"Protéger ses reins, c'est vital", la semaine du dépistage des maladies rénales en Alsace

Rund Um. On estime qu'un Français sur dix a une insuffisance rénale. Mais la plupart l'ignorent. C'est pourquoi l'association France Rein organise jusqu'au 11 mars prochain, la 18e semaine nationale de dépistage. En Alsace, celui-ci se déroule dans une demi-douzaine d'hôpitaux partenaires de l'opération.

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"Il est important de parler de cette maladie, car elle est indolore. On ne la remarque pas durant très longtemps… jusqu'à ce qu'il soit trop tard" rappelle Nicole Schurhammer, membre de l'association France Rein Alsace. La septuagénaire sait de quoi elle parle, car elle souffre d'insuffisance rénale depuis plus de quatre décennies.

C'est pourquoi, "depuis le début" elle s'implique dans ces journées de prévention. Car elle mesure l'importance d'un dépistage précoce, qui permet, par une bonne hygiène de vie, de retarder autant que possible la phase "terminale" : celle où la survie de la personne malade dépend de la dialyse, ou d'une greffe.

Les reins sont deux petits organes en forme de haricot, d'environ 12 cm de long. Leur rôle est vital pour le corps humain. Chaque jour, ils filtrent environ 190 litres de sang, pour en retirer les déchets toxiques produits par l'organisme, et produisent de 1,5 à 2 litres d'urine, afin d'éliminer ces déchets.

Mais s'ils fonctionnent mal, les déchets toxiques restent dans le sang, et finissent par entraîner la mort. Quand l'insuffisance rénale chronique atteint un stade avancé, le malade doit se soumettre plusieurs fois par semaine à une dialyse, c'est à dire au nettoyage de son sang par le moyen d'un rein artificiel. Ou bien espérer se faire transplanter le rein d'un donneur.  

Nicole Schurhammer, malade depuis 41 ans

L'alerte septuagénaire, qui vit dans la région mulhousienne, souffre d'insuffisance rénale depuis 1982. Une maladie vraisemblablement héritée de son père, qui en est mort en 1960, à 39 ans. "En septembre 1982, j'ai remarqué que quelque chose n'allait pas, je me sentais toujours mal" se souvient-elle. Au vu de ses antécédents familiaux, son médecin a immédiatement compris de quoi il s'agissait. Et une prise de sang a confirmé ses soupçons.

Pour elle, il a été "important de savoir." Car ce dépistage précoce lui a permis de "vivre des années comme ça, en buvant beaucoup", en évitant de manger des repas trop protéinés et trop salés, "et en faisant faire tous les six mois une prise de sang et une échographie" pour vérifier l'évolution des kystes qu'elle avait sur les reins. Quinze années de répit, durant lesquelles elle a pu "toujours travailler et continuer à faire de la randonnée."

Sa vie a basculé en avril 1997. Ses reins ne fonctionnaient plus suffisamment et elle a dû se soumettre à la dialyse. "Ça a duré sept ans" "Je me rendais à l'hôpital trois fois par semaine, mais de nuit" raconte-t-elle. "J'y allais à partir de 18h, et rentrais chez mois vers minuit ou une heure du matin." Et le lendemain, elle retournait au bureau. Un rythme de vie compliqué, mais rendu possible grâce à un mari qui assumait les tâches du quotidien, et "un patron très compréhensif."

En 2003, nouveau tournant. L'état de ses reins s'était tellement dégradé qu'il a fallu les lui retirer. "A Strasbourg, on m'a sorti les deux reins, on appelle ça une binéphrectomie. Une opération difficile." Dépourvue de reins, elle ne pouvait plus uriner. "J'avais seulement la dialyse." Mais vu son état, elle était "sur la liste pour obtenir une greffe." Et en 2004, on lui a transplanté le rein d'un donneur.

"J'ai seulement un seul rein, un rein étranger, qui n'est pas à moi. L'autre, je ne l'ai plus" rappelle-t-elle. "Et ça fait maintenant 18 ans, presque 19." Les premiers temps après la greffe, elle a dû se réhabituer à cette "autre vie, une vie 'normale'."

Et à une certaine liberté retrouvée. "Avant, j'allais aussi en vacances, l'hiver comme l'été" précise-t-elle. "Mais tout devait être programmé : il fallait réserver l'hôtel, et en parallèle la clinique pour la dialyse. Mais là, j'étais à nouveau libre."

Une liberté pourtant relative. Car "tous les mois depuis 18 ans" elle doit faire faire une prise de sang, et subir chaque année un contrôle médical approfondi. Elle doit aussi prendre continuellement des médicaments anti-rejet. Et sachant qu'en moyenne, un rein greffé fonctionne bien durant 12 ans, Nicole Schurhammer sait qu'elle risque, un jour, de devoir revivre des séances de dialyse. 

Le centre de dialyse de l'hôpital Emile Muller de Mulhouse

L'hôpital Emile Muller de Mulhouse est l'un des hôpitaux partenaires de la semaine de dépistage initiée par l'association France Rein. Du lundi au samedi, son centre de dialyse peut accueillir 28 patients par demi-journée, pour des séances de 4 heures d'affilée. Leur moyenne d'âge est de 75 ans, mais certains sont beaucoup plus jeunes.

Allongés sur des lits, ils sont attachés à un rein artificiel. Leur sang est prélevé en continu, "grâce à une pompe, et injecté dans le rein artificiel" explique le docteur Caroline Preissig, néphrologue. Ce rein artificiel est un filtre, constitué de fins réseaux entourés "d'un liquide neutre dans lequel se font les échanges." Il retient les impuretés, "créatinine, urée, sodium, potassium", puis le sang ainsi "nettoyé" est réinjecté dans le corps du patient.

"4 heures, trois fois par semaine, c'est la bonne durée calculée pour des patients de poids moyen" précise la praticienne hospitalière. "Pour des personnes de petit gabarit, il faut un peu moins de temps" et pour celles de forte corpulence, "il faut parfois 5 heures." Des séances nocturnes, de 8 heures d'affilée, sont également possibles.

Henri Barberger vient trois après-midis par semaine. "J'ai eu un accident en octobre 2021, et depuis, c'est la dialyse à vie" précise-t-il. "Sans ça, je ne pourrais pas vivre." Chaque mardi, jeudi et samedi "vers 12h15", une ambulance vient le chercher à domicile, et le ramène en début de soirée. "Au début, je venais seul, mais on me l'a interdit. Car la dialyse, et la tension, ça fatigue."

En effet, comme le sang est pompé, chaque séance sollicite énormément le cœur. Et Henri Barberger le constate : "Le soir, en rentrant, je n'ai pas très faim, et je suis terriblement fatigué. Je peux à peine lever les jambes."

Il existe un autre type de dialyse, que le patient peut pratiquer lui-même, chez lui : la dialyse péritonéale, "avec un cathéter placé dans la cavité abdominale, et où le péritoine sert de membrane d'échange" précise le Dr Caroline Preissig. Une formule qui n'attire pas Henri Barberger : "Je sais que ça existe, mais je n'en veux pas" assure-t-il. "Je préfère venir à l'hôpital. Ici, je suis très bien traité, et ça me rassure." 

France Rein Alsace

Emanation régionale de l'association France Rein, France Rein Alsace a son siège à Mulhouse, mais regroupe environ 150 membres actifs des deux départements. Son principal objectif est de mieux faire connaître l'insuffisance rénale, et surtout de soutenir les personnes qui en sont atteintes, et de les aider à vivre le mieux possible.

"Lorsque vous apprenez soudain que vos reins sont atteints, c'est le début d'un parcours du combattant" rappelle Richard Cichosz, le président de France Rein Alsace. Alors, "nous ne sommes pas des psy, mais nous nous efforçons d'aider les nouveaux malades. Nous leur donnons les explications nécessaires, nous avons aussi de la documentation, pour leur permettre de garder le moral."

Dans l'association, la très grande majorité des membres sont eux-mêmes des malades rénaux. Les autres ne sont pas touchés directement, mais impliqués de près. Ainsi, Richard Cichosz, qui a donné l'un de ses reins à son épouse. Ou Jacques Marschall : "Ma femme était malade des reins, et ma fille l'était" explique-t-il sobrement. "Les deux sont déjà décédées. Ma femme était dans cette association, donc tout naturellement, je suis resté pour les aider."

Et toute cette semaine, comme tous les autres membres de l'association alsacienne, il sera sur le pont. Pour tenir un stand d'accueil dans les hôpitaux qui participent au dépistage, informer les passants, et les inciter à se soumettre à ce dépistage, anonyme et gratuit.

Après avoir rempli un questionnaire de santé, les personnes intéressées se verront proposer un contrôle de la tension artérielle, ainsi qu'une simple analyse d'urine – complétée, selon les résultats, par une analyse de sang.

"C'est important d'y aller" martèle Nicole Schurhammer. "Pour savoir." Elle-même donne un coup de main lors de ces dépistages "depuis la première année" tant elle est convaincue de leur nécessité. Pour aider d'autres à prendre conscience de leur maladie, et à préserver une certaine qualité de vie le plus longtemps possible. 

Ces tests sont proposés :

dans le Haut-Rhin

  • mardi 7 mars 2023 de 9h à 17h à l'hôpital d'Altkirch
  • mercredi 8 mars de 9h à 17h à l'hôpital de Thann
  • jeudi 9 mars de 9h à 17h à l'hôpital Emile Muller de Mulhouse, suivis à 17h d'une conférence animée par des infirmières spécialisées en néphrologie
  • jeudi 9 et vendredi 10 mars de 10h à 12h au centre de santé Filieris de Wittelsheim

 dans le Bas-Rhin

  • mardi 7 mars de 9h à 17h à l'hôpital de Haguenau
  • mercredi 8 mars de 9h à 17h au NHC de Strasbourg
  • vendredi 10 mars de 10h à 16h à la clinique Ste Anne de Strasbourg
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