Accident ferroviaire : après la collision entre un convoi exceptionnel et un train, le procès s'ouvre enfin dans les Ardennes

Après deux reports, décembre 2022 et mai 2023, le procès des présumés responsables de l'accident ferroviaire qui a eu lieu dans les Ardennes, à Rumigny, en juin 2021 débute ce lundi 18 mars. Le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières devra se prononcer sur les responsabilités de chacun et notamment de la société de transport allemande en charge du convoi exceptionnel. Cette société comparait pour blessures involontaires.

Il aura fallu près de trois ans pour voir ce procès arriver devant le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières dans les Ardennes.

Prévu en décembre 2022 puis en mai 2023, le procès des responsables présumés de l'accident ferroviaire de Rumigny, qui s'est déroulé le 16 juin 2021, débutera ce lundi 18 mars 2024. Deux reports, le premier pour cause d'éléments arrivés tardivement et émis par la société allemande en cause. Le second, dû au rapport d'enquête du BEATT, Bureau d'enquête sur les accidents terrestres, non encore bouclé.

Deux blessés sont à déplorer lors de cet accident. Le conducteur du train et l'un des premiers intervenants en mission de reconnaissance. Tous deux pris en charge, ils sont transportés à l'hôpital. Le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières devra répondre des responsabilités concernant ces blessures involontaires.

Un accident spectaculaire et effrayant

Le 16 juin 2021 vers 3h du matin, les habitants du village de Rumigny dans les Ardennes étaient réveillés par un bruit sourd, puis une lumière anormale à proximité de la voie ferroviaire. "J'ai vu de la lueur par ma fenêtre, indiquera un des habitants quelques heures plus tard à nos confrères. Il me semblait que c'était trop fort pour être l'éclairage public". Lorsqu'il s'avance, il voit des flammes et cherche à porter secours. 

Un convoi exceptionnel transportant un yacht est resté, en pleine nuit, bloqué sur les voies ferrées au niveau du passage à niveau de Rumigny. Le tracteur du camion engagé n'a pu entraîner sa remorque surbaissée qui a raccroché les voies avant de s'immobiliser. Un train de marchandise lancé à 90 km/h est venu percuter le transport routier avec une violence inouïe. Le train déraillant quelques dizaines de mètres plus loin. Sous le choc, les huit premiers wagons se sont couchés dont des citernes contenant de l'acide phosphorique. La remorque du convoi exceptionnel a, elle, été pulvérisée et le yacht qu'elle transportait, totalement brûlé.

Le conducteur du train, pourtant blessé, est parti après la collision pour assurer la protection contre un éventuel train croiseur.

Rapport du bureau d'enquête sur les accidents terrestres

Le rapport du BEATT, aujourd'hui public et disponible sur le web, précise que "le conducteur du train, pourtant blessé, est parti après la collision à la distance de couverture d’obstacle pour assurer la protection contre un éventuel train croiseur". Il précise aussi que "le conducteur du poids lourd, qui avait évacué les lieux avant le choc, n’a pas été blessé, tout comme les conducteurs de ses deux véhicules routiers d’accompagnement".

C'est presque miraculeux qu'humainement il n'y est pas plus de dégâts. Par contre, les opérations techniques qui suivront demanderont un déploiement exceptionnel de pompiers, d'agents SNCF et de personnel pour relever et déblayer les voies. Des opérations qui dureront plusieurs jours tant les dégâts sont importants. Et ce qui inquiète, à l'époque, les autorités, ce sont ces fuites de cuves contenant de l'acide phosphorique. Si ce produit n'est pas volatil et ne peut se transformer en nuage toxique, les habitants seront prévenus assez vite, il se répand dans le sol et la rivière l'Aube non loin du lieu de l'accident. L'impact sur la faune et la flore sera très vite détecté. C'est pour cela que les opérations de pompage sont engagées rapidement. 

Le déploiement des pompiers ardennais accompagnés de leurs collègues de Moselle permettra la mise en place d'un camion laboratoire pour effectuer les prélèvements et les analyses de l'eau nécessaires. "Nous avons réussi à stocker ce produit provisoirement, dira un des responsables des pompiers sur place. Nous allons pouvoir l'évacuer. Une partie a réussi à passer dans les égouts mais depuis cette nuit (le lendemain de l'accident), il n'y a plus aucune fuite au-delà des wagons-citernes".

Baignade et pêche avaient été interdites. La ligne ferroviaire entre Hirson (Aisne) et Charleville-Mezières avait été coupée pendant plusieurs semaines et les habitants du secteur avaient été invités à éviter la zone pendant toutes les opérations de déblaiement. 

À qui la faute ?

L'enquête confiée à la Brigade de gendarmerie de Revins fut complétée par celle du BEATT, Bureau d'enquête sur les accidents terrestres, rendu en août 2023. Si le tribunal judiciaire doit juger les responsabilités de chacun, il sera sans doute aidé par le rapport du BEATT.

L’organisation, la préparation et la réalisation de ce transport exceptionnel par l’entreprise de transport ont été déficientes vis-à-vis du respect de l’arrêté d’autorisation de circulation.

Rapport du bureau d'enquête sur les accidents terrestres

Les experts mandatés sur le terrain apportent des éléments importants dans la compréhension de l'accident et note qu'aucune défaillance n'est à noter du côté de la SNCF. "Les investigations conduites permettent d’écarter l’hypothèse d’une collision suite à un acte volontaire du conducteur du poids lourd. Les installations du passage à niveau (détection du train, allumage des feux rouges clignotants, tintement des sonneries et abaissement des demi-barrières) ont correctement fonctionné. Aucun élément dans la conduite du train n’est apparu comme une cause ou un facteur contributif de l’accident".

Par contre, ils pointent du doigt plusieurs défaillances, notamment dans l'organisation du cheminement du convoi exceptionnel.

"Les conducteurs du convoi routier n’ont pas respecté plusieurs prescriptions encadrant le déplacement du convoi, notamment la prévenance de SNCF Réseau pour que puissent être arrêtées les circulations ferroviaires et coupée l’alimentation électrique des caténaires avant le franchissement du  passage à niveau par le convoi. La semi-remorque, de par ses caractéristiques et malgré une surélévation des suspensions, s’est bloquée en frottant la chaussée au moment de franchir les voies ferrées. L’organisation, la préparation et la réalisation de ce transport exceptionnel par l’entreprise de transport ont été déficientes vis-à-vis du respect de l’arrêté d’autorisation de circulation. Aucun chef de convoi n’a été désigné. Les conducteurs sur place n’avaient pas en référence toutes les prescriptions de circulation".

Désormais place à la justice. Les représentants de la société allemande de transport devraient être présents lors de l'audience au tribunal judiciaire qui débute ce lundi 18 mars au matin à Charleville-Mézières.

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