"Une personne sourde veut juste vivre normalement, pour cela, il faut plus de pratiquants", où et comment apprendre la langue des signes

L’Alsace compte deux écoles d’apprentissage de la langue de signes, à Mulhouse et Strasbourg. Elles cherchent des élèves candidats, car les locuteurs sont encore trop peu nombreux en France. Nous avons assisté à un cours pour mieux comprendre comment elle s’apprend.

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L’ambiance du cours a de quoi faire rêver tous les professeurs d’école. Pas un bruit, pas un son dans la salle. Ici, c’est avec les mains que l’on parle. Assistent au cours quelques élèves, que des adultes, face à un professeur sourd de naissance.

La leçon du jour porte sur les noms des villes. Pour désigner Mulhouse, on redresse le point vers le ciel, avec un léger mouvement rotatif pour évoquer la tour de l’Europe, bâtiment emblématique de la ville. Signe rempli de symboles aussi pour désigner Strasbourg : "on représente la cathédrale en faisant une forme de L avec les doigts. Et on fait ce signe à hauteur de front, car Strasbourg a été une ville allemande. Or Allemagne se dit en mettant la main, index dressé, à hauteur de la tête. On fait donc le signe de la cathédrale au niveau du haut de la tête, et sur le côté car nous sommes à l’est, pour dire Strasbourg. Cela rappelle aussi les coiffes des Alsaciennes", explique en langue des signes le professeur Sirim Durmaz, dont les propos sont traduits par une interprète à notre équipe de reportage.

Une langue riche, imagée mais encore trop peu pratiquée. Les chiffres ne sont pas connus avec précision, mais selon la fondation pour l’audition, on dénombre entre 100 000 et 300 000 locuteurs en France. C’est peu quand on estime qu’un adulte français sur quatre est concerné par un trouble de l’audition.

Ces personnes pratiquant la langue des signes française (LSF) – car chaque pays a sa propre langue des signes - ne sont pas exclusivement sourdes ou malentendantes. D’ailleurs, lors du cours auquel nous assistons, les élèves ne sont pas directement atteints par des troubles de la parole ou de l’audition.

Certains sont des proches de personnes handicapées. D’autres estiment simplement nécessaire d’apprendre cette langue, notamment des professionnelles de santé. "De par mon métier, j’ai déjà eu à communiquer avec des personnes sourdes ou très malentendantes, et on ne pouvait échanger que par l’écrit, témoigne Sylvie. Cela peut créer des quiproquos ou des mauvaises interprétations et puis ce n’est pas du tout rassurant pour le patient."

Un aveugle se fit à ce qu’il entend. Un sourd se base sur ce qu’il voit. C’est pour cela que la langue des signes est très visuelle

Sirim Durmaz

Formateur en langue des signes

Apprendre la langue des signes se veut assez ludique. À la différence du français écrit, on signe rarement les mots en épelant chaque lettre qui les compose. Certains signes tiennent du mime - comme une vague pour la mer -, d’autres reprennent la première lettre du mot. D’autres enfin peuvent être inventés en suivant la logique du sens du mot : pour dire "année", on représente la Terre faisant le tour du soleil avec ses deux poings, l’un restant fixe et l’autre tournant autour. "Un aveugle se fit à ce qu’il entend. Un sourd se base sur ce qu’il voit, c’est pour ça que la langue des signes est très visuelle", résume Sirim Durmaz.

Et c’est naturellement par les notions de base que démarre l’enseignement à l’école d’apprentissage. "Comme pour un bébé, on va d’abord apprendre le vocabulaire minimum : "bonjour, ça va, oui, non". Et ensuite on approfondit, décrit le formateur. C’est exactement comme la lecture, on apprend le vocabulaire au fur et à mesure".

Et les notions rentrent vite, ainsi qu’en témoigne Angélique, l’une des élèves rencontrées au cours : "comme toute langue, il faut pratiquer et réviser, mais on en tire rapidement de la satisfaction, car on arrive vite à se faire comprendre sur des éléments simples. C’est assez gratifiant."

Le Grand Est compte ainsi quatre écoles d’apprentissage, dont deux en Alsace, à Strasbourg (Bas-Rhin) et Mulhouse (Haut-Rhin). L’an dernier, elles ont formé une centaine de personnes. Et les candidats débutants se font de plus en plus nombreux. "C’est une bonne chose. Il faut davantage développer la pratique de la langue des signes française, et dans tous les domaines. Une personne sourde n’a pas envie de passer par l’écrit ou de dépendre tout le temps de ses proches pour commander à manger dans un restaurant ou aller chez le médecin. Elle n’a pas envie qu’on l’aide pour tout, elle veut juste vivre sa vie. Pour cela, il faut avoir beaucoup plus d’interprètes formés."

Dans cette optique, le centre de formation propose des formations très ciblées, notamment à destination des entreprises ou pour l’insertion professionnelle. Les cours peuvent également être complétés par des "cafés signes", organisés chaque troisième vendredi du mois dans différents lieux de la ville de Strasbourg.

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