A Strasbourg et à Mulhouse, comme dans de nombreuses villes de France, ce samedi 19 novembre 2022 était placée sous le signe de la mobilisation contre les violences faites aux femmes. Dans les cortèges, beaucoup de femmes, jeunes, venues montrer que la jeunesse ne baissera pas les bras face aux violences qui ne faiblissent pas. Voici ce qu'elles ont à dire.
Elles sont pour beaucoup militantes, féministes engagées, arborant la couleur violette, celle qu'avaient choisi déjà les suffragettes au 19e siècle, devenue donc symbole de la lutte incessante contre les violences sexistes et sexuelles. Des hommes aussi, venus dire que ce combat n'est pas que celui des femmes.
Quelque 500 personnes à Strasbourg, une centaine à Mulhouse, ont répondu à l'appel du collectif #NousToutes, à quelques jours du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Nous donnons la parole à quelques-un(e)s de ces citoyen(ne)s engagées.
"Le Bataclan, ça marque les esprits, mais 130 femmes victimes de violence chaque année, non"
"Pour ma part, je suis très en colère. Ça ne s'arrête pas. On en est à 120 féminicides cette année, on estime qu'il y en aura encore 15 d'ici Noël, et il n'y a pas de prise de conscience : tous les ans, c'est un Bataclan de femmes tuées. Le Bataclan, ça marque les esprits, mais 130 femmes victimes de compagnons, d'hommes violents, ça, ça ne marque pas les esprits. Il est temps que ça cesse.
En 2022, malheureusement, on est encore obligé de manifester pour réclamer des moyens pour la justice, pour les associations d'aide aux victimes, pour que l'Etat prenne ses responsabilités, de vraies mesures pour que cessent les violences sexistes et sexuelles.
Il faut un vrai budget. On demande 2 milliards, c'est à peine 0.1% du PIB, et c'est ce qu'il faut. Ce devait être une grande cause du quinquennat et pour l'instant, rien n'est fait. Rien. Seules 0.6% des plaignantes obtiennent justice dans les tribunaux, ce n'est pas suffisant."
"Une femme sur cinq est victime de violences avant même 25 ans"
"On a créé un collectif au sein même de l'université de Strasbourg il y a un peu plus d'un an, on est aujourd'hui une vingtaine de membres. On fait de la prévention, de la sensibilisation, de l'information autour de ces violences sexistes et sexuelles.
Il faut savoir qu'avant même 25 ans, une femme sur cinq a déjà été victime au sein du couple. Il y a beaucoup de féminicides chez les moins de 30 ans, voire les moins de 25 ans, et ils sont sous-médiatisés. Il faut absolument cibler les plus jeunes dans la prévention, c'est notre objectif.
Cela fait 5 ans que le mouvement #metoo a pris de l'ampleur. Il a libéré la parole par rapport à des personnalités publiques notamment. Mais quand ce sont nos pères, nos frères, nos potes, on a toujours plus de mal à l'entendre..."
"A nous de changer nos habitudes. Pour elles"
"Ce sont des amies qui m'ont parlé de cette manifestation, elles me renseignent beaucoup sur les luttes féministes, et être là, c'est un moyen pour moi de les soutenir. Ça nous concerne bien sûr moins directement, nous les hommes, mais c'est pourtant à nous de changer nos habitudes. Pour elles.
J'ai des proches qui ont été victimes d'actes violents. Quand on entend une affaire médiatisée, qui concerne quelqu'un de connu, ça peut nous paraître distant, mais quand c'est l'entourage direct, on se rend compte que tout le monde, dans tous les milieux, est concerné. Ça pousse à se mobiliser.
On voit qu'il y a beaucoup de jeunes dans cette manifestation. Des femmes et des hommes. Ça prouve que le féminisme est un vrai enjeu pour les générations actuelles, grâce aussi aux réseaux sociaux, qui doivent nous permettre de nous mobiliser. Donc je crois que les mentalités changent vraiment parmi les jeunes."
"Il faut aussi aller dans les milieux ruraux et au-delà des frontières"
"Nous axons l'action de notre association sur la prévention contre le harcèlement sexiste et sexuel, au sein du milieu scolaire, en entreprises et dans les événements festifs. A la base, "dis bonjour, sale pute !" était un compte instagram, né sur les réseaux sociaux donc. Mais il y a tant de travail à faire qu'on a créé l'association et on a volontairement gardé le nom, loin du politiquement correct.
Il y a beaucoup de communication via les réseaux sociaux, le ras-le-bol peut se libérer par ce biais, par les jeunes. Mais au sein de nos familles, nous côtoyons d'autres générations et le message passe. Au sein de notre association, il y a aussi des mères de famille pour nous accompagner.
Je reste optimiste sur le courage et l'engagement de la nouvelle génération. On est entrain de mettre en place le changement, de faire évoluer les mentalités. Après, c'est facile de le dire en milieu urbain, parce qu'on fait de l'entre-soi, on parle avec plein de gens qui sont dans le même état d'esprit. Mais il faut aller plus loin, dans les milieux ruraux et au-delà des frontières."