Charleville-Mézières : un octogénaire mis en examen après la mort d'un homme de 21 ans, un "crime d'exaspération" pour le procureur

Un jeune homme de 21 ans a été tué d'un coup de fusil à Charleville-Mézières (Ardennes), le vendredi 9 décembre. Les détails du crime ont été dévoilés au surlendemain de l'arrestation d'un octogénaire vivant à proximité. Il a été mis en examen dimanche soir des chefs de meurtre, détention d’arme illicite et violence avec arme sur personne dépositaire de l’autorité publique.

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C'est une affaire peu banale qui s'est déroulée dans le quartier de Ronde-Couture, à Charleville-Mézières (Ardennes). Les faits se sont produits dans la soirée du vendredi 9 décembre 2022. Un jeune homme âgé de 21 ans a été mortellement blessé par le tir d'une arme à feu. Les circonstances dans lesquelles il a reçu cette blessure étaient troubles. La police judiciaire (PJ) et le commissariat de Charleville se chargent de l'enquête.

Le procureur de Reims (Marne), Matthieu Bourrette, a communiqué sur les faits, donnant de nombreuses précisions au cours d'une conférence de presse. Celle-ci s'est tenue en fin d'après-midi, ce dimanche 11 décembre.

Une intervention difficile

Nous sommes 20h30, ce vendredi-là, quand le commissariat de Charleville est appelé : une personne a été victime d'un coup de feu. Ce dernier est survenu sur la rue des Chardonnerets, dans le quartier de Ronde-Couture (visible sur la carte ci-dessous).


Mahamadou Cisse, 21 ans, devait mourir de sa blessure à l'hôpital malgré les efforts des pompiers et du personnel soignant pour le sauver. Les cinq policiers envoyés sur place, eux, ont pour mission d'appréhender l'auteur présumé du coup de feu. À leur arrivée sur les lieux, ils découvrent qu'"une foule particulièrement hostile de 30 à 50 personnes a minima" est rassemblée près d'un appartement en rez-de-chaussée de l'immeuble situé au numéro 12 de la rue des Chardonnerets. Le tireur y serait retranché.

La foule, décrite par le rapport de police comme "enragée" et prête à "lyncher" la personne concernée, est "difficile à contenir". Les policiers parviennent à sécuriser le hall d'entrée, et défoncent la porte de l'appartement. Deux policiers y pénètrent et se retrouvent mis en joue au fusil par "un homme âgé". Il lui faut trois sommations pour baisser son arme, malgré la qualité policière évidente des deux individus venus l'appréhender. L'un des policiers avait commencé à "presser la détente de la gâchette de son arme" réglementaire pour mettre le suspect hors d'état de nuire.

Le suspect est un octogénaire

Cet homme, âgé de 82 ans, a été interpellé. À noter qu'il était alcoolisé (0,24 mg d'alcool par litre d'air expiré, la limite légale étant 0,25) lorsqu'il a été arrêté et failli être "lynché" par la foule. Son arme, une réplique de fusil M16 (calibre 22 Long Rifle) chargée de onze cartouches, a été déchargée et confisquée. Le M16, dans sa version standard, est le fusil d'assaut utilisé par l'Armée américaine. Aucune autorisation n'accompagnait la détention de ce fusil.

Dans le même temps, "la foule, toujours virulente et revendicative, commençait à casser les fenêtres" pour pénétrer dans l'appartement. Du gaz lacrymogène a été utilisé pour tenter de les repousser et de les disperser. Le parquet a souligné "le professionnalisme et le sang-froid" des policiers, et notamment de ceux qui ont procédé "à l'interpellation du mis en cause, au péril de leur vie".

Cet individu, né en Algérie française (à l'époque) le 30 décembre 1939, est un ancien harki. Il est devenu militaire à Mourmelon-le-Grand (Marne) puis ouvrier dans des usines situées dans les départements de la Marne et des Ardennes. Célibataire, il vit ici depuis 1992, et est père divorcé de onze enfants. Lors de son interrogatoire, il a reconnu avoir tiré sur la victime. Il a raconté qu'au retour de sa partie de pétanque, un "groupe de jeunes" l'avait empêché de passer et insulté.

"Ces situations étaient très fréquentes", a ajouté le procureur qui cite le suspect. "Ces jeunes [selon le suspect] fumaient du shit, s’alcoolisaient, et dérangeaient de manière incessante le voisinage. Il n’en pouvait plus et il en avait fait part régulièrement aux forces de l’ordre et auprès du bailleur social, sans que les choses n’évoluent, malgré quelques passages de la police."

Difficiles relations de voisinage 

Une fois rentré ("avec difficulté") chez lui, l'octogénaire mis en cause est ressorti avec son fusil, dans le hall où "les jeunes" se trouvaient toujours. La "plupart" aurait alors fui, sauf la future victime, qui l'aurait "insulté" et lui aurait "craché dessus". Elle se trouvait à un mètre de lui lorsqu'il aurait tiré, le fusil situé à hauteur de hanche (la balle a touché la poitrine).

Constatant que le jeune homme de 21 ans s'était effondré à cause de son coup de feu (ce qu'a confirmé l'autopsie), le suspect est rentré chez lui et s'est enfermé. Il a affirmé ne pas connaître personnellement les membres du groupe de jeunes, a fortiori la victime, même si ce groupe "lui gâchait la vie quotidiennement depuis 2013", et qu'il n'existait pas d'"antagonisme particulier" avec la victime. S'il avait déjà été bloqué pour rentrer chez lui et insulté, il n'avait jamais été personnellement menacé, même s'il disait "se sentir en danger".

Traqué par la foule à l'extérieur, il a également affirmé avoir cru que les policiers en faisaient partie lorsqu'ils sont rentrés chez lui, et avoir déposé son arme lorsqu'il a compris de qui il s'agissait. Ladite arme aurait été achetée "en vente libre dans une grande surface au cours des années 1990". Il n'a pas su justifier cet achat. Son casier judiciaire est vierge.

Passible de 30 ans de réclusion criminelle 

Au cours de la garde à vue, il n'aurait exprimé ni regret ni compassion pour la victime et sa famille. "On peut se demander, souligne le procureur, s’il a complètement pris conscience de la gravité des faits reprochés. Il les comprend sans mal, et il s'est exprimé clairement à leur sujet."

Les investigations auront pour but d'avérer ou infirmer les allégations du suspect, pour lequel le procureur emploie le terme de "crime par exaspération". Contre ce dernier, une information judiciaire a été ouverte pour "meurtre" (initialement tentative de meurtre), "détention illicite d'armes", et "violences avec arme sur personne dépositaire de l'autorité publique".

Pour ces faits, il encourt une peine de 30 ans d'emprisonnement (et jusqu'à son jugement, malgré ses aveux, reste considéré comme innocent). Il doit être placé en détention provisoire étant donné le trouble public dans lequel il se trouvait avant son arrestation. Du reste, il ne peut plus rentrer chez lui puisque la foule aurait "entièrement saccagé" son logement, et qu'il risque "des représailles". Le juge des libertés devra confirmer cette incarcération en amont de son procès.

L'octogénaire mis en examen dimanche soir 

Le mis en cause a été mis en examen des chefs de meurtre, détention d’arme illicite et violence avec arme sur personne dépositaire de l’autorité publique par le magistrat instructeur. A l’issue du débat contradictoire, le juge des libertés et de la détention a décidé son placement en détention provisoire, conformément aux réquisitions du parquet en retenant les deux critères suivants : le trouble à l’ordre public et la nécessité de protéger la personne mise en examen.

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