Julien Bottenmuller a deux métiers : pilote de ligne et boulanger. Ses voyages inspirent ses créations boulangères. Son credo : des matières premières de qualité, bio et locales de préférence. L'entrepreneur de 33 ans inaugure sa troisième boulangerie ce samedi 10 juin 2023 à Niedernai dans le Bas-Rhin.
Le ciel et la terre, les deux passions de Julien Bottenmuller. Deux horizons opposés et complémentaires, deux métiers : pilote de ligne et boulanger. Car rien ne semble impossible à ce jeune Alsacien, ambitieux et hyperactif. On ne ressort pas d’une conversation avec lui sans être affamé de voyages et de gourmandises.
À seulement 33 ans, le jeune homme a déjà bien bourlingué et son parcours est impressionnant. Originaire d’Ostwald dans le Bas-Rhin, formé à l’École nationale de l’aviation civile, il est aujourd’hui pilote long courrier chez Air France.
Aux commandes de son Boeing 777, il sillonne les continents. Un métier épanouissant "qu’il ne quitterait pour rien au monde". Un travail à mi-temps. Deux missions par mois, huit jours aux quatre coins de la planète. Le reste du temps, il est sur terre en Alsace et se consacre à son deuxième amour : "le pain au levain" , précise-t-il.
"Le CAP est très orienté vers la boulangerie semi-industrielle, on utilise des améliorants. Moi, je voulais des aliments bruts, j’avais besoin d’un retour à la terre ".
Julien Bottenmuller
D’où cela lui vient ? Aucune idée. "Je n’ai personne dans ma famille qui soit du métier, mais j’ai développé une véritable passion".
Au point qu’en 2018, le pilote décroche son CAP boulangerie avec une pointe de frustration. "Le CAP est très orienté vers la boulangerie semi-industrielle, on utilise des améliorants, des poudres de perlimpinpin. Moi, je voulais des aliments bruts, j’avais besoin d’un retour à la terre ".
Alors, il continue à se former, notamment auprès de boulangers bio en Alsace, à Paris et à New York. Il profite de ses escales aériennes pour élargir ses horizons. "C’est en Asie, en Corée et au Japon, que j’ai goûté le meilleur pain de ma vie. Ils font un travail bluffant avec un souci du détail sur le plan visuel et gustatif" affirme-t-il.
Il n’oubliera jamais sa rencontre avec un boulanger de Tokyo. "C’était l’année dernière, dans une toute petite échoppe, on a communiqué avec quelques mots d’anglais. Je lui ai dit que j’étais alsacien, et là, lui qui n’avait jamais quitté Tokyo de sa vie me répond : kougelhopf ! "
En août 2022, Julien Bottenmuller se lance, fort de ses économies et du soutien de son banquier. Il reprend deux boulangeries, l’une à Benfeld, l’autre à Ebersheim, deux anciennes "Banette", rebaptisées Maison Botten.
À la carte, du pain bio au levain. "On fait notre propre culture de levure, on a un levain qui fermente depuis six ans". Le pain serait plus digeste, plus goûtu et se conserverait plus longtemps. "Cela nécessite un savoir-faire, car la recette n’est jamais la même, le pain est un aliment vivant ".
Julien Bottenmuller est intarissable sur ses créations boulangères. À mesure qu'il parle, notre estomac frétille. "Pour le pain aux noix, on torréfie les noix, puis on les laisse macérer pendant 48 heures, on utilise l’eau de macération pour fabriquer le pain. La mie a un vrai goût de noix, cela donne une couleur presque violette au produit".
Décollage difficile et turbulences
Du fait maison à chaque étape. "C’est notre ligne de conduite, on n’y déroge pas". Des bretzels à la confiture des gâteaux, tout est transformé à partir de matières premières locales autant que possible. "Je fais ça par passion, je ne vis pas de la boulangerie, je n’ai pas d’intérêt à acheter de l’industriel pour le revendre, ma logique, c’est de me faire plaisir et de faire plaisir aux clients", revendique l’entrepreneur.
Pourtant, les débuts sont difficiles. À l’ouverture des deux boulangeries, la clientèle s’effondre. "Les enfants se plaignaient que les croissants avaient une odeur de beurre, que la croûte du pain était trop épaisse, ils étaient habitués à la margarine et aux produits industriels" raconte le boulanger.
Assailli de doutes, Julien Bottenmuller s’accroche à ses convictions, d’autant qu’il s’est entouré d’une "équipe extraordinaire" qui partage ses valeurs. La persévérance a du bon. En trois mois, la tendance s’inverse, c'est l'explosion. Aujourd’hui, il croule sous les demandes.
Trois ouvertures de boulangerie en dix mois
La suite logique, c’est l’ouverture d’une troisième boulangerie. Inauguration à 14 heures ce samedi 10 juin à Niedernai. Les habitants se lèchent déjà les babines. Un succès fulgurant que le jeune homme, qui ne dort que quatre heures par nuit, a du mal à réaliser.
Quand on lui demande quels sont les points communs entre ses deux passions, il n’a aucune hésitation : "le travail d’équipe". Dans les airs, il gère un équipage de 15 personnes, sur terre, ils sont 13."C'est le même management : partager le même objectif et faire en sorte qu’on ait plaisir à venir travailler dans ces métiers pas toujours attractifs".
Prochain départ : début juillet 2023, direction le Panama. Nul doute que Julien Bottenmuller y glanera de nouvelles idées pour agrémenter ses créations. Comme cette huile essentielle de géranium dégotée à La Réunion et utilisée pour parfumer ses madeleines ou encore ces fèves de cacao, achetées sur un marché du Costa Rica qui ont intégré sa pâte à pain. Une tranche d'évasion dans une bouchée de pain. De quoi aiguiser l'appétit, vous étiez prévenus.