40 euros la consultation : cette médecin généraliste explique pourquoi elle se déconventionne

Alexia Michelin est médecin généraliste, dans l'Aube. Au 1er juillet prochain, elle a décidé de rompre sa convention avec l'Assurance maladie. En conséquence, ses patients devront payer de leur poche la consultation, fixée à 40 euros. Mais c'était la seule solution, selon elle, pour faire de la médecine de qualité. Elle nous explique pourquoi.

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Les syndicats de médecins généralistes ont entamé un bras de fer de plusieurs mois avec l'Assurance maladie, notamment pour obtenir une augmentation du prix de la consultation, fixée depuis 2017 à 25 euros. Les discussions n'ont pour l'instant pas abouti.

Alexia Michelin, médecin généraliste à Estissac, près de Troyes dans l'Aube, a décidé de ne plus attendre pour voir ses conditions de travail changer. Dès le 1er juillet prochain, elle va rompre sa convention avec l'Assurance maladie.

Jusqu'ici, comme l'écrasante majorité de ses collègues, elle exerçait en secteur 1. Elle devait respecter le tarif de consultation fixée par l'Assurance maladie. Et ses patients étaient remboursés à 70 % par la Sécurité sociale, le reste étant pris en charge par la plupart des mutuelles.

Dès cet été, en se déconventionnant, elle sera libre de choisir son tarif de consultation. Elle a prévu de la fixer à 40 euros. Mais en étant désormais en secteur 3, la base de remboursement par l'Assurance maladie ne sera plus que de 61 centimes d'euros. La différence est donc de taille pour ses patients, alors que peu de mutuelles prennent en charge les honoraires libres. Mais c'était devenu indispensable, selon elle.

"Je ne cautionne pas la politique de santé actuelle promue par l'État. C'est-à-dire de prendre en charge plus de patients, déléguer les actes médicaux à des personnes qui sont moins compétentes, valoriser la téléconsultation. Tout ça, c'est plutôt aux dépens de la qualité des soins", explique-t-elle.

Je me suis posé beaucoup de questions. Et j'ai décidé de me déconventionner.

Alexia Michelin, médecin généraliste

Il est arrivé à la généraliste de recevoir jusqu'à 45 patients par jour et atteindre les 55 heures de travail hebdomadaires avant de craquer. "En voulant conserver un examen clinique de chaque patient, prendre le temps avec chacun, les écouter, c'est prenant et épuisant", confie-t-elle.

Elle a depuis un peu levé le pied, mais compte reprendre davantage la main sur son quotidien après son déconventionnement. "Je veux pouvoir décider moi-même combien je dois voir de patients par jour, sans qu'on me l'impose. Je veux pouvoir les prendre en charge comme je le souhaite et avec la rémunération que je juge utile. Ça change tout."

"Retrouver une relation de confiance"

Proposer une consultation à 40 euros, remboursée 61 centimes par l'Assurance maladie et rarement prise en charge par les mutuelles, ne va pas convenir à toute sa patientèle. "Je sais pertinemment que je vais perdre des patients, mais j'aurai plus de temps pour les autres", tranche-t-elle.

Alexia Michelin envisage ainsi de ne recevoir que 20 à 25 patients par jour. Chaque consultation aura une durée minimale de vingt minutes. "J'espère pouvoir retrouver une relation de confiance où les patients viennent chercher plutôt une expertise médicale et une écoute." Devoir payer de sa poche pourra aussi participer, selon elle, à revaloriser son métier aux yeux des patients, qui avec le tiers-payant peuvent déconsidérer la médecine en la voyant comme gratuite.

La médecin a décidé d'adhérer il y a quelques mois de l'Union française pour une médecine libre (UFML). Ce syndicat a organisé des assises du déconventionnement, auxquelles elle a assisté et qui lui ont permis de mûrir sa décision.

Ça a été une décision très difficile à prendre. Si on m'avait dit qu'un jour, j'allais me déconventionner, je ne l'aurais jamais cru.

Alexia Michelin, médecin généraliste

La jeune femme de 36 ans a aussi participé aux dernières grèves au moment des négociations avec l'Assurance maladie et informé ses patients via des affiches placardées dans son cabinet. Sa décision radicale, qu'elle annonce à chacun de vive voix depuis avril lors des rendez-vous, est diversement acceptée. "J'ai un peu tous les retours. J'ai des patients qui ne comprennent pas, bien entendu. Et d'autres qui comprennent tout à fait", explique-t-elle.

Elle est l'une des rares généralistes de l'Aube à compter franchir le pas du déconventionnement. Si elle constate après quelques mois que la situation n'est pas tenable, et qu'elle ne parvient pas à avoir suffisamment de rendez-vous, elle n'exclut pas de "faire autre chose". Mais en attendant, elle veut se "laisser une chance de faire de la médecine de qualité" et "reprendre du plaisir" en exerçant son métier.

En février dernier, le ministre de la Santé, François Braun, indiquait sur France Inter que le déconventionnement "pénaliserait encore plus les Français en créant une médecine à deux vitesses". "Seuls les riches pourront se soigner, ce n'est pas ça l'esprit de la Sécurité sociale", avait-il ajouté.

Le directeur général de la Caisse nationale d'Assurance maladie, Thomas Fatôme, parlait dans C à vous sur France 5 en février d'un comportement "tout à fait irresponsable". "On se considère comme des partenaires des médecins, on veut construire avec les médecins libéraux un meilleur accès aux soins", expliquait-il.

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