La saison avait bien démarré pour les stations alsaciennes, le redoux de début janvier a fait du dégât. Des chutes de neige sont espérées cette semaine. Avec ce yoyo de la météo, pour miser sur l'or blanc, il faut investir et se diversifier. Chacune a sa stratégie... en fonction de ses moyens.
La petite équipe de bénévoles qui renseigne chaque jour de l'hiver les amateurs de glisse sur l'état des stations du massif vosgien l'annonçait dès ce dimanche matin sur leur page Facebook : 44% des pistes étaient encore en état d'accueillir des skieurs. Côté alsacien, le Lac Blanc, le Markstein, le Schnepfenried et le Ballon d'Alsace ont ouvert leur domaine alpin, les fondeurs, eux, étaient invités à glisser là où ils pouvaient, sur des pistes le plus souvent "en accès libre", c'est-à-dire sans garantie de grande qualité d'enneigement.
Au Schnepfenried, samedi, les clubs étaient pourtant ravis de pouvoir organiser leurs après-midis de ski avec les enfants, une première depuis trois ans aussi tôt dans la saison. "L'an dernier, nous avons pu monter seulement à partir du 3e samedi de janvier, donc là, on est ravi", se réjouit cet encadrant bénévole. Même enthousiasme du côté des compétiteurs venus s'entraîner sur l'une des douze pistes ouvertes ce week-end (sur vingt au total dans la station haut-rhinoise). "La neige est bien glacée, c'est parfait pour faire du slalom!" Ci-dessous, ce samedi au Schnepfenried. Les skieurs sont ravis du début de saison (reportage de Stéphanie Mallauran et Nicolas Meyer).
Neige de culture, cela va de soi. Car les stations non-équipées en canons à neige, comme le Gaschney ou le Tanet, dans la vallée de Munster, ont dû jeter l'éponge après le redoux du début du mois.
Ces petites stations seraient-elles les oubliées du massif? "Il y a une quinzaine d'années, nous avons dû réinvestir en masse pour sauver le ski dans les Vosges, explique Pierre Gsell, président du syndicat mixte de la vallée de Munster et ancien conseiller départemental du Haut-Rhin. Quatre stations ont été renforcées, par l'argent public et privé, notamment avec les canons à neige, que nous ne pouvons pas mettre dans les petites, car ça coûte trop cher, un euro environ par mètres cubes produit."
Ainsi, le Markstein, le Ballon d'Alsace, le Schnepfenried et le Lac Blanc ont bénéficié d'une véritable politique volontariste de développement. Aucun regret autour de ces gros investissements (environ 10 millions d'euros sur chacune ces quatre stations sur une quinzaine d'années), car la vallée de Munster, par exemple, dépend du tourisme. "10% de notre économie en dépend, ça représente 700 emplois sur la vallée", détaille l'élu, invité sur le plateau de Dimanche en politique sur France 3 Alsace, ce 14 janvier.
Public et privé : 23 millions d'euros ont été investis au Lac Blanc depuis 2005
Aux investissements publics s'est ajouté de l'argent privé. Au Champ du feu, Henri Morel, chef d'entreprise et propriétaire du domaine alpin, de l'hébergement et de la location de matériel, a lui ainsi complètement restructuré une station quasi moribonde. "Le modèle, c'est sans doute celui-là : gérer l'ensemble des services, pour que la station soit rentable. Et équilibrer l'offre en hiver et en été."
Dans la station, la moitié du chiffre d'affaire annuel se fait l'été, et même en plein hiver, la moitié des visiteurs viennent pour autre chose que le ski... Voilà pourquoi il y avait du monde quand même ce dimanche, alors que la station est fermée depuis le 5 janvier, faute de neige. Des promeneurs surtout, venus simplement profiter du soleil et du grand air, certains ayant même choisi de découvrir les lieux en cheval, l'une des activités très courues lorsque la neige est insuffisante.
"Un dimanche au Champ du feu, en attendant la neige", un reportage de David Marcelin et Philippe Dezempte :
Du côté du Lac Blanc, l'or blanc reste la priorité et les investisseurs comptent dessus. 15 millions d'euros ont été investis par la société Lac Blanc Tonique depuis 15 ans, pour moderniser l'ensemble des infrastructures et créer le Bike Park, précieux pour fonctionner toute l'année. "Mais nous ne réalisons qu'un quart du chiffre d'affaires avec le VTT, révèle Christophe Bergamini, directeur de l'Office de tourisme de Kaysersberg. On ne peut pas se passer de la neige, et c'est pour cela qu'en 15 ans, 140 canons à neige ont été installés, ainsi que le télésiège débrayable. Aujourd'hui, 25 salariés vivent de la station, 70 en pleine saison hivernale, contre 6 en 2005!"
C'est payant! Aujourd'hui, nos stations fonctionnent bien
C'est pour cela qu'il avait été décidé de fabriquer un maximum de neige artificielle en début du mois, quitte à ouvrir un peu plus tard que d'autres, le 9 décembre "seulement". "Nous avons accumulé le plus de réserves de neige possibles, nous confiait le directeur de la station avant le redoux. Nous avons de quoi voir venir!" Et en effet, le Lac Blanc affiche aujourd'hui toujours sept pistes ouvertes, après avoir connu de belles vacances de Noël. L'enneigement permettait une ouverture complète de la station de ski alpin, du jamais-vu depuis 2011 à cette période de l'année.
Revoyez ce reportage tourné le 29 décembre sur les pistes du Lac Blanc. La station était alors envahie de skieurs, en pleines vacances scolaires (reportage de Karine Gélébart et Mickaël Martin) :
Avec ce début de saison qui reste exceptionnel - 24 jours d'ouverture en décembre au Champ-du-feu par exemple, tous les acteurs de la glisse s'accordent pour dire qu'il faut poursuivre les efforts. "Pouvoir faire skier nos enfants dans nos stations, c'est assurer la pérennité de cette économie de la neige, assure Nicolas Degermann, le président du comité de ski du Bas-Rhin. Car ils continueront à skier, emmèneront à leur tour leurs enfants et ça continuera." "Il y a un rôle social et un rôle économique autour de ces investissements, confirme Pierre Gsell. Et c'est payant! Aujourd'hui, ces stations fonctionnent!"
La station du futur? Une offre de services globale, et la nature sous toutes ses formes
Les efforts sont maintenant à porter sur les infrastructures. Un hôtel est en projet au Champ du feu, pour bien accueillir les visiteurs tout au long de l'année. "Notre cadre de nature est notre force, affirme Henri Morel. Les randonnées, le ski bien sûr, le vélo..; Il faut augmenter notre capacité d'hébergement, les gens ont envie de bien manger aussi." "La station du futur est celle des familles, en pleine nature, renchérit Christophe Bergamini. Avec une offre de services globale."
Et Henri Morel de conclure en élargissant la problématique à l'ensemble du massif. "Nous avons maintenant une grande région, avec un massif qui n'a donc plus de frontières régionales. Les touristes veulent venir dans les Vosges. Il faut communiquer et réfléchir globalement, sur toute la région. Le massif a une identité propre, des atouts sur lesquels nous pouvons tous nous appuyer." La neige en est un, mais c'est loin d'être le seul.
Ce dimanche, Marie Pouchin recevait sur son plateau de Dimanche en Politique, pour évoquer l'économie de la neige :
- Henri Morel, directeur du Champ du feu,
- Pierre Gsell, président du syndicat mixte de la Vallée de Munster
- Christophe Bergamini, directeur de l'Office du tourisme de la Vallée de Kaysersberg
- Nicolas Degermann, président du comité du Bas-Rhin de ski.