Les 100 ans d'Ophéa, le premier office HLM de Strasbourg

Rund Um. Voici un siècle, début 1923, naissait le premier office HLM de Strasbourg. Aujourd'hui, sous le nom d'Ophéa, il gère plus de 20.000 logements dans l'Eurométropole.

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Le 20 janvier 1923, Jacques Peirotes, alors maire de Strasbourg, crée l'Office public d'habitation à loyer bon marché. (A l'époque, le terme d'HLM (habitation à loyer modéré) n'a pas encore été inventé.) Dans ces années suivant la Première guerre mondiale, Strasbourg est en pleine mutation, et il faut créer rapidement de nouveaux logements.

Les constructions se succèdent au fil des décennies, et l'Office change plusieurs fois de nom. Il devient l'Office public d'habitations à loyer modéré (OPHLM) en 1968, et couvre les 27 communes de la CUS (Communauté urbaine de Strasbourg) nouvellement créée. Pour ses 70 ans, en 1993, il est rebaptisé Cus Habitat. En 2015, il prend le nom d'Office public de l'habitat de l'Eurométropole de Strasbourg. Depuis 2019, il s'appelle Ophéa, gère plus de 20.000 appartements répartis sur 21 communes de l'Eurométropole, et compte plus de 50.000 locataires et près de 460 salariés. 

Une histoire liée à celle de Strasbourg

 Dès le début des années 1920, plusieurs cités sortent du sol strasbourgeois : la cité Blum (près de l'actuelle place d'Islande), la cité Jean Dollfus (sur l'avenue de la Forêt-Noire) et la cité Léon Bourgeois (sur le boulevard Leblois). Lorsqu'il est créé en 1923, l'Office reçoit en dotation ses 233 premiers logements.

Au début des années 1930, la ville démolit de nombreuses maisons insalubres et crée de grandes avenues, dont l'actuelle rue de la Division Leclerc, où l'Office construit des immeubles de logements sociaux. A cette époque, il crée aussi plusieurs crèches, principalement dans le quartier du Neudorf, ainsi qu'une garderie. Et organise un autobus de ramassage de bébés, le "Bubbelewaawe", pour les tout-petits des autres secteurs.

Immédiatement après-guerre, l'Office construit une cité-jardin rue des Chasseurs, dans le quartier de la Robertsau. En 1953, les onze immeubles de sa nouvelle cité Rotterdam, dessinés par un disciple de Le Corbusier, font sensation, avec leurs balcons, leurs cuisines ouvertes, leurs vide-ordures, leur chauffage par le sol et leur accès à l'eau chaude. Comme la grande majorité des Strasbourgeois n'a encore ni WC intérieur, ni baignoire, ni douche, l'Office propose à d'autres locataires d'accéder pour une somme modique à des bains, aménagés rue Aristide Briand.

Toujours dans les années 1950, naissent les premiers grands ensembles dans des quartiers traditionnellement agricoles, tels le Neuhof ou la Meinau. Une décennie plus tard, c'est au tour du quartier de l'Esplanade, bâti sur un ancien terrain militaire. Puis de nouveaux chantiers sont lancés à Cronenbourg, à l'Elsau, ainsi qu'à Hautepierre.

Dès la fin des années 1970, l'Office se lance aussi dans la réhabilitation de bâtiments anciens, dans le quartier de la Krutenau et celui de la Grand-rue. Depuis le début des années 2000, il poursuit de grands chantiers de rénovation de son patrimoine, au rythme actuel de 1.500 logements par an. Il continue aussi de construire, mais à moindre échelle, avec l'idée de promouvoir davantage la mixité sociale. 

Un demi-siècle en HLM

 Nadia Medbou vit "depuis 64 ans dans le quartier de la Montagne Verte, et depuis 50 ans dans la cité Henri Sellier" qui dépend d'Ophéa. De petits immeubles agencés autour d'une place centrale, où l'alerte sexagénaire se sent vraiment bien. "C'est un petit village" explique-t-elle. "Les voisins se connaissent, les gens se parlent, et s'il y a un problème, ils sont là."

Cette éducatrice retraitée connaît "disons… 90% des gens. C'est normal. quand on arrive dans ce quartier, on en veut plus en repartir." Elle-même en est le meilleur exemple. En un demi-siècle, elle a vécu toute l'évolution du lieu. "Au début, il y avait beaucoup, beaucoup d'enfants (…) Mais à 20h, tout était calme. Il n'y avait aucun gamin dans la rue, pas plus qu'à midi." Ensuite, cette génération d'enfants devenus adultes et partis voler de leurs propres ailes, "on a eu beaucoup de personnes âgées, dont beaucoup ne sont plus là." Et maintenant "il y a surtout des jeunes. On a toutes les cultures."

Mais pour elle, l'esprit de sa cité est resté inchangé. S'il y a un problème à régler, Nadia Medbou, qui préside l'association du quartier, n'hésite pas. "On rappelle les règles. Car souvent, les gens n'ont pas l'habitude, ou ne savent simplement pas qu'on n'accroche pas le linge à la fenêtre, ce genre de choses. Il faut juste connaître les gens, et être honnête."

Elle aide certains "à remplir leurs papiers, à lire une ordonnance…" Depuis la fenêtre de sa cuisine, au rez-de-chaussée, elle discute quotidiennement avec les gamins dans la rue. "Quand ils veulent me parler, ils ne sonnent pas. Ils se mettent simplement sous la fenêtre et élèvent la voix" précise-t-elle. "Je leur dis souvent : Si tu veux grandir dans le quartier, fais tout pour que ton quartier soit beau." Et elle prévoit prochainement des ateliers de cuisine pour eux, les mercredis. 

Des agences de proximité au cœur des quartiers

Depuis 1993, l'Office s'est doté de sept agences de proximité : des lieux d'accueil situés au centre des cités, où les locataires peuvent venir signaler un problème, demander conseil, ou simplement faire un brin de causette. Dans la cité HLM du Guirbaden à Bischheim, qui totalise 500 logements, l'agence de proximité est sous la responsabilité de Jean-Marie Mutesa. "Mon rôle, c'est d'être un relai entre le bailleur Ophéa et les locataires" explique-t-il. Son but ? "Leur rendre la vie facile pour être bien."

Pour lui, le dialogue est absolument essentiel : "Ce travail est une vocation, car il faut aimer les gens." Mais il reconnaît qu'il passe ses journées "dans une ambiance assez… vivante." Ici, le quotidien "est très chargé de bons moments, mais parfois aussi des moments durs, quand il faut gérer des conflits, ou quand des personnes sont remontées pour diverses raisons."

A Bischheim, Jean-Marie Mutesa est responsable de deux "gardiens d'immeubles", dont Pierre Lutz, salarié de l'Office depuis 46 ans. "Je l'ai connu sous trois noms différents" rigole-t-il. Et cela fait 22 ans qu'il travaille à la cité Guirbaden, qui a été joliment rénovée en 2018. Lors de sa première tournée matinale, il examine les abords. Un aimant dévissé sur une porte d'entrée, des papiers qui traînent, des taches d'huile de friture sur un mur, rien ne lui échappe. Et il programme déjà les réparations, et un coup de peinture pour les jours à venir.  

Quand il découvre des tags tout frais dans un couloir, la moutarde lui monte au nez. "Regardez ça, des graffitis partout. A peine nettoyé, c'est à nouveau barbouillé." Mais cela ne suffit pas à entacher sa bonne humeur. "C'est un travail super, j'ai plein de contacts. Et c'est très varié. Parfois je fais de la serrurerie, parfois de l'électricité, ça change chaque jour."

Il tutoie bon nombre de locataires, qu'il connaît depuis des années. Il lui arrive aussi de monter les courses à des personnes âgées, de "vérifier les devoirs si les gamins ont des problèmes" ou d'"aider certains à remplir leurs papiers." Et s'ils ont du mal à s'exprimer en français, "on parle avec les mains."  

Lorsque des locataires signalent un problème dans leur appartement, il passe voir ce qu'il en est, en emportant immédiatement sa boîte à outils. Si la réparation est dans ses cordes, il la réalise directement. Sinon, il appelle la régie d'Ophéa, pour qu'un spécialiste intervienne le plus rapidement possible. 

Une régie interne ouverte 7 jours sur 7

 En effet, Ophéa est l'un des seuls Offices HLM de France de cette dimension à disposer de sa propre régie, regroupée depuis 2013 dans un grand bâtiment nommé l'Atelier, sis rue de la Plaine des Bouchers, dans le quartier de la Meinau. André Schott, directeur adjoint de la maintenance et du patrimoine, en fait les présentations : "L'Atelier, c'est 140 salariés. Ici, on a tous les métiers nécessaires pour réparer l'existant : techniciens sanitaires, carreleurs, électriciens, peintres, menuisiers, serruriers…"

Les menuisiers et les serruriers ont un atelier sur place. A la menuiserie, ils réparent ou refont principalement les portes ou les panneaux de placard abîmés, avant de les réinstaller dans les logements. A la serrurerie, ils rectifient poignées, gonds et serrures.

Les autres corps de métier, après une visite chez le locataire pour identifier les problèmes et définir leurs besoins, viennent récupérer le matériel nécessaire au magasin de l'Atelier. Une immense salle parcourue d'étagères, "où on a 3.500 références" précise fièrement André Schott.

Dans cette véritable caverne d'Ali Baba pour bricoleurs, on trouve autant des robinets que du papier peint, des chauffe-eau que des tuyaux, du carrelage ou de la peinture. Mais les techniciens eux-mêmes n'ont pas le droit de s'y servir. Au guichet, ils passent leur bon de commande aux magasiniers, qui leur préparent ce qu'il leur faut.

A l'étage de l'Atelier, la centrale téléphonique reçoit en moyenne 500 appels quotidiens de locataires. Certains concernent des demandes de location, d'autres signalent des problèmes dans les logements et sollicitent une intervention rapide. Les opératrices font le tri, et transmettent les demandes aux services adaptés.  

"On peut intervenir le plus rapidement possible, et la plupart des réparations peuvent être faites par nos équipes" précise André Schott. "Pour les problèmes urgents, rupture d'un tuyau, panne d'électricité dans un appartement, on a aussi une équipe dédiée. Et une permanence 24h sur 24, 7 jours sur 7."

Un centenaire, et après ?

Mais Ophéa la centenaire ne se contente pas de gérer, et réparer ce qui peut l'être. Son parc de bâtiments construits durant ce siècle continue à faire l'objet de rénovations d'envergure. "On a 5.000 logements chauffés avec des panneaux solaires thermiques, on a développé le photovoltaïque dès les années 2005-2008, et aujourd'hui, on prolonge cette ambition" détaille Julien Mattei, directeur général d'Ophéa. "Nous avons environ 5.000 logements programmés à la réhabilitation dans les dix ans. On vise systématiquement l'enjeu BBC rénovation. L'enjeu est de réduire l'impact sur l'environnement, et de réduire les charges sur les locataires."

Côté construction, la période de création de grandes cités est révolue, mais l'Office "a toujours de grands projets" : dans les années à venir, il prévoit de "construire 200 à 250 logements par an" sur tout le secteur de l'Eurométropole. Dans des bâtiments à taille humaine, et des quartiers favorisant la mixité sociale, entre propriétés privées et logement à loyer modéré. Et cette année 2023, Ophéa livrera ses premiers logements à énergie positive, c'est-à-dire qui produiront plus d'énergie qu'ils n'en consommeront.

Mais c'est à Nadia Medbou que nous laissons le mot de la fin. "Il faut être fier de l'endroit où l'on vit" s'exclame-t-elle. "Souvent, j'entends des personnes dire en se pavanant : 'Moi, je n'habite pas en HLM.' Mais moi, je leur dis : 'Je suis fière d'habiter en HLM.'"

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