Récit. Guillaume, parti 14 mois en Antarctique après ses études, "je n'ai jamais souffert de manque"

Ingénieur de formation, Guillaume Herment a connu des débuts professionnels pas comme les autres. Missionné quatorze mois en Antarctique pour y étudier la couche d'ozone, l'Alsacien nous raconte son expérience hors du commun.

À la fin des études, certains obtiennent leurs premiers stages, Guillaume Herment est parti où personne ne va. Après une classe préparatoire au lycée Kléber à Strasbourg puis une formation en nanotechnologie réalisée entre Grenoble, l'Italie et la Suisse, le jeune homme voit l'opportunité d'une vie se présenter, l'Antarctique. "Une offre nous a été transférée par le directeur des études à Grenoble. Je pense que j’étais le seul à vouloir y aller", raconte-t-il. 

Fort de cinq années d'études, le natif d'Altkirch (Haut-Rhin) décide de se lancer et se présente aux entretiens d'embauche. Le premier se focalise sur ses compétences techniques. Les deux autres sont consacrés à des tests médicaux et psychologiques. "Ils cherchent à identifier si tu as des troubles psychiques. Le but est de savoir si la personne est capable de vivre dans une communauté isolée."

Tous trois sont validés par Guillaume, qui peut enfin partir. C'est officiel, son service civique en Antarctique débute. Il étudiera la couche d'ozone pendant au moins huit mois au sein de l’Institut polaire français. Le début de son aventure.

De 30 degrés en Tasmanie au grand froid

Le périple débute à Paris, là où il avait passé ses entretiens deux mois avant. Lui et les autres membres du voyage partent de la capitale jusqu'en Australie, plus précisément en Tasmanie. "C'est la terre la plus proche de notre base en Antarctique." Les 30 degrés de l'île semblent narguer Guillaume, qui doit désormais prendre un bateau, l'Astrolabe, jusqu'à la base Dumont d'Urville, site français présent sur les côtes du continent de glace.

Le voyage dure cinq jours. Au fur et à mesure que le temps passe, Guillaume et ses futurs collègues observent la température baisser, mais aussi le paysage évoluer. "Tu pars d’Australie ou tu as un cycle jour-nuit classique. Mais plus tu avances, plus tu perds ce cycle. Le jour ne disparaît jamais en été. L'hiver, les nuits deviennent très longues."

Les premiers icebergs apparaissent, mais aussi les premiers manchots. Un autre invité surprise fait irruption : le mal de mer. "Les vagues sont tellement intenses et le voyage si long que tu gerbes tes tripes à un moment ou un autre", se rappelle Guillaume.

Sur place, "tu vis non-stop en communauté"

Le transport se réalise durant l'été. Cette période est la seule qui assure à l'Astrolabe la traversée de l'océan Indien sans glaciers. Mais Guillaume est un hivernant. Il a été recruté comme ingénieur en instrumentation polaire pour la période froide, qui dure huit mois en moyenne au pôle Sud. Une fois arrivé, il se rend très vite compte que la vie en communauté fait le quotidien du camp de base français. "Quand tu vas en Antarctique, les gens pensent que tu vas être le plus solitaire du monde, mais dans les faits, c'est tout l'inverse. Tu vis non-stop en communauté."

Le jeune homme dort, mange et travaille entouré de ses collègues, qui deviennent in fine des compagnons de route. Quelques-uns sont chercheurs, la plupart sont des techniciens qui assurent la maintenance en continu de la base. 

Sur place, l'Alsacien respecte, lui, des horaires fixes. Le matériel qu'il utilise l'oblige à travailler de nuit. Un détail en hiver, où l'obscurité totale est présente près de 20 heures sur 24. "Je devais analyser la couche d'ozone. Pour ça, j'utilisais un lidar atmosphérique qui mesure les nuages stratosphériques polaires. Ils sont responsables indirectement de la destruction de la couche."

Pour ce qui est des vivres, ils viennent de Tasmanie. Le matériel plus scientifique est quant à lui acheminé depuis Plouzané (Finistère), l'adresse de l'Institut polaire français Paul-Émile-Victor. 

Comment tuer l'ennui ? 

La monotonie est une menace logique pour l'équipe présente à la base. Néanmoins, l'éloignement du monde extérieur n'a jamais été pesant pour Guillaume. En quittant la France, il s'était conditionné à la rigueur de l'Antarctique. "Au final, je n'ai jamais souffert de manque." Pour passer le temps, l'ingénieur patine sur la banquise ou s'adonne à du montage vidéo avec ses nouveaux amis. "Je me suis même mis à la basse", raconte-t-il.

Au fond, le jeune homme n'est jamais vraiment seul. Au-delà de la vie en communauté omniprésente, il côtoie au quotidien de nombreux manchots. Ces oiseaux peuplent les rochers épargnés par la glace, dont ceux qui soudent le camp de base français.

Alors Guillaume s'octroie quelques instants de solitude, souvent lors de ses horaires de travail, où il lui arrive d'être en autonomie. Une aubaine pour l'ingénieur alsacien, qui décide à ce moment de se livrer à la nature. "Je sortais beaucoup me balader sur la banquise. Je fumais ma clope et je me posais devant les étoiles." Devant lui, pas de bars ni de lampadaires, mais bien la Voie lactée et même des aurores australes. Jugez plutôt.

Quand on lui demande s'il garde de bons souvenirs de l'Antarctique, Guillaume répond que oui. Retenter l'aventure ? Peut-être pas tout de suite. "C'est une expérience hyper marquante", confie-t-il. "Au final, le plus dur, ça reste le retour à la vie normale." S'il garde des souvenirs contrastés de l'après-pôle Sud, ce féru de physique n'abandonne pas pour autant les grandes expéditions. Deux ans plus tard, en 2022, le destin l'amène à explorer l'océan Arctique pour l'Institut polaire allemand. Mais ça, c'est une autre histoire.

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