Un village de moins de 900 habitants a trois orchestres, "c'est pour se retrouver, avoir un vécu commun, et puis rire"

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Trois orchestres de cuivres font la fierté de Preuschdorf.
Sujet Rund Um en alsacien sous-titré ©France Télévisions

Preuschdorf (Bas-Rhin), 882 habitants, compte pas moins de trois orchestres de cuivres. Des familles entières s'adonnent à la musique. Et les trois formations attirent aussi des musiciens venus de loin.

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Preuschdorf, petit village d'Alsace du Nord, arbore de magnifiques maisons à colombages. Et un peu à l'extérieur, une bâtisse attenante à la salle des fêtes affiche sur sa façade "Maison de la musique".

Là se retrouvent, chaque vendredi soir, les musiciens du grand orchestre, et chaque samedi dès 18h, ceux de l'orchestre des jeunes. Les membres de l'orchestre folklorique, eux, répètent moins régulièrement, en fonction des besoins et des manifestations où ils sont appelés à intervenir.

Juste pour le plaisir, des habitants qui se côtoient en journée se retrouvent encore en soirée. "C’est le plaisir de pratiquer un instrument, et celui d’en jouer ensemble. C’est ça, le plus chouette. Et d'avoir un vécu commun. Et puis rire, et construire des projets ensemble" explique, grand sourire, Elisabeth Joedicke, membre du grand orchestre.

"Il faut savoir décrocher. Ce qui est bien avec la musique, c'est qu'elle permet de se déconnecter du quotidien" ajoute Philippe Mettling, fidèle parmi les fidèles. "J'ai toujours aimé être avec des amis, et dans la musique, on l'est tous. A l'époque, j'avais des copains de classe qui ont commencé avec moi."

Une histoire qui commence en 1958

Lui-même a embouché sa première trompette en 1960, "deux ans après la fondation de l'association" de la MUP, la Musique Union de Preuschdorf. "Au départ, ils étaient sept musiciens, raconte Martine Weber, membre de l'actuel comité, que Philippe Mettling préside depuis… 45 ans. Ils voulaient mettre un orchestre sur pied, et les anciens apprenaient aux jeunes à jouer. Ils leur mettaient l'instrument en bouche et les coachaient."

Au fil des ans, les effectifs ont augmenté. Un gros virage s'est opéré en 1988, avec l'arrivée de l'actuel chef d'orchestre, Freddy Kreiss. Il a aussi fallu déménager, car la salle de répétition initiale était en travaux. "Alors Freddy a suggéré qu'on pourrait venir chez lui, dans sa grange" se souvient Théo Roessel, pilier du grand orchestre et de l'orchestre folklorique. "On a commencé par changer les tuiles du toit de la grange. Tous les musiciens ont participé, on y a travaillé longtemps."

Elisabeth Joedicke elle aussi se rappelle très bien avoir mis la main à la pâte. "J'étais sur le toit, et je jetais les vieilles tuiles au sol" raconte-t-elle. "On a aussi fait des travaux d'isolation et de peinture, de tout." Un brin nostalgique, Théo Roessel reste marqué par "les bons moments" vécus à l'époque. "Après les répétitions, on jouait aux cartes, parfois jusqu'à 2h du matin, on ne décollait plus. Il y avait une ambiance du tonnerre."

Puis, au début des années 2000, la MUP a pu déménager dans les locaux actuels, beaucoup plus lumineux et fonctionnels, avec une grande salle dédiée aux répétitions d'ensembles, et plusieurs espaces plus petits pour le travail par pupitres. 

Le grand orchestre de 65 musiciens

Fleuron de l'association, le grand orchestre totalise 65 musiciens de 12 à 80 ans. Son répertoire est très éclectique, de la musique classique au folk américain, en passant par la musique de films. Actuellement, entre autres choses, il travaille du Tchaïkovski, du Vivaldi, du Grieg…

Le niveau requis est exigeant, mais c'est justement ce qui plaît, tant au public des concerts qu'aux instrumentistes eux-mêmes, dont certains n'hésitent pas à avaler des kilomètres pour se rendre aux répétitions hebdomadaires.

L'un des percussionnistes, originaire du village, revient chaque semaine de Mulhouse. Caroline Goettmann, elle, vient depuis 16 ans de Wissembourg. Et Eric Hutt, qui joue dans les trois orchestres, effectue plusieurs fois par semaine "une heure et quart de route, sans autoroute", depuis Zweibrücken (Rhénanie-Palatinat). "Ici j'ai tous mes bons copains, que j'ai appris à connaître il y a des années, précise-t-il. J'ai déménagé en Allemagne. Mais depuis que je les ai entendu jouer en 2018, et que j'ai découvert leur niveau, j'ai eu envie de participer, et je suis à nouveau là." 

L'orchestre des jeunes

De son côté, l'orchestre de jeunes compte une bonne vingtaine de participants. Simon, le benjamin, a 8 ans. D'autres sont ados, ou nettement plus âgés. Car selon les besoins, des aînés viennent combler les pupitres manquants. Ou se rajoutent, s'ils préfèrent retrouver un répertoire plus accessible, le temps de se familiariser avec un nouvel instrument.

Mais pour Freddy Kreiss, le premier objectif de cet ensemble est d'assurer la relève du grand orchestre. En familiarisant des élèves du conservatoire, ou de l'école de musique intercommunale, à la pratique orchestrale sans les décourager.

"Vu le niveau de notre grande formation, on ne peut pas demander à un enfant qui joue d'un instrument depuis un ou deux ans d'aller se perdre dans cette grande meute, sourit-il. Il faut donc former tranquillement les jeunes, jusqu'à ce qu'ils puissent intégrer le grand orchestre." Avant la période de crise sanitaire, il dirigeait même, en outre, un orchestre de débutants.

  Parmi les pièces qu'il propose à ses jeunes interprètes, il pioche principalement dans des musiques de films, genre Reine des neiges, ou Pirates des Caraïbes. Ce que le batteur, Marcel, 10 ans, apprécie particulièrement. "Mon plaisir, c'est de jouer avec Freddy, lance-t-il. Ses musiques sont un peu originales, et ça me plaît. Je suis le seul percussionniste du petit orchestre, ça va faire deux ans que je viens."

Zita, 12 ans, à la flûte traversière, participe depuis cinq ans à l'orchestre des jeunes, et depuis un an au grand orchestre. "J'apprends mieux à être en rythme en jouant avec d'autres personnes" reconnaît-elle. Mais elle continue à travailler chez elle, "entre une demi-heure et une heure par jour."

Une demi-heure de travail quotidien, aussi, pour Maximilien, 14 ans. Un effort qui en vaut la peine, car lui aussi apprécie cette pratique collective : "C'est mieux de jouer ensemble que seul chez soi", lance-t-il. Pour encourager ces jeunes talents, la MUP prête aussi certains instruments, et soutient même financièrement 17 élèves de l'école de musique. 

L'orchestre folklorique

Côté répertoire, la traditionnelle Bloosmüsik n'est pas oubliée pour autant. Et elle compte ses inconditionnels, de tous âges. Freddy Kreiss en a d'ailleurs confié récemment la direction à un jeune chef, Antoine Ledig. "On est un orchestre intermédiaire, une émanation du grand orchestre, confie ce dernier. On n'est pas totalement indépendants, c'était la condition." Même s'il leur arrive de se produire seuls, lors de fêtes de villages. "C'est un autre plaisir, un autre répertoire, et un ensemble plus restreint."

"Je suis entrée dans l'orchestre folklorique parce que je voulais jouer de cet instrument, le bugle, alors que dans le grand orchestre, je joue surtout de la trompette" explique Caroline Engel. "Et moi, c'était pour jouer de ma petite clarinette, car dans l'autre orchestre, je joue de la grande" ajoute sa jumelle, Linda.

Mais les deux sœurs ont d'autres raisons d'affectionner l'orchestre folklorique : "C'est comme une petite famille, on peut bien rire, boire des coups, et c'est très joyeux."

Deux grands concerts

Comme elles, il est très fréquent que plusieurs membres d'une même famille se retrouvent lors des répétitions. Parents, enfants, petits-enfants et grands-parents, oncles, tantes et cousins. Et certains jouent dans plusieurs orchestres.

Au fil des ans, cette effervescence musicale a donné lieu à d'innombrables concerts, des voyages et des rencontres avec d'autres formations. Dans les années 1990, le grand orchestre a aussi participé à plusieurs concours, où il a pu prouver son excellence.

"Pour un petit village comme Preuschdorf, c'était génial. On a pu jouer dans la cour des grands, jubile Martine Weber. Autre événement marquant, à la période de Noël 2022, on a pu jouer en la cathédrale de Strasbourg (…) C'est ainsi que naissent la joie et la fierté de participer à cette aventure musicale."

Le week-end prochain, les trois orchestres réunis se préparent d'ailleurs à donner leur grand concert annuel dans la salle des fêtes de Preuschdorf. Ce sera samedi 16 mars 2024 à 20h, et dimanche 17 mars à 14h30. L'occasion pour chacune des formations de présenter son répertoire spécifique, pour la joie des auditeurs.

 

 

 

 

 

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