Depuis lundi 25 mars, Philippe Gillet comparaît devant la cour d'assises des Ardennes pour l'assassinat d'Anaïs Guillaume. Reconnu coupable du meurtre d'Anaïs Guillaume, il a été condamné à 22 ans de prison. Retour sur les moments clés de ce procès hors norme qui s'est achevé ce mercredi 3 avril.
Un seul accusé pour deux affaires. Philippe Gillet a été jugé par la cour d'assises des Ardennes du lundi 25 mars au mercredi 3 avril pour la mort de Céline Gillet, en janvier 2012, et la disparition d'Anaïs Guillaume, en avril 2013. Dès le début du procès, l'accusé niait toute responsabilité. Dans les deux cas, il a été le dernier à voir vivantes les deux femmes. Finalement, il a été reconnu coupable du meurtre d'Anaïs Guillaume et condamné à 22 ans de réclusion criminelle. Quant à la mort de sa femme, il a été innocenté. Plusieurs heures de débats, des moments de tensions, des auditions clés... voici les temps forts que nous avons retenus de ces huit jours de procès.
1/ Philippe Gillet : "Jusqu'à preuve du contraire, elle est encore en vie"
Au premier jour du procès, l'agriculteur de 46 ans est longtemps resté impassible et mutique, bras croisés et regard fermé, dans le box en verre du palais de justice de Charleville-Mézières. Avant de prendre enfin la parole à la fin de cette première journée d'audiences. Lorsque le président de la cour d'assises l'interroge sur la situation actuelle d'Anaïs Guillaume, il répond : "Elle a dû refaire sa vie. Elle rêvait de partir", avant d'ajouter qu'elle avait "peut-être tout quitté pour échapper à une dette de stupéfiants".Auparavant, le major Didier Türk, directeur d'enquête de la section de recherches de la gendarmerie de Reims, avait présenté l'accusé comme "violent, jaloux, machiavélique et ayant des rapports conflictuels avec les femmes". "Comment Anaïs est-elle morte ?", s'est-il interrogé. "On pense à l'étranglement car Philippe Gillet a cette pratique sexuelle particulière qui est d'étrangler sa partenaire au moment de la jouissance." "Je ne suis pas un hyper violent. Je ne casse pas 5/6 personnes par an", s'est défendu Philippe Gillet.
2/ La téléphonie charge l'accusé
Au deuxième jour du procès, deux experts en recherches criminelles mettent à mal la défense de Philippe Gillet. Au coeur des débats : la manipulation troublante de téléphones portables la nuit du 16 au 17 avril 2013, la nuit de la disparition d'Anaïs Guillaume. La carte Sim de la jeune Ardennaise aurait été insérée dans le portable de Céline Gillet, l'épouse décédée. Celle de Céline Gillet dans le portable d'Anaïs.Sur ces deux cartes, les enquêteurs retrouvent l'ADN de Philippe Gillet. Selon eux, cette échange de cartes Sim avait pour but de faire croire qu'Anaïs était vivante en simulant une conversation par SMS entre Anaïs et l'accusé. Philippe Gillet affirme de son côté qu'il dormait et qu'Anaïs a dû "se dépanner d'une panne de téléphone".
3/ Les doutes sur les sacs de chaux
Le mercredi, deux ex-employés de Philippe Gillet ont été entendus à la barre. Deux frères, dont l'un a témoigné que l'accusé lui avait posé des questions sur la qualité de la chaux vive. Lorsqu'il apprend que Philippe Gillet avait acheté 50kg de chaux la veille de la disparition d'Anaïs, cette conversation lui revient à la mémoire. Il prévient alors la gendarmerie.Pour les parties civiles, ce témoignage constitue un nouvel indice. "Ce qui est troublant, c'est que M. Gillet, qui sait être particulièrement minutieux sur les détails qu'il rapporte sur sa journée du 16 avril 2013, occulte complètement de parler de cet achat de chaux", affirme Me Damien Delavenne, avocat des parties civiles.
La chaux qui est revenue sur le devant de la scène ce cinquième jour de procès. Une ancienne amante, que l'exploitant agricole avait rencontrée sur internet, avoue à la barre qu'un souvenir glaçant la hante. Elle raconte.
"Dans une discussion, il m'a dit que pour faire disparaître un corps, il suffisait de lui mettre de la chaux vive dessus."
- Une ancienne amante de Philippe Gillet, à la barre
4/ L'audition du juge d'instruction
Les circonstances de la mort de Céline Gillet ont été au centre de l'audition - rarissime - d'un juge d'instruction, le jeudi 28 mars. Le juge Vincent Dufourd avait relancé cette partie de l'enquête en 2015 à son arrivée au tribunal de grande instance de Reims. Son prédécesseur avait estimé qu'il "n'existait aucune preuve solide et objective" pour poursuivre l'accusé du meurtre de son épouse."Comment passe-t-on d'un avis à l'autre ?", a demandé avec insistance Me Richard Delgenes, l'avocat des deux filles de Philippe Gillet, au juge d'instruction. "J'ai estimé qu'il y avait des indices graves et concordants pour poursuivre", a répondu sobrement le juge Dufour, cité comme témoin. "Le procureur de Reims avait également dit qu'il n'y avait pas non plus lieu de poursuivre. J'ai estimé le contraire", a-t-il rappelé, expliquant que les "nombreuses rumeurs sur le côté bizarre, voire improbable de la mort de Céline Gillet" méritaient d'y regarder à deux fois.
5/ Les experts dressent le profil de l'accusé
Son stoïcisme et sa carrure ont impressionné l'audience. Au-delà des apparences, les experts psychologues et psychiatres ont présenté la personnalité de l'accusé, lors du cinquième jour de procès. Les mots employés dressent le portrait d'un homme dur : "narcissique", "égocentrique", "très organisé", ou encore "méticuleux" et avec un "besoin de se faire respecter". L'expert psychiatre décrit sa relation avec Anaïs Guillaume comme "passionnelle" et "tumultueuse". Il a d'ailleurs décelé chez Gillet, "une personnalité qui ne supporte pas d'être quittée ou abandonnée".6/ Le témoignage de la mère d'Anaïs Guillaume, digne et émouvant
Le témoignage de Valérie Guillaume, vendredi 29 mars, a ému une partie de l'auditoire. La mère d'Anaïs Guillaume a décrit sa fille comme "le rayon de soleil de la famille" et a tenu à rétablir sa vérité. Elle refuse qu'on dise de sa fille que c'était une "toxicomane", ni "une fille facile", en réponse aux accusations de Philippe Gillet. Elle ajoute :Elle tient aussi à retrouver sa fille coûte que coûte, "quelque soit l'issue du procès". A l'issue de l'audience, elle confie à nos équipes sur place : "Elle manque à beaucoup de monde. Enormément. Moi je dis que même si on perd le procès, qu'on le gagne ou qu'on le perde, lui j'en ai rien affaire. Il survivra sans nous, que ce soit avant ou après nous. Je n'ai pas besoin de lui et lui n'a pas besoin de nous." Et de conclure :"Philippe Gillet parle beaucoup de lui, du deuil de sa femme, de sa mère, de sa belle-mère. Mais lui, au moins, il peut se recueillir sur leurs tombes. Nous, on ne peut pas."
- Valérie Guillaume, à la barre
"Je me dis que même si on le perdait ce procès, on lui a rendu un bel hommage."
- Valérie Guillaume, la mère d'Anaïs
7/ Le verdict, moment de tension et d'émotion
Après huit jours d'un procès intense, la famille d'Anaïs Guillaume a fondu en larmes. Soulagés, les parents et le frère d'Anaïs sont toujours dans l'attente de réponse quant au corps d'Anaïs.L'avocat de Philippe Gillet, souligne les contradictions des deux verdicts rendus : "C'est un grand sentiment de déception et d'incompréhension. On a une décision mitigée, parce que finalement on nous dit qu'une grande partie du dossier ne résiste pas à l'examen, on répond non à la préméditation alors que ces sacs de chaux nous étaient présentés comme un élément prégnant de la culpabilité... Et on condamne de l'autre côté, en disant qu'il est l'auteur du meurtre.""C'est un soulagement, un hommage qu'on rend à Anaïs. On aurait préféré qu'il réponde à la question d'où il a déposé le corps... mais bon, on sait qu'il restera en prison et que ça évitera à d'autres jeunes filles de connaître le même sort.
- Fabrice Guillaume, père d'Anaïs
Après huit jours de procès, les membres de la famille Guillaume se sont serrés dans les bras.
La famille Guillaume soulagée avec l’annonce hier à 22h de la condamnation de Philiipe Gillet à 22 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de leur fille Anaïs.
— Dansamu08 (@Dansamu08) 4 avril 2019
L’accusé peut faire néanmoins appel du verdict dans les 10 jours
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