Alors que la grève contre la réforme des retraites bat son plein en France, certains "oubliés" de la société jettent un regard incrédule sur le mouvement. C'est le cas de ces deux octogénaires ardennais qui font face aux difficultés de la vie, avec leurs faibles retraites.
« Ça va, il n’y a pas trop de morts aujourd’hui… ». Chaque jour, Marie-Claire accomplit le même rituel. Elle rend visite à ses parents : Simone, 88 ans, et Marcel, 87 ans – deux agriculteurs à la retraite – et regardent avec eux les avis de décès dans le journal.
Simone et Marcel, deux anciens éleveurs laitiers installés à Villers-le-Tilleul, au sud de Charleville-Mézières, qui peinent à joindre les deux bouts, en raison d’une très faible retraite. 898 euros par mois pour Marcel. 853 euros pour Simone. « Heureusement qu’ils ont un peu de subventions… Mais bon, c’est toujours pleurer partout pour avoir un petit peu d’argent » témoigne leur fille, assistante familiale de profession.
Les factures s’accumulent
Marie-Claire aide ses parents à éplucher le courrier. « On a reçu la facture de la résidence. Il y en a pour 671 euros. Plus les 148 euros de l’ambulance… Ça fait plus de 800 euros pour une semaine. » Handicapée depuis une mauvaise chute, Simone passe cinq ou six jours par mois dans une maison de repos. Une résidence qui propose des accueils temporaires à Charleville-Mézières. « Elle doit payer l’ambulance parce-qu’elle ne peut pas bénéficier d’un VSL (véhicule de secours léger). La sécurité sociale ne prend rien, et la MSA non plus » reprend-elle, consternée. « Ça fait entre 800 et 900 euros, une retraite entière ! Heureusement qu’elle n’y va pas plus [longtemps]. Combien il va rester pour finir le mois ? »La situation dure depuis un moment désormais. Et elle devient de plus en plus difficile au fil du temps. « Mes parents ont une situation bien précaire. Heureusement qu’on arrive à monter des dossiers pour avoir des aides. Des aides pour le ménage et pour avoir de la compagnie. Et ils ne peuvent pas faire appel à d’autres organismes, sinon il faut encore payer ».
Marie-Claire connaît toutes les procédures administratives pour monter un dossier. Elle se désole d’en être arrivée là alors que ses parents ont toujours travaillé. Elle finit même par lâcher quelques larmes : « Je me souviens, quand j’étais petite, les voir travailler tous les jours, dans les champs. Travailler beaucoup et aujourd’hui ils vivent avec rien ! Ce n’est pas normal. Il faudrait des retraites décentes. Ils ont suffisamment travaillé pour espérer vivre mieux. Aujourd’hui, ils ne peuvent pas vivre décemment, alors qu’ils ont travaillé toute leur vie tous les deux. »
La vie n’est pas toujours bien faite
- Marcel, éleveur à la retraite.
Marcel a commencé à travailler à l’âge de 14 ans. Jusqu’à 58 ans, il a consacré 44 années de sa vie à l’élevage. « J’étais dans la laitière » se souvient-il avec passion. Aujourd’hui, avec le recul, il estime que sa retraite de misère est « un manque de reconnaissance ». « C’est le remerciement de la vie », poursuit-il, amer. « Il y en a qui ont moins travaillé et qui gagnent plus. La vie n’est pas toujours bien faite. Je ne suis pas jaloux. Tant mieux pour eux. Mais on devrait quand même nous augmenter notre retraite. »
Pour Marcel et Simone, « il faut une réforme mais pas celle-là ! Il faudrait une vraie réforme pour ceux qui n’ont pas une grosse retraite. Il y en a qui conduisent un train et qui se plaignent. Nous, on a rien. Les promesses, on en entend toujours. Mais ça ne rapporte pas beaucoup. Vivement la fin. Qu’on soit loin… »Il y en a qui conduisent un train et qui se plaignent.
- Marcel et Simone, retraités à Villers-le-Tilleul.
Une réforme juste. Une retraite décente. C’est tout ce que réclament Simone et Marcel.