Romuald Yernaux, coach des Flammes Carolo à Charleville-Mézières, est l’un des rares dans le sport français à demander une pause dans la compétition plutôt que le huis clos. Par solidarité avec les partenaires, indispensables à la survie du club. Entretien.
Depuis le confinement, acte 2, les matchs de basket des Flammes Carolo (Charleville-Mézières) se jouent à huis clos, sans public. Les paniers et autre slam dunk sonnent creux sur les parquets. En cette mi novembre 2020, l'entraîneur du groupe ardennais, Romuald Yernaux, dénonce cet état de fait. Selon lui, le huis clos place l'équipe et le club dans un système contre-productif. Il aimerait faire une pause dans la compétition. Par égard pour le public et les partenaires du club ardennais. En attendant que la situation sanitaire s'améliore.
France 3 Champagne-Ardenne : Comment va le groupe en ce moment ? Comment ça se passe avec cette situation de confinement ?
Romuald Yernaux : Le groupe va bien. Après, c'est un petit peu particulier parce qu'on essaie de travailler, mais entre les semaines ou on est à l'isolement, les semaines ou les matchs sont reportés. C'est difficile de maintenir tout le monde avec la flamme, donc on essaie de de procéder à une stratégie actuellement différente de notre façon de faire habituellement, mais bon ça va plutôt bien, on a des petits bobos mais les gens rentrent au fur et à mesure, globalement on est assez satisfait.
France 3 : il manque ce 3e homme, celui qui rempli la salle sur les matchs à domicile. Avec un vrai souci, les matchs à huis clos pendant cette nouvelle période de confinement.
Évidemment. Le fait qu'il n'y ait pas de public, c'est pas un souci en soi. C'est une mesure pour pouvoir lutter contre la pandémie et on se doit de le respecter et on n'a pas envie que les gens soient contaminés donc dans ce sens là c'est pas forcément un souci. En plus c'est des efforts qui ne sont pas pluriannuels, on nous demande d'être bienveillant pendant quelques semaines donc je crois qu'il faut faire la part des choses, il n'y a pas de notion d'urgence. Après la problématique, c'est de vouloir jouer à huis clos qui pose souci. C'est plus, cet aspect là.
Vous avez décidé, comme les autres équipes d'être solidaire, de jouer ce mois de novembre à huis clos. Ensuite, vous avez envoyé un courrier au ministère pour protester, qu'en est il aujourd'hui ?
Vous savez, aujourd'hui la Ligue féminine, c'est 12 clubs, donc chacun exprime comment il voit comment il voit les choses, on est en démocratie donc les avis peuvent être divergents. Maintenant, les problèmes sont tous convergents sur le même élément. Aujourd'hui, dire qu'on va jouer le mois de novembre, c'est un joli fake, parce qu'il y a qu'une semaine, de toute façon, avec la trêve internationale. C'est une demie-décision.
"C'est pas un gros risque c'est très peu courageux"
Nous respectons, on s'associe à la majorité, c'est comme ça que fonctionnent les présidents de Ligue féminine de basket et je pense que c'est tout à leur honneur parce que chaque président, même si les opinions sont sont différentes, essaie de faire en sorte que son club puisse se porter au mieux et que la Ligue féminine se porte le mieux possible, c'est aussi ça qui est important, c'est l'intérêt supérieur. Maintenant, chez nous, il n'y a aucune volonté à jouer à huis clos, sauf si on nous disait que l'accès au public allait être restreint, voire réduit à néant sur toute la saison, il y a un moment où forcément il faut que le basket féminin puisse exister.Fatalement, on serait obligé de jouer malheureusement à huis clos, mais sur une saison qui serait probablement écourtée.
Aujourd'hui, je ne veux pas que le club s'inscrive dans le huis clos, parce que c'est un manque de respect. C'est un manque de considération par rapport au produit que l'on vend toute l'année.
On met des années à construire un produit à vendre, à façonner, à on met des années à y mettre des valeurs derrière et on met des années à aller trouver des gens qui adhèrent et qui, au-delà de sponsoriser, le soutiennent.
ils le soutiennent corps et âme, mais aussi financièrement. Aujourd hui ce qu'on est en train de me demander, c'est c'est de jouer pour divertir les gens qui sont confinés. Jusque-là, ça fait partie des prérogatives aussi du sport de haut niveau. Mais qui finance ? Le deuxième point qui, à mon avis le plus important, c'est que on nous demande de jouer, en utilisant des salariés, mais financés par des gens qui pourront même pas eux-mêmes à participer un petit peu à la fête, qui sont nos abonnés, qui sont nos actionnaires, qui sont nos partenaires privés, qui sont nos collectivités. On croit que le système est facile que les gens se sont engagés donc bon, ils vont maintenir.
"Climat anxiogène et frustration"
Sauf que les problèmes que nous rencontrons, tous nos partenaires, les rencontrent. Que ce soit les partenaires institutionnels, les partenaires privés, que ce soit, nos abonnés l'ensemble des gens aujourd hui sont en train en train de souffrir, donc je pense qu'il n'y a pas de besoin de jouer urgent. Je pense qu'aujourd'hui on ferait mieux de se rattacher à la cause commune qui est de stopper la pandémie. Et puis dans un second temps, d'essayer de voir, parce que on sait que au niveau de la pandémie les choses vont aller en s'améliorant.Est-ce que pour autant on aura le droit de récupérer le public tout de suite ? Je ne sais pas, mais en tous les cas, si les gens sont déjà dans un contexte où la pandémie, elle est un peu sur le recul, qu'on est en train de de gagner ce combat là, même si c'est que temporaire. Les gens sont dans les prédispositions où ils accepteront mieux cette notion de huis clos. Aujourd hui, on leur impose une frustration supplémentaire dans un climat anxiogène ou la frustration ne fait que régner et se propager, peut-être plus vite que le virus d'ailleurs.
Donc aujourd'hui on est radicalement contre le huis clos pour pour toutes ces raisons là, parce qu'on aime nos partenaires, on aime notre public, on aime notre sport. Quand on est à l'extérieur, c'est lui qui nous plonge dans la difficulté. C'est tout ça qui fait qui fait l'essence du sport. Ce n'est pas simplement prendre un ballon et puis jouer faire mumuse, ça tout le monde peut le faire. Donc aujourd'hui, on est en train de toucher à l'essence même de beaucoup de valeur, de beaucoup de vertus, de beaucoup de liens parce que nos partenaires, quand je dis on les aime, on a besoin de les voir et ils ont besoin de nous voir. Ils ont besoin grâce à nous d'être dans l'interaction et aujourd hui on retire ça. Demain télévisé un match et incruster des partenaires, ça, tout le monde sait le faire, mais le partenariat c'est pas ça, c'est le partage, c'est des valeurs humaines, c'est des rapports humains, c'est des relations, c'est pas simplement un petit chèque. Et puis voilà, non, c'est, c'est autre chose que ça.
"On ne dépend pas que de nous-même"
On est en train d'occulter tout ça. Je le répète, On décide de passer à huis clos du jour au lendemain, simplement on sait pas pourquoi, il n'y a pas d'aide qui sont en plus de sa mise en place, mais j'insisterai peu sur les aides de l'Etat parce que je sais que l'Etat fait des efforts considérables pour d'autres corps de métier, et j'imagine qu'il y aura probablement des aides qui seront qui seront mis sur la table dans l'avenir mais qui ne seront pas du tout à la hauteur des pertes qui seront générées.Mais j'insiste pas par rapport à ça, parce que je crois que le nerf de la guerre, on le détourne, il n'est pas là, il est pas cet amour là, il est vraiment sur sur le lien et sur le liant. Un club, c'est pas une entreprise qui fabrique un produit fini, donc on dépend pas que de nous même. On a des investisseurs et il faut les respecter parce que on a besoin d'eux aujourd hui et on aura besoin d'eux demain et si aujourd'hui on accepte de dire on joue à huis clos, puis on occulte ces gens-là parce qu'ils ont déjà payé, parce que oui mais demain sera fait de quoi ? Et nous on ne fonctionne pas comme ça.
Enfin, on fonctionne avec des valeurs humaines, on essaie d'avoir un club qui évolue, qui grandit chaque année mais il grandit pas seul. Il grandit avec les idées des autres, il grandit avec le soutien des autres et c'est toute cette énergie qui fait qu'on peut aller sur le haut niveau et continuer à grandir. Et aujourd'hui, on est en train de nous retirer tout ça.
Donc le huis-clos, c'est des composantes qui sont bien au-delà de l'aspect économique. On est en train de nous pousser aujourd hui -bon ce sera que sur une seule semaine au mois de novembre- mais ça peut avoir des impacts sur les années suivantes parce qu'aujourd'hui c'est un modèle économique qu'on pourrait effriter dans son rapport humain. Et on sait que quand les gens ne sont pas dans dans le lien, demain ils peuvent ne plus être là où ne plus exister, tout simplement.
"Franchir ce cap ensemble"
C'est tous ensemble qu'on doit doit franchir ce cap, donc dans le fait de lutter contre là pandémie et de faire tous les mêmes efforts au même moment. Donc pourquoi on nous amuse à jouer à huis clos, à nous balader, à traverser la France, prendre le train, le métro ? Il y a aussi des entraîneurs qui ont un certain âge et qui peuvent choper le covid, qui sont des des gens vulnérables aussi. Il faut faut penser à toute la santé. On a un mois à faire des efforts.Donc il faut que nous, la Ligue féminine, notre sport, que l'on aime on peut lsaisser passer un petit peu les choses, avoir un terrain qui soit un petit peu plus stable avec des éléments de réponse un petit peu plus concret. On n'a pas ça, on n'a pas ça très honnêtement, il faut vraiment se poser les bonnes questions.
L'essence même de notre sport, c'est un show et aujourd'hui quand on est dans la difficulté, c'est le public qui nous porte.
Il y a un dicton qui dit : "on se donne l'importance que l'on veut", alors donnons nous l'importance que l'on a et aujourd'hui soyons dans l'humilité par rapport à tout ce qui se passe en France et dans le monde, et ça sera déjà très très bien. Parce que on veut se donner de l'importance et de la considération en rentrant dans énormément de débats. Je pense que les débats aujourd hui, ils sont ailleurs. Le sport français est en danger si il joue à huis clos.
C'est simple, ouvrir un magasin mettrait tous les salariés dedans et fermez les portes, mais vous allez voir que le magasin il va pas durer longtemps, c'est aussi simple que ça.
Le plus important c'est, comment est construit le sport en France ? Sur tous les territoires, il n'est pas construit de la même façon, mais systématiquement vous allez retrouver des éléments qui vont être impactés. Il y a certains territoires où on dépend plus des collectivités, mais les collectivités ont des charges supplémentaires. Avec la pandémie, il y a des territoires ou c'est soit les collectivités soient les partenaires privés, soit les deux comme chez nous, parce que tout le monde nous soutient et les partenaires privés aujourd hui sont les couples de notre projet.
Alors aujourd hui on va se retrouver à jouer le match de Charnay parce qu'on a dû s'associer la majorité parce qu'il ne faut pas être non plus en marge. Il y a aussi des règlements sportifs qui nous sanctionneraient de manière encore plus forte. On le fait parce qu'on nous y oblige, mais on va pas nous obliger longtemps parce que sinon c'est rendez-vous le 15 mai au tribunal de commerce et puis on va rendre les clés. On va rendre les clés parce que la perte potentielle sur un match à huis clos, elle est considérable. Si on le multiplie sur ne serait-ce que deux matches, qui va compenser ? On ne peut pas.
Donc aujourd'hui, je crois que on doit être dans un élan de solidarité et une fois de plus, on est en train de de créer des sous-divisions à dire vous vous jouez alors que les autres galèrent, alors nous, on va jouer sans les gens qui nous soutiennent. Humainement et puis financièrement, c'est juste un comble, on a juste à être un petit peu patient, je crois que ce que demandent le Premier ministre et le ministre de la santé régulièrement. C'est de gérer la situation. Et puis d'être patient, mais de bien faire les choses dans cet intervalle là.
France 3 Champagne-Ardenne : Donc, vous préconisez d'arrêter le championnat le temps qu'il faut ?
C'est ça. Il n'y a pas d'arrêt définitif de la saison, c'est faire un break. Une économie qu'on qu'on va déplacer dans le temps. On aura peut-être plus de matchs en en janvier, février, mars, mais c'est pas grave. Aujourd'hui, il faut s'associer à la cause commune, faut pas oublier que aujourd'hui on est sur un rythme de 3.000 3.500 morts, peut-être 4.500 dans les semaines à venir par semaine. On a des des citoyens, des amis qui sont impactés aujourd'hui. Et nous, on va aller prendre le métro, traverser la France pour un petit match à Montpellier ? Cela rime à pas grand-chose.S'il faut créer de la diffusion pour animer, occuper un petit peu les gens qui sont confinés, autant diffuser des matchs quand on a joué contre Fenerbaçe, revenir un petit peu sur l'histoire, c'est tout aussi plaisant que de de visualiser des matchs où on est dans des salles sans ambiance. On se trompe de combat complètement je crois. Je respecte le fait qu'il y ait certains présidents qui ont souhaité continuer à jouer pour la lisibilité du basket féminin, mais très honnêtement, je pense que c'est un demie décision, le fait de jouer sur une semaine et de menacer de plus jouer en décembre si jamais il y avait pas d'aide.
Et je le répète, c'est pas les aides qui vont influencer mon discours, c'est l'aspect humain, c'est la dimension humaine de la situation où je pense que tout le peuple doit être un maximum solidaire et exemplaire. La meilleure des exemplarité, c'est la patience. Et dans cet intervalle de temps, faire les efforts en commun commun parce qu'on a un objectif tous ensemble : de passer ce cap de la pandémie.