Ardennes : à 86 ans, Marie-Cécile Bourin tient toujours sa quincaillerie, ouverte six jours sur sept

Marie-Cécile Bourin aurait pu prendre sa retraite il y a bien des années. Pourtant, tous les matins elle ouvre les portes de sa quincaillerie à 8 heures. Il n’y a que les dimanches et les jours fériés qu’elle s’accorde du repos. A Juniville, dans ce village ardennais, elle est devenue indispensable.

Parmi les clients du magasin du 22 de la rue Chanteraine, certains ont "surfé "sur internet. D’autres ont fait le tour des grandes surfaces de bricolage, mais c’est toujours chez Marie-Cécile Bourin qu’ils trouvent la perle rare. Quelques- uns des centaines d’articles, parmi lesquels elle seule peut se retrouver, sont encore affichés en Francs. Si l’on cherche un conseil, elle assure. C’est sur le tas, en famille qu’elle a tout appris. Elle représente la troisième génération de quincaillers de la petite commune ardennaise.

J'ai l'impression que je rends service. Cela me force à voir du monde. Ca me fait vivre... ca me fait exister.

Marie-Cécile Bourin, propriétaire de la quincaillerie

Juniville, dans le Pays Rethélois, compte aujourd’hui 1.300 habitants. C’est un village rural qui a beaucoup souffert pendant la première guerre mondiale. Seule la maison près de laquelle vécut Paul Verlaine et devenue musée, a échappé aux destructions. C’est d’ailleurs dans un baraquement que la famille de Marie-Cécile Bourin avait installé cette quincaillerie. Celle dont s’occupe aujourd’hui l’octogénaire date des années 20, l’époque de la reconstruction.

Bon pied, bon œil

Sur les rayons de Marie-Cécile Bourin, on trouve des anneaux pour taureaux, un article qu’elle vendait encore, il y a cinquante ans. Il est toujours étiqueté en Franc ! Dans son stock hétéroclite, un jour, elle a retrouvé des poignées de cercueil ciselées. Elle propose aussi des boulons hexagonaux, des sceaux hygiéniques, dont elle vend une dizaine d’unités par an. Elle est sans doute la seule à pouvoir se retrouver dans son amas d’objets en tous genres. Ici, les articles ne changent jamais de place.

Pour atteindre certains produits, à 86 ans, Marie-Cécile Bourin monte encore sur les tiroirs de ses étagères. Sa frêle silhouette cache, en réalité, une belle énergie. Ce qui la garde, en forme, c’est peut-être bien le travail. L’un de ses  fils, Denis le reconnaît : "Elle conserve un lien social… c’est le fait de voir du monde, d’avoir un but, de ne pas se dire, en tant que personne âgée, je vais rester dans un fauteuil. Là, tous les jours, elle voit du monde".

56 ans dans la quincaillerie

Avec six enfants, dix petits-enfants et "quatre et demi " arrières-petits- enfants, Marie-Cécile Bourin aurait pu s’arrêter. Son époux lui avait proposé, mais elle a toujours refusé. "J’ai l’impression que je rends service. Ca me force à voir du monde. Ca me fait vivre…ça me fait exister", dit-elle.

Après 56 années passées à gérer la quincaillerie, elle n’affiche aucune lassitude. Et puis, il y a presque un devoir pour elle à continuer. "Moralement, je ne me sens pas d’arrêter. Mes grands-parents, mes beaux-parents ont trimé pour ce magasin… J’aurais l’impression d’abandonner leur travail".

 

Elle conserve un lien social. C'est d'avoir un but, de ne pas se dire, en tant que personne âgée, je vais rester dans un fauteuil.

Denis Bourin, fils de Marie-Cécile Bourin, propriétaire de la quincaillerie

Si la propriétaire du lieu n’entend pas baisser le rideau, c’est également parce que beaucoup savent qu’elle possède encore des tas de produits introuvables ailleurs. On vient même d’au-delà de Reims, dans la Marne, pour faire des achats dans le magasin ardennais.

Une institution

Dans la commune de Juniville, la clientèle compte bien qu’elle continue à tenir sa boutique plusieurs années encore. "Je la connais depuis 30 ans", raconte un habitué des lieux. "Oh, mon dieu ! Ca ferait un vrai trou dans le village, si elle arrêtait. Si on pouvait la faire centenaire, ou 110 ans… Mais, est-ce qu’elle pourra ?" Un autre fidèle du magasin salue le maintien de ce commerce de proximité. "C’est une institution, pour le service qu’elle rend à la population".

Certains articles de la quincaillerie ne se vendent plus depuis longtemps. Ils finiront peut-être, un jour, dans une brocante. En tout cas, si vous cherchez, une poignée de fer à repasser, des tuyaux de poêle, un couvercle de cafetière électrique ou des masques pour se protéger de la Covid, n’hésitez pas à passer par Juniville. Actuellement, la commerçante vend beaucoup de caoutchoucs pour les bocaux de conserve et des tapettes à souris. Elle change aussi les piles des montres, ce que ne faisaient pas Octave et Ulysse qui l’ont précédée. Mais, après Marie-Cécile Bourin, c’en sera fini de la quincaillerie. Ceux qui passeront encore devant le magasin, le feront sûrement, avec nostalgie.

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