Ils ont entre trois mois et cinq ans et ont un point commun : les adultes qui les entourent mettent un point d'honneur à leur parler alsacien au quotidien. Un bain linguistique qui porte ses fruits et pourrait bien servir d'exemple.
Dans sa cuisine à Westhalten (Haut-Rhin), Jean-François Kuntz prépare le biberon pour son fils de trois mois, Tom. "Fer wenne ìsch der Schoppe ?", peut-on entendre. "Pour qui est ce biberon ?", en français. Depuis la naissance du petit, Jean-François met un point d'honneur à lui parler en alsacien. "Plus tôt on commence, plus rapidement, il l'apprend" estime-t-il. "Le dialecte fait partie de nos racines. C'est notre héritage, et je trouve normal de le transmettre à nos enfants pour que cette langue perdure."
L'objectif ? Faire vivre la langue, évidemment – Cela devrait être le cas pour toutes les langues régionales selon Jean-François – et proposer à Tom un vrai bain linguistique afin de faire de l'alsacien sa langue maternelle. "Je crois qu'il comprend déjà un peu, car quand je lui parle, il sourit."
Une volonté de transmission que l'on retrouve aussi chez les parents respectifs d'Anna et Jeanne, cinq ans. Ces deux copines sont scolarisées à l'école bilingue ABCM Zweisprachigkheit de Gerstheim (Bas-Rhin), elles y apprennent l'allemand, mais aussi un peu l'alsacien. Et quand elles rentrent chacune chez elle, les parents prennent le relais. L'alsacien est leur langue maternelle. Elles sont à même de parler de tout, il suffit d'écouter la vidéo du sujet.
L'alsacien, un cadeau à transmettre
Dans la salle de jeu, cette après-midi-là, Anna et Jeanne papotaient en alsacien. Autour d'elles, leurs petites sœurs qui, elles aussi, baignent déjà dans ce bain linguistique. Une nécessité pour les parents, qui en profitent pour développer leur propre vocabulaire. "J'ai dû retrouver certains mots, m'y remettre" explique Hyacinthe Hugel, papa d'Anna. "Mes parents nous l'ont transmis un peu, mais surtout mes grands-parents. Mes parents n'avaient pas le droit, à leur époque, de parler l'alsacien."
Elisabeth Dreyfus, maman de Jeanne, poursuit : "nous ne parlons que l'alsacien à la maison. Moi, à 100%, mon mari pratiquement aussi. Et ça marche. Nous voulions y arriver, donner cette chance à nos enfants. C'est un cadeau pour eux, qu'ils vont devoir transmettre à leur tour."
À la cantine et au périscolaire aussi
À Zimmerbach près de Munster (Haut-Rhin), depuis septembre, on entend de l'alsacien au périscolaire et à la cantine de l'école primaire. Karine Kayser a été embauchée pour cela. Une volonté de certains parents et de Benjamin Huin, maire non-dialectophone qui voulait offrir cette chance aux enfants du village et des alentours.
Ainsi l'animatrice a commencé avec le b.a.-ba. Apprendre à nommer le nom des animaux, à connaître le nom alsacien des saisons, des objets qui se trouvent sur la table du déjeuner, etc. "J'apporte quelque chose à ces enfants. Quand j'allais à l'école, je parlais beaucoup l'alsacien. Aujourd'hui plus. Cette volonté est revenue de transmettre la langue pour la préserver", une bonne chose pour Karine.
Un enjeu culturel et linguistique. Un chemin qui sera long, tout le monde le sait, mais la volonté des uns et des autres pourrait bien être la clé du succès. Un exemple qui, espérons-le, sera suivi par d'autres. Le maire de Zimmerbach, lui, espère bien embaucher d'autres agents dialectophones.