Depuis ce lundi 5 juin, une soixantaine de médecins généralistes des Ardennes ont décidé de facturer leur consultation 30 euros. Une hausse de 5 euros par rapport au tarif qu'ils doivent normalement respecter. Mais cette somme est indispensable, selon eux, pour faire face à l'inflation.
Yannick Pacquelet est médecin généraliste à Signy-le-Petit, dans les Ardennes. Depuis quelques années, il a vu le tarif du matériel qu'il utilise en consultation augmenter dans des proportions importantes. Par exemple, le prix des gants stériles a doublé, tout comme celui des spéculums utilisés pour les frottis.
Les investissements sont coûteux et difficiles à suivre au quotidien pour ce professionnel. "Le médecin généraliste avec juste son stéthoscope, c'est fini. Tout ça, il faut bien qu'on puisse le payer. On travaille dans des conditions d'hygiène qui doivent être impeccables. Vous ne voulez pas arriver dans un cabinet médical qui soit sale. À un moment, il faut qu'on puisse payer ça", explique-t-il.
Les cinq euros, c'est juste couvrir cette inflation pour éviter que demain, la semaine prochaine ou dans quelques mois, on mette la clé sous la porte.
Mélanie Gerbaux, médecin généraliste
Alors qu'il faut jusqu'à un mois et demi pour obtenir un rendez-vous, ces médecins libéraux ont dû investir dans une salle d'appoint pour les urgences. Ces dépenses s'ajoutent à de nombreuses autres charges et à des journées à rallonge. Yannick Pacquelet a pris la décision, comme une soixantaine de confrères des Ardennes, d'augmenter de lui-même le prix de sa consultation, en passant de 25 à 30 euros.
Mélanie Gerbaux, installée dans la même maison de santé que lui, a fait le même choix. "En consultation de médecine générale, quand vous n'avez que trente minutes pour évaluer un patient qui a de multiples antécédents, même trente euros, ce n'est pas la valeur de son acte. Je suis désolée." Sauf exception pour les personnes à faibles revenus, les cinq euros supplémentaires seront à la charge du patient.
"On perd en attractivité"
À Rimogne, à quelques kilomètres de là, une médecin est partie à la retraite il y a deux mois. Et depuis, aucun remplaçant n'a pu être trouvé. L'augmentation des revenus pourrait permettre de débloquer la situation, selon le maire Yannick Rossato.
"C'est un peu la double peine. Si on n'augmente pas la consultation, on perd en attractivité, affirme-t-il. Si on perd en attractivité, les médecins qui partent en retraite ne sont pas renouvelés. Et les médecins restants dans la maison de santé vont voir les charges complètement exploser. Au risque qu'eux aussi baissent les bras et s'en aillent."
Les généralistes qui ont signé une convention avec l'Assurance maladie, c'est-à-dire la très grande majorité des praticiens, doivent respecter des règles fixées nationalement. Le tarif de la consultation en fait partie. Il est pour l'instant fixé à 25 euros. Des négociations ont eu lieu ces derniers mois entre la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et les syndicats qui représentent les médecins pour notamment réévaluer les tarifs. Mais elles n'ont pas abouti sur un accord.
La décision unilatérale prise par la soixantaine de généralistes des Ardennes les expose à une possible sanction. "Oui, c'est une décision qui est risquée […] Ils peuvent nous déconventionner, nous coller une amende", reconnaît Yannick Pacquelet auprès de nos confrères de l'Ardennais.
D'autres médecins ont décidé de prendre d'eux-mêmes le chemin du déconventionnement pour retrouver plus de liberté dans leur travail et espérer augmenter leur rémunération. C'est le cas par exemple d'une généraliste de l'Aube, Alexia Michelin, qui a choisi de rompre sa convention avec l'Assurance maladie au 1er juillet prochain.
Elle sera donc libre de choisir les tarifs qu'elle propose. La médecin a fixé sa consultation à 40 euros. Mais ses patients ne bénéficieront plus de la même prise en charge et seront remboursés par l'Assurance maladie de 61 centimes d'euros.