La rentrée scolaire est un moment clé en France, mais en Allemagne, elle revêt encore plus d'importance symbolique avec une cérémonie spéciale pour les plus jeunes. Voici trois différences principales entre les deux systèmes.
Les cartables à remplir et les enfants à rassurer (ou à motiver), les politiques qui parlent tous d'école, les reportages à la télé qui s'enchaînent...La rentrée scolaire est un incontournable de la fin de l'été en France. Mais comment cela se passe-t-il de l'autre côté de la frontière ?
1. Une date unique en France, plusieurs dates en Allemagne
Le lundi 2 septembre 2024. En France, la date de la rentrée est la même pour tous, tout comme celle du début des vacances scolaires.
La donne est bien différente en Allemagne puisque chaque Land (l'équivalent des régions en France) fixe sa propre date de rentrée. "Il y a deux Länder qui ont plus ou moins toujours les mêmes dates de rentrée, et les autres qui tournent d'une année sur l'autre", explique Sophie Millerand, enseignante au lycée franco-allemand de Fribourg pendant 13 ans.
La Bavière cette année a fixé sa rentrée au 10 septembre, le Bade Wurtemberg au 9 septembre , tandis que les élèves de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie ont repris le chemin des cours depuis le 21 août, ceux de Basse-Saxe, de Saxe, Saxe-Anhalt, de Brême le 5 août et même depuis le 1er août en Thuringe. "Il y a toujours eu cette tradition d'une forme d'indépendance ou d'autodétermination politique et législative des différentes régions, et notamment pour l'éducation dans lequel chaque Land a sa rentrée et son baccalauréat", explique Emmanuel Béhague, professeur au département d'études allemandes à l'Université de Strasbourg.
Si la Bavière reprend si tard par exemple, c'est en raison de son histoire récente. "Elle était un Land agricole et les enfants devaient aider leurs parents pour les récoltes", expliquait ainsi Makus Soder, le ministre président de Bavière dans le Suddeutsche Zeitung, un article traduit par Courrier International en 2022.
Ce fédéralisme en matière d'éducation fait débat aujourd'hui à l'heure du réchauffement climatique, toujours selon le Suddeutsche Zeitung (article en allemand). Certaines voix s'élèvent pour réclamer plus d'égalité entre les régions, pointant le fait que certains puissent partir plus tôt ou plus tard en vacances, là où d'autres se coltinent le coeur de l'été et ses températures extrêmes.
2. La rentrée en CP, une fête en Allemagne
Des pleurs et des cris en France, des sourires et de la bonne humeur en Allemagne ? Il serait facile de caricaturer les choses de cette manière, car la réalité n'est pas si loin. Chez nos voisins, la rentrée en CP (qui est la première année à l'école, la maternelle n'existant pas en Allemagne) est un véritable événement vécu par l'ensemble de la famille avec l'équipe enseignante.
"C'est ce qu'ils appellent l'Einschulung, une sorte de pré-rentrée où les enseignants organisent un accueil personnalisé pour les familles, explique Myriam Khiati, enseignante dans une école primaire à Berlin pendant deux ans. Et il n'y a pas seulement les parents : il y a souvent les grands-parents, les cousins etc. C'est une fête, les enfants sont tout beaux, bien habillés. Ça me rappelait mon enfance à moi quand on m'achetait des chaussures vernies pour le premier jour de l'école. En France, ça s'est perdu mais en Allemagne, ça reste très officiel et important."
La rentrée dispose même de son rituel folklorique : la Schultüte. C'est un cornet en carton confectionné par l'entourage, ou acheté en supermarché ces dernières années, où s'empilent friandises, jouets et matériel scolaire.
Dans une interview accordée à la Deutsche Welle (article en anglais), la folkloriste Christiane Cantauw explique qu'il s'agit de montrer que "le statut de l'enfant change". "La première rentrée est un moment de transition synonyme de changements pour la famille et c'est ce que les proches veulent souligner à travers cette tradition. C'est le symbole d'un nouveau départ."
3. Une balade pour rapprocher élèves et enseignants
La rentrée, pour les élèves français comme allemands, c'est le moment où l'on voit parfois son ou ses enseignants pour la première fois. Il semblerait cependant que la barrière soit généralement moins difficile à faire tomber outre-Rhin. "En Allemagne, le collège et le lycée sont regroupés et il arrive souvent qu'on puisse suivre des élèves depuis leur rentrée en 6e jusqu'à la terminale, confie Sophie Millerand. Il y a un lien qui se crée et qui s'entretient plus facilement, ce qui fait qu'à la rentrée on a généralement moins de nouveaux visages."
Et pour faciliter les choses, certains établissements allemands organisent une journée spéciale : la Wandertag. "Elle a lieu dans la quinzaine qui suit la rentrée, explique Sophie Millerand. C'est une balade dans la nature entre les élèves et le professeur principal."
Le rapport des élèves à l'enseignement et au savoir n'est en effet pas exactement le même en Allemagne. "Les programmes pédagogiques font qu'il y a une grande tradition de l'échange entre l'enseignant et l'élève. Celui-ci participe à la vie active de la classe, et à son propre apprentissage, et c'est le cas depuis les années 60-70. On retrouve d'ailleurs ces profils plus autonomes dans leur travail et leur pensée chez les étudiants allemands, en France."
L'Education nationale serait-elle prête à s'inspirer du modèle allemand ? Elle laisse pour l'instant l'initiative à ses enseignants. Myriam Khati, par exemple, désormais directrice de l'école élémentaire de Weyersheim (Bas-Rhin), a mis en place une "pré-rentrée" à l'allemande pour accueillir les parents. Une idée "évidemment" inspirée de son expérience en Allemagne.
Article initialement publié en septembre 2023