Victor Weinsanto le jeune prodige de la mode qui en fait voir de toutes les couleurs à l'Alsace

Yeux bleus, cheveux roses, Victor Weinsanto est, à 28 ans, l'étoile montante de la mode. Ce jeune créateur, originaire de Souffelweyersheim (Bas-Rhin), a d'ailleurs fait l'ouverture de la Fashion Week en septembre dernier. Son style assurément queer bouscule les codes d'une mode qui avait tendance à s'encroûter. Portrait haut en couleurs.

Nous nous donnons rendez-vous en plein cœur du Marais, dans le 4e arrondissement parisien. Dans la cour d'un hôtel particulier imposant qui abrite, derrière ses façades belles mais classiques, la mode de demain. Le Dover Street Market. Un concept store, incubateur de talents, où Victor Weinsanto expose et vend ses collections depuis ses débuts. C'était il y a deux ans à peine.

Le voilà justement qui pointe le bout de ses cheveux roses. Essoufflé, il est tombé de trottinette, avec le sourire. Toujours. "Merde ça devait m'arriver aujourd'hui, ha oui et bonjour." Bienvenue dans le monde de Victor. Décomplexé, un peu fou et très surprenant.

Murder In Paris

Après une clope matinale et quelques amabilités nous montons à l'étage. Sa dernière collection, automne hiver 2022, se voit de loin. Rose pétard et noire, bouffante, serpentine, elle contraste sur le gris du ciel parisien. Et c'est là tout un symbole. Victor Weinsanto met de la couleur là où il n'y en avait presque plus. Redonne à la couture parisienne son extravagance perdue. Sa joie folle et gonflée. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Jean-Paul Gaultier a pris notre jeune styliste sous son aile rayée. Ou que Madonna porte ses créations.

"Je suis très flatté et content de cette nouvelle célébrité. Même si tout est éphémère. Je vis l'instant présent. Je la prends volontiers mais je sais que rien n'est acquis. J'ai une démarche personnelle très instinctive, je réfléchis pas trop, ça vient du cœur, je fais ce qui me plaît. Et je pense que ma démarche ouvre les esprits parfois trop enfermés dans les stéréotypes."

Avec sa voix fluette et ses yeux cristallins, Victor est un révolutionnaire. Il a redonné à la mode parisienne ses lettres de sans-culotte. Guillotiné les carcans. Murder In Paris, c'est la Marseillaise. Ses modèles sont queer, noirs, fessus, blonds ou dégingandés. Beaux dans leurs différences. Sublimés par les volumes ou une nudité travaillée sur le fil.

"C'est très important pour moi de ne pas nier les différences. Si on montre toujours sur les podiums une femme blanche d'un mètre 80, on est à côté de la plaque. C'est pas ça le monde. Moi, je prends ce qui m'inspire. Et mieux je prône l'inclusivité. J'essaye de faire une mode pour tous, même si au niveau des tailles c'est pas évident … C'est un combat de tous les jours de grandir mes tailles. J'utilise beaucoup la matière stretch par exemple." 

Si on montre toujours sur les podiums une femme blanche d'un mètre 80, on est à côté de la plaque. C'est pas ça le monde

Vicotr Weinsanto

Victor fait de la haute-couture et du prêt-à-porter. Chose assez rare pour un jeune créateur. "Je fais quelque chose de politique sans l'être. J'aime ce qui est psychédélique, le cabaret, le sexy, les personnes affirmées qui n'ont pas honte d'être ce qu'elles sont. Je travaille pour elles."  Et avec elles. A l'image de Queen Toïdé, sa muse. 

Pirouette

Pourtant, rien ne destinait Victor à fouler des podiums. Au mieux peut-être une scène d'opéra. Victor commence la danse classique à quatre ans et rêve d'une vie sur la pointe des pieds. Conservatoire de Strasbourg, internat à Stuttgart, la rigueur de cette discipline aura finalement raison de ses aspirations. "C'est à Dresde, un autre internat encore, moins prestigieux, que j'ai fait ma première robe avec un drap rouge et deux pinces." 

C'est le début d'une autre histoire. Les deux pieds sur terre. Serveur chez Mc Do pour financer cette pirouette professionnelle, il intègre une école privée : Les ateliers Chardon Savard à Paris et apprend un nouvel art où les arabesques naissent cette fois sous ses doigts. "J'ai atterri dans la mode par envie mais je n'étais pas bon dessinateur, je ne savais même pas coudre. Je me suis dit tout s'apprend. La preuve qu'avec de la passion et beaucoup de travail, on arrive à sortir des choses ..."    

J'ai atterri dans la mode par envie mais je n'étais pas bon dessinateur, je ne savais même pas coudre.

Victor se lie d'amitié avec les photographes Pierre et Gilles qui lui présentent "Monsieur". Monsieur JP Gaultier qui voit en cette doublure photo un alter ego, un héritier. Discret et brillant.

Pendant deux ans, Victor travaille, apprend avec ce patron gentil mais exigeant tout en dessinant les siens, de patrons. "J'ai appris que le monde de la mode ce n'était pas forcément Le Diable s'habille en Prada, même si j'aime ce film. Il y a des gens bien, bons, qui savent qu’ils ne sauvent pas des vies, mais qui préservent un savoir-faire et surtout qui s'amusent." Le jour chez Monsieur, la nuit chez lui. Victor travaille, s'amuse beaucoup.

J'ai appris que le monde de la mode ce n'était pas forcément Le Diable s'habille en Prada, même si j'aime ce film. Il y a des gens bien, bons, qui savent qu’ils ne sauvent pas des vies.

De fil en aiguilles, en 2020, Victor Brunstein crée sa propre marque : Weinsanto, du nom de sa grand-mère maternelle. Tout le monde met la main à la poche en strass : ses parents, ses amis, ses bienfaiteurs et en novembre nait sa première collection. Connes-sur-mer. Juste avant le premier confinement. Qu'importe, même si tout s'arrête, Victor Weinsanto, lui poursuit son ascension. 

Boulevard Magenta 

Tout s'enchaîne. Une place de choix au Dover Street Market, un nouvel atelier boulevard Magenta, "où je travaille beaucoup et dors peu", à deux pas de la rue d'Alsace "un signe non ? En tous cas pas une coïncidence" et une équipe dynamique.

Tous la vingtaine. Il y a là des modélistes, des stylistes, des couturiers, Cher et Isabelle Huppert punaisées aux murs, des rouleaux de tissus arc-en-ciel et cette robe qu'a porté Daphné Burki lors de son dernier défilé et qui trône en majesté dans son salon.

Victor n'a plus le temps qu'il voudrait pour dessiner ses modèles. Happé par le marketing, la communication, les commandes, le e-commerce. Mais quand il le peut ou le doit, c'est là qu'il s'assoit. Un petit bureau, fiché devant la fenêtre où le Sacré-Coeur se dessine, lui aussi, au loin. "C'est un petit bureau oui mais qui donne vie à de grandes réalisations. Et quand je dis grandes, je veux dire volumineuses." 

La mode de Victor est aussi éco-responsable. 70% des tissus qu'il utilise provient de dead-stocks, des stocks dormants que les grandes maisons de couture revendent moins chers. " C'est assez nouveau mais nous sommes plusieurs à le faire et c'est assez rassurant. La mode est la deuxième industrie la plus polluante au monde. On fait attention à ce qu'on fait, d'où viennent les tissus, comment ils sont fabriqués. Moi, j'essaie aussi de faire des vêtements durables, intemporels, je fais des tee-shirts, des pantalons droits, que l'on pourra encore porter dans dix ans, enfin je l'espère." 

J'essaie de faire des vêtements durables, intemporels, je fais des tee-shirts, des pantalons droits, que l'on pourra encore porter dans dix ans, enfin je l'espère

Et Victor va plus loin encore dans le recyclage. Avec sa collection printemps-été 2022, Hopla Geiss "une expression que ma mamie disait tout le temps", il bouscule et valorise les traditions. Leur donne une nouvelle jeunesse. Des sacs monumentaux Kougelhopf, du tissu kelsh satiné et distordu, des coiffes en cheveux naturels, des bretzels roses fichés dans les moumoutes. Punk, queer, insolent. Ca défrise. 

" Dans la mode, on a souvent parlé de la Provence, de la Bretagne mais jamais de l'Alsace. Dans la tête de plein de gens, l'Alsace n'est pas sexy. Et cette image datée, de la blonde à couettes, il fallait la contredire. Donner la réalité de ce qu'est l'Alsace aujourd'hui, quitte à déplaire. On m'a d'ailleurs parfois violemment reproché cette collection". 

Grâce à Weinsanto, l'Alsace, rhabillée pour l'été, s'exporte à travers le monde. La marque, désormais vendue dans 24 boutiques, de Dubaï à Los Angeles, est un formidable oriflamme. Rose vif et tapageur.

"Dès qu'on touche au patrimoine, aux valeurs, ça choque certains. Mais on est là pour ça, bousculer, donner du fun, de la nouveauté, faire réfléchir. Sinon ben on s'ennuie." Et Victor, lui, n'a pas fini d'être culotté. Pour les fêtes, il a dessiné une robe pour la grande maison Wolfberger,  et sa collection Black Papillon. Crémant !

Quand on sait que Weinsanto, signifie littéralement Vin Sacré, on trouve finalement dans tout ça une certaine logique. On comprend aussi, pourquoi Victor pétille tant et fait tourner les têtes.

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