Rund um. Si les anciennes maisons font le charme des villes et villages alsaciens, les modifications effectuées au cours des siècles peuvent fragiliser les structures. Alors particuliers, professionnels et associations s'engagent dans des travaux de grande envergure pour sauvegarder le patrimoine.
L'architecture alsacienne, les maisons à colombages et bâtiments anciens participent au rayonnement de la région et font le charme de nos villes et villages. Mais avec le temps, les constructions deviennent fragiles et menacent parfois même de s'effondrer. Cela a été le cas de l'hôtel Suisse, à Strasbourg.
Sa directrice, Edith Beckers, est encore secouée rien qu'en y repensant. "La fenêtre s'était déconnectée du cadre. On a constaté une boursouflure depuis longtemps sur le mur, mais vu l'âge du bâtiment, cela ne nous a pas alerté. Et un beau jour du mois de décembre 2019, en plein marché de Noël, la façade s'est fissurée". Depuis l'une des chambres du deuxième étage, on apercevait alors la chambre située juste en-dessous. "On sentait l'air passer, c'était très effrayant", témoigne Edith Beckers.
Vu l'urgence de la situation - le plancher était en passe de s'écrouler - l'hôtel a immédiatement dû fermer. Cet épisode a marqué le début de mois de travaux. "On a commencé par étayer la structure", explique Antoine Oziol, architecte du patrimoine. "On a dû démonter la façade en ne gardant que les poutres de chaque côté, tout en gardant évidemment le toit en place, vous imaginez l'envergure des travaux !".
Les travaux de rénovation ont apporté leur lot de surprise, à commencer par l'âge de la construction. "On a trouvé un pan de bois daté de 1314, alors que jusqu'ici, les professionnels s'accordaient à dire que le bâtiment datait du XVe siècle", poursuit Antoine Oziol. Une belle découverte, tout comme des pièces architecturales cachées jusqu'ici. "En fait, au fur et à mesure du temps, des travaux ont été entrepris les uns sur les autres. En enlevant les couches successives, on débouche donc sur des éléments insoupçonnés", relate l'architecte.
Des surprises que la directrice a tenu à mettre en valeur, au moment de la rénovation des chambres. C'est le cas de l'oriel, élément de façade typique de la Renaissance alsacienne. "Avant, le haut était caché, recouvert par du placo. C'est magnifique, et les clients sont conquis, ils aiment beaucoup le cachet de la chambre".
A Altenstadt, une maison à colombages est en train d'être entièrement remontée. Une opération sauvetage pour une vieille maison complètement délabrée, laissée à l'abandon pendant des années. "A la place du toit, il y avait une bâche, qui n'a évidemment pas tenu. Il s'est mis à pleuvoir à l'intérieur de la maison", explique Denis Elbel, vice-président de l'ASMA.
Conséquence : les poutres en sapin se sont effondrées. "Celles en chêne, le plus à l'extérieur de la maison, tiennent mieux l'humidité", poursuit Denis Elbel. Un terrible spectacle face auquel le maire-délégué d'Altenstadt de l'époque, Jean-Claude Huck, ne pouvait pas rester les bras croisés. Il s'est battu pour sauver la maison et a trouvé un nouveau propriétaire. Bruno Bergmann est charpentier et réalise la majorité des travaux lui-même. "Mon objectif est de passer ma retraite ici. Je suis content de pouvoir donner une nouvelle vie à cette maison", témoigne-t-il.
En effet, la maison est impressionnante. "On n'en a pas deux comme ça dans le village, elle fait vraiment partie du patrimoine", assure Jean-Claude Huck au sujet de la bâtisse du XVIIIe siècle. Avant de la restaurer, il a d'abord fallu tout débarrasser. "On a démonté toutes les poutres puis on les a trié, cela nous a pris trois semaines", explique Bruno Bergmann. "Maintenant, nous remontons le tout, tel un Lego".
Frédéric Pflug a également bénéficié de l'aide de l'ASMA qui le conseille dans ses travaux. Il a acquis une ancienne maison à Frœschwiller, son village natal. "Je ne me voyais pas dans une maison neuve, sans âme", nous dit-il. Voilà deux ans qu'il rénove la maison avec l'aide de son père. Contrairement à une construction, la restauration implique des techniques et des matériaux particuliers, adaptés aux spécificités de la maison ancienne. "Pour l'isolation, pas question de mettre du polystyrène. Le bois transpirerait et moisirait. On l'a faite en septembre : il s'agit d'un mélange de chanvre et de chaux", explique Frédéric Pflug.
Il doit aussi respecter d'autres contraintes liées à la géographie de sa maison, car des monuments sont classés de part et d'autre de sa bâtisse. Ainsi, il a dû remettre des auvents à leur place. "Concernant les fenêtres, nous devons les remplacer quasiment à l'identique de celles d'origine, c'est-à-dire avec un cadre en bois et des croisillons". La différence : "le double-vitrage. L'objectif est d'avoir des fenêtres modernes, bien isolantes, mais à l'aspect ancien".
Frédéric Pflug en a pour encore quelques mois de travaux. "J'ai évidemment hâte d'emménager ! J'attends le beau temps, alors d'ici l'été, on devrait tout avoir terminé", dit-il, tout sourire.