Beyoncé, Aya Nakamura, Mylène Farmer, Marine Serre habille les stars. En mars 2025, son défilé pour la Fashion week sera encore l’un des évènements. La couturière originaire de Corrèze est devenue en quelques années une des stylistes les plus côtées sur la planète mode. Son créneau, imaginé dès l'adolescence : l'upcycling. Une approche, écologique, pour recycler et redonner une deuxième vie, plus luxueuse, aux vêtements. Elle nous a reçus dans ses ateliers parisiens.
Juin 2024, en Italie, à Florence, l’une des capitales mondiales du vêtement. Marine serre est l’invitée d’honneur du Pitti Uomo, la semaine de la mode masculine. Une consécration avec un défilé hommes/femmes qui, une nouvelle fois, marque les esprits. À 33 ans, la jeune styliste confirme avec ses créations qu’elle est devenue une référence.
Une réussite fulgurante pour ce petit brin de femme, originaire de Sainte-Féréole, en Corrèze, et qui dès ses quinze ans, en Creuse, au lycée des arts appliqués Raymond Loewy, avait déjà "la fringue dans la peau."
"On défilait dans la cour du lycée"
"À l’époque, j’étais interne à la Souterraine. Quand j’avais du temps de libre, je me rendais à la friperie en face de la gare. Il y avait plein de vêtements vintage. J’allais chiner, fouiller. Je me faisais des tenues incroyables et avec une copine, on défilait dans la cour du lycée", nous explique-t-elle.
Cette passion pour la mode, pour la chine, lui est venue toute petite quand, en Corrèze, elle accompagnait son grand-père dans les brocantes, les vide-greniers des villages. "Il collectionnait plein d’objets. Il les triait, il les nettoyait." Presque de l'upcycling avant l’heure !
Après La Souterraine, direction Marseille pour un BTS, puis elle entre à Bruxelles à l’école de La Cambre, spécialisée dans les arts visuels et qui propose une formation réputée nommée "stylisme et création mode".
La route du succès
Les stages s’enchaînent chez Balenciaga, Dior, Alexander McQueen. En 2016, c’est le saut dans le grand vide, sans moyens, mais ô combien déterminée, elle lance sa Maison de couture sous son nom. Un pari qui va s’avérer payant.
En juin 2017, sa vie professionnelle bascule. Elle reçoit, des mains de la chanteuse Rihanna, le prix LVMH. 300 000 euros et un accompagnement pour développer sa marque et son logo. Le prix le plus convoité par les jeunes créateurs. Dans le jury, Karl Lagerfeld. Le styliste de Chanel est en admiration devant Marine : "1,50 m, mais une volonté de fer", déclare-t-il.
La carrière de Marine Serre prend un tournant et explose.
Aujourd’hui 800 000 personnes la suivent sur Instagram. États-Unis, Japon ou Corée du Sud, ces vêtements sont distribués sur toute la planète et portés par des stars : Mylène Farmer, Angèle, Adèle, Beyoncé, Aya Nakamura, ne jurent que par ses combinaisons et robes, Michelle Obama aime ses chemisiers imaginés à Paris.
Ne pas gaspiller
Au cœur du réacteur de ses ateliers parisiens, au rez-de-chaussée, sous des ballots de plastique, de milliers de pantalons, robes, pulls, "tote bags" (un tote bag est un sac en toile souple à deux anses que l'on porte à l'épaule), chemises ou écharpes s’amassent... dénichés par ses équipes.
Ne pas gaspiller. "On peut faire du beau sans le neuf". C’est son credo. Cette matière devient sa source d’inspiration pour ses collections. Des écharpes en tartan assemblées forment un manteau unique, des totes bags empilés se transforment en blouson, des taies d’oreillers ou des nappes anciennes brodées deviennent, une fois retaillées et redécoupées, des chemisiers.
Triées, lavées, repassées, ces tonnes de tissus vont lui servir à créer des pièces uniques. Elles sont sa signature. Compter quatre cents euros pour un chemisier... et des milliers d'euros pour les créations plus travaillées.
Une affaire de famille née en Corrèze
Aujourd’hui, Marine Serre emploie quatre-vingts personnes. Un poids sur ses frêles épaules. Mais elle peut compter sur sa sœur, Justine, présente depuis le début de l’aventure. Aujourd’hui directrice associée, en charge notamment des finances. Elle fut même sa première mannequin quand elles étaient petites. "Quand on voit le chemin parcouru, on peut être très fières", déclare Justine Serre.
"Avoir sa propre marque, qui porte son nom, c’est du travail, c’est très lourd. On est indépendant à 100%. On est dans un milieu ultra-compétitif. Il faut se remettre en question en permanence, être calme. La création, ce n’est pas un sprint, c’est un marathon", explique Marine, consciente des enjeux pour sa société.
Elle peut compter sur le soutien d’une famille soudée. À chaque défilé, ses parents quittent la Corrèze pour être à ses côtés. La Corrèze, une terre qui l’inspire, qui la porte. "Tout créateur est forcément inspiré par ses racines. C’est là où tout commence. Peut-être que la partie écologique de la Maison, c’est le fait que j’ai grandi en Corrèze, dans un village dans la nature. Il n’y avait pas de fast-fashion. Je m’habillais avec les vêtements de mon grand-père, j’allais chez Emmaüs, je piquais des affaires à mes parents…"
Le prochain défilé événement aura lieu en mars 2025 à Paris.
Marine Serre, l’enfant de Sainte-Féréole, n’a pas fini de révolutionner la mode.