Rund Um. Moins traditionnels que les marchés de Noël, les marchés de Pâques ont le vent en poupe cette année, après deux ans d'interruption pour cause de crise sanitaire. Et les exposants rivalisent d'ingéniosité pour préparer des décorations qui font oublier la morosité ambiante.
De Thann et Kaysersberg à Roeschwoog, Quatzenheim ou Marmoutier, ce dimanche 3 avril 2022. A Châtenois, Molsheim ou encore Soufflenheim le week-end suivant : de nombreuses communes organisent des marchés de Pâques ces prochaines fins de semaine.
Certaines installent même leurs chalets pour une période plus longue, comme Sélestat, du 6 au 20 avril, ou Colmar, du 8 avril au 1er mai. Et durant le week-end pascal, ce sera l'apothéose, avec, un peu partout, des animations, des rallyes et des chasses aux œufs.
Cette effervescence semble traduire un profond besoin de faire la nique, non seulement à la grisaille hivernale, mais à l'ambiance maussade due à la guerre en Ukraine, et au covid qui joue les prolongations.
En coulisses, de nombreux artistes préparent donc de quoi garnir leurs stands. Nous avons rencontré quatre bricoleuses qui, à partir de matériaux tout simples, créent de petits objets joyeux et hauts en couleurs, prêts à égayer les maisons et les jardins.
Les animaux en tissu de Bernadette
Dans son salon lumineux, au cœur de Bouxwiller, la machine à coudre ronronne. En quelques minutes, deux pièces de tissu sont assemblées et, retournées, prennent la forme d'un petit lapin. "J'en ai fait dans les trois cents, ça va vite" sourit Bernadtte Stoll.
Cette couturière de formation a travaillé dans différentes entreprises, puis comme auto-entrepreneuse. Mais à l'heure de la retraite, elle a repris sa machine pour créer des objets de décoration : cœurs en kelsch pour Noël, lapins, poules, canards, oiseaux et couronnes pour Pâques.
"La couture, ça déstresse, et j'aime procurer du plaisir aux gens par mes créations" explique-t-elle. Elle apprécie de participer à certains marchés, car elle aime "revoir les mêmes têtes, retrouver les exposants et les clients."
Pour que cela reste une activité-plaisir, elle se restreint à un ou deux marchés par an. "J'ai déjà été sollicitée pour des marchés dans la région de Bitche, mais c'est un peu loin, je ne peux pas tout faire, ni aller partout."
Fin mars, cette année, elle était présente à Krautergersheim. Et ce week-end, elle aura son stand au marché de Boersch, qui se tiendra samedi 2 avril de 14 heures à 20 heures, et dimanche 3 de 11 heures à 19 heures à la salle des fêtes.
Son but : apporter quelques touches de couleur et de la gaieté aux clients, qui pourront, comme elle, accrocher ses petits sujets à la porte, au mur, ou dans un arbre de Pâques.
Les lapins en foin de Jacqueline
Jacqueline Hoffbeck, elle, travaille un matériau odorant et recyclable : le foin. Elle en pétrit une poignée, l'entoure de fil de fer et découpe les brins qui dépassent, pour en faire une jolie boule.
Des boules de ce genre, cette fleuriste de formation, qui travaille actuellement pour la municipalité d'Ottrott, les prépare par dizaines. Au pif, sans rien mesurer. Ensuite, elle les assemble pour faire émerger la silhouette sympathique d'un lapin assis.
Une grosse boule pour le corps, une plus petite pour la tête, et une pour chaque patte arrière. Le tout est assemblé avec "une petite baguette" et "un pistolet à colle, l'outil indispensable." Des petits fagots de foin font office de pattes avant, et de longues bandes de foin repliées, d'oreilles.
Une jolie moustache en brindilles, des yeux et des dents collées, quelques ornements – ruban, fleur, petit cœur ou autre colifichet – et la bestiole rejoint ses copains déjà prêts. Dont un inédit, "un grand qui fait la culbute."
"Chacun est différent, j'aime les perfectionner" raconte Jacqueline Hoffbeck. "J'aime changer les couleurs d'un ornement, ajouter un vêtement, modifier les tailles." Des touches de fantaisie qui ajoutent au charme de ses créations.
Et aucune crainte de manquer de matière première : "J'ai des poules et quelques animaux chez moi" précise-t-elle. "J'ai donc suffisamment de foin et de paille." Mais la paille, "trop dure" lui convient moins.
A l'origine, c'est un cadeau de sa belle-mère, revenue d'Autriche, qui l'a inspirée. Un lapin en foin mais "assez différent, avec des yeux globuleux." Elle s'est dit qu'elle pourrait faire mieux.
Le premier lui a "pris toute une journée, pour trouver les bonnes astuces." Mais depuis, ses mains travaillent toutes seules, elle pourrait "les faire les yeux fermés." Au départ, elle les offrait, puis on lui a "conseillé de faire un marché", et c'est venu comme ça.
Comme chaque année, les lapins de Jacqueline Hoffbeck seront sur leur 31 pour le marché de Pâques de Nordhouse, ce dimanche, 3 avril.
Les sujets en bois d'Emmy et de Renée
A quelques kilomètres de là, à Obernai, deux amies de longue date, Renée Hutt et Emmy Fischer, réalisent des sujets en bois peint "qu'on peut placer dans des pots de fleurs ou planter au jardin" précise Renée. Des canards, des lapins, et bien d'autres choses.
Elle-même manie la scie sauteuse et la scie à chantourner, et Emmy peint le bois découpé. Une belle complémentarité. "Si Renée ne découpe rien, je ne peux pas peindre. Et si moi je n'ai pas envie de peindre, elle n'a rien à faire" s'amuse Emmy.
Les deux comparses se sont connues "il y a 25 ans" dans un groupe de randonnée. "En discutant, on a réalisé que toutes les deux, on adore bricoler" raconte Renée. Depuis, Emmy a pris des cours de peinture, et ni l'une ni l'autre ne compte ses heures, jusqu'à ce que chaque pièce soit la plus belle, et la plus robuste possible.
Renée utilise seulement "du bois pour l'extérieur", qu'elle découpe d'abord grossièrement, puis de manière très précise, avant de le poncer. Ensuite, il faut appliquer "du bouche-pores, pour fermer les fibres du bois" et une à deux sous-couches en blanc ou en brun.
C'est seulement après qu'Emmy y dessine le motif, puis le met en peinture. Un travail soigné, avec plusieurs reprises de couleurs. Et, pour finir, "deux à trois couches de vernis, pour que la pièce résiste aux intempéries."
Vu le temps passé sur chaque pièce, et la qualité du matériel utilisé, les deux amies ne sont jamais certaines de rentrer dans leurs frais quand elles vendent leurs créations - sans même parler de bénéfice.
C'est "un plaisir pas rentable", reconnaît Emmy Fischer. Mais elles "adorent le faire". "Quand l'hiver était long, quand les couleurs redeviennent claires, qu'il y a abondance de jaunes, quand la nature s'éveille, on retrouve l'envie de créer" explique Renée Hutt.
Comme Jacqueline Hoffbeck, elles présenteront leurs créations au marché de Pâques de Nordhouse, de 10 heures à 18 heures, ce dimanche 3 avril – l'un des plus anciens marchés de Pâques alsacien, qu'elles affectionnent particulièrement.
"C'est le plaisir de nous retrouver toutes les deux, mais aussi de revoir des gens" explique Renée. "Après le vécu de ces deux dernières années, c'est un réel bonheur de faire ce genre de choses, et de participer."