Dans le sillage de Martin Fourcade et sa bande, qui ont raflé 5 médailles aux Jeux olympiques d'hiver, le biathlon est de plus en plus populaire. Le grand public s'y essaye là où c'est possible, mais l'Alsace ne compte qu'une poignée de licenciés. Les infrastructures lui font défaut.
Avec le succès des biathlètes français aux Jeux olympiques de Pyeongchang, les moniteurs de l'école de ski du Champ du feu s'attendent à voir les demandes de séances d'initiation augmenter. Ils ont investi dans deux carabines laser il y a 3 ans, elles remportant un beau succès. "C'est sans danger, puisqu'il n'y a pas de cartouches, et très vite, on prend la carabine, on chausse les skis, et avec quelques conseils techniques de base, c'est parti! explique Antoine Simon, l'un des deux moniteurs qui encadrent les skieurs nordiques en plus des alpins. Ca marche bien en petits groupes, avec les enfants aussi, on organise des challenges, tout le monde se prend au jeu."
Autre avantage : diversifier les activités proposées tout au long de l'année, car l'été aussi, il est possible d'utiliser ce matériel, en mixant le tir au VTT ou à la course à pied. "Pendant les vacances d'hiver, on est surtout pris par les cours d'alpin, mais le reste de l'année, nous avons de plus en plus de monde pour tester le biathlon."
Une poignée de licenciés au ski club Molsheim
A quelques kilomètres de là, au col de la Charbonnière, sur le circuit nordique du domaine, un pas de tir, le seul de la région (il y en a un second côté vosgien, à La Bresse). Les skieurs de Molsheim sont là, les plus âgés (à partir de 14 ans) avec leur carabine 22 Long rifle, les plus jeunes s'entraînent avec des carabines à air comprimé. Le soleil brille, les cibles tombent, la dizaine de biathlètes du club enchaîne les tours. "Des conditions comme celles-ci, sans brouillard et avec un enneigement suffisant pour skier, on n'en pas souvent, soupire Nicolas Krempp, leur entraîneur, ancien biathlète de haut-niveau. On peut s'entraîner ici un mercredi sur trois, et encore..."
Le reste du temps, et notamment l'été, lorsqu'il faut s'affûter au tir et faire tourner les ski roues sur le bitume pour préparer l'hiver, c'est la piste cyclable de Molsheim, le club de tir de la commune ou un parking qui leur servent de camps de base. Ou alors il faut se rendre en Allemagne, là où la culture biathlon est bien implantée, avec les infrastructures qui vont avec. Ou dans le Jura, un massif semblable aux Vosges, mais qui a davantage misé sur les disciplines nordiques, et qui fournit donc régulièrement des champions. "Ici, les jeunes savent bien que s'ils veulent persévérer vers le haut-niveau, il faut partir, aller vers des pôles espoirs."
Partir aussi, chaque week-end ou presque pour rejoindre les compétitions du circuit national. Clara, Hanna et d'autres enchaînent les cours et les déplacements pour pouvoir se frotter aux meilleurs biathlètes nationaux. "On n'a pas la culture ski ici, regrette leur coach. Il faut faire des sacrifices énormes pour faire du biathlon à un bon niveau en Alsace."
L'an prochain, le collège de Mutzig va ouvrir une section de ski nordique, avec quelques aménagements horaires. Un premier pas pour progresser.
Un stade de biathlon inachevé
Mais ce qui manque par-dessus tout, ce sont des infrastructures. Le stade du col de la Charbonnière date des années 90, il n'est pas fini. "Il y a eu une première phase de travaux il y a 27 ou 28 ans, la carrière a été creusée pour qu'on puisse tirer, explique Jean-Marie Petitdemange, président du ski club Molsheim et référant régional pour la discipline. Et on attend toujours la suite..."
Il leur manque un anneau goudronné pour pouvoir s'entraîner même sans neige. Et un pas de tir modernisé. "On ne peut pas organiser des courses de haut-niveau ici, le stade n'est pas à la hauteur. On n'a pas non plus de local, pas d'engin de damage propre pour nos pistes de fond... On n'ose même pas accueillir nos voisins allemands, chez qui on s'entraîne si souvent..."
Des terrains de foot plutôt qu'un stade de biathlon
Et de déplorer l'absence d'engagement des élus, qui préfèrent "construire un stade de foot, ou financer le club de tennis local, parce qu'ils pensent que nous ne sommes pas assez nombreux, dans le biathlon." Et pourtant, qui sait, avec quelques efforts - "autour de 450 000 euros, estime le président de Molsheim Nordique, l'équivalent d'un terrain de foot en synthétique" - et les succès de Martin Fourcade et consorts dans un coin de leur tête, les jeunes Alsaciens se prendraient peut-être au jeu de la chasse aux médailles... Car Jean-Marie, Nicolas et tous les passionnés qui se battent pour leur sport en sont persuadés : les valeurs qu'il véhicule valent le coup de se donner les moyens de le proposer au plus grand nombre.
Où s'initier en Alsace ?
Deux domaines proposent des séances d'initiation, avec du matériel adapté aux débutants : le Champ du feu, sur demande, et le Lac Blanc, tous les mercredis après-midis des vacances d'hiver.
Pour passer le cap d'une pratique plus poussée, avec des entraînements réguliers, une seule adresse : le ski club Molsheim Nordique.