RN et la majorité présidentielle.
Pourquoi cette débâcle pour la droite traditionnelle ? Faut-il y voir une recomposition du paysage politique local ? Décryptage avec le directeur de l’observatoire de la vie politique en Alsace, Philippe Breton.
Cette déroute est-elle la suite logique de la lourde défaite de Valérie Pécresse à la présidentielle ?
Les candidats LR ont payé un lourd tribut dans ce premier tour des législatives. Quatre d’entre eux ont à peine récolté 5% des voix. Mais ce n’est pas forcément une conséquence du fiasco de la présidentielle, puisqu’on voit que les candidats des Républicains et de l’UDI sont dans un courant remontant au plan national par rapport à la présidentielle (ils ont récolté 13.6% des suffrages le 12 juin contre 4.9% des voix à la présidentielle).
Ce n’est pas le cas en Alsace. Les candidats LR-UDI ne seront présents que dans quatre duels pour le second tour (dans la 5e du Bas-Rhin et dans les 1e, 2e et 4e du Bas-Rhin). En cela, l’Alsace est en décalage par rapport au reste du territoire : pour ce premier tour, les électeurs alsaciens ont voté comme le reste de la France l’avait fait en 2017.
Est-ce la preuve que LREM a réussi son ancrage en Alsace ?
Au soir du premier tour, les candidats LREM sont parvenus à se qualifier dans 13 des 15 circonscriptions. Mais cela n’est pas forcément signe d’un ancrage local réussi. Ils ne doivent pas tant leur score à leur bilan personnel qu’à une aspiration des électeurs alsaciens à la stabilité politique qu’apporterait une majorité absolue à Emmanuel Macron.
Les profils des candidats LREM peut aussi expliquer cette consolidation du vote LREM en Alsace. Les électeurs vont chercher le candidat le plus « tranquille » que semble incarner à leurs yeux ceux de la majorité présidentielle.
Leur âge peut également expliquer ces bons scores : quand on présente des candidats jeunes et dynamiques, quelle que soit leur étiquette, il peut y avoir un effet mobilisation sur des électeurs jeunes qui traditionnellement votent peu pour ce type de scrutin. Ils se reconnaissent davantage dans ce profil de candidats. Une illustration de ce phénomène se lit dans la participation à ce premier tour dans la 1e circonscription du Bas-Rhin : avec 50.8% de suffrages exprimés, c’est celle où l’on a le plus voté en Alsace. Or beaucoup de candidats y sont relativement jeunes.
Une jeunesse qui, aux yeux des électeurs, ne rime pas forcément avec inexpérience : être adossé à la solide machine LREM semble les rassurer. En atteste le score de Louise Morel, arrivée en tête dans la 6e circonscription du Bas-Rhin devant le RN. A seulement 27 ans, elle est parvenue à éliminer de la course le député sortant Philippe Meyer.
Faut-il y voir une recomposition du paysage politique en Alsace ?
L’électorat n’a pas changé, il reste un fort taux de centre-droit en Alsace. On le voit aux écarts de voix parfois très faibles entre des candidats LR et leurs concurrents : il a manqué 1000 voix au sortant LR Philippe Meyer pour se qualifier au second tour dans la 6e circonscription du Bas-Rhin et à peine 700 à Thomas Zeller dans la 3e circonscription du Haut-Rhin, arrivé en troisième position.
Mais cet électorat alsacien semble estimer que les LR ne le représentent plus. Il s’identifie davantage à des élus issus de LREM.
La vraie nouveauté de ce premier tour est la percée de l'extrême-gauche dans les grandes villes (elle s’est qualifiée dans cinq circonscriptions alsaciennes) et du RN dans les campagnes. Il aura des représentants dans huit duels pour le second tour.