Dominique et Jean-Louis vivent à l'année sur un vieux bateau en bois. Avec, comme port d'attache, le petit hameau de Pont-à-Bar dans les Ardennes. Pendant cette crise sanitaire, eux aussi sont confinés à bord, mais cette consigne n'entame pas leur bonheur du moment. 

Dans le petit port de plaisance du hameau de Pont-à-Bar, le silence règne ce mardi 31 mars au matin. Les -2 degrés de cette nuit figent, un peu plus encore, cet endroit grouillant de vie d'habitude. Les bateaux sont bien rangés, trop peut-être même. Les quais sont déserts, il n'y pas un pli sur l'eau, les drapeaux sont immobiles.
 


Les consignes de confinement adressées à chacun en ce moment ont bloqué, ici aussi, toute l'activité de location de pénichettes. Les navigateurs en herbe, ont quitté le navire, le temps d'une trêve sanitaire. Partout en France, les activités nautiques sont suspendues.


Mon bateau, ma maison

Des preuves de vie m'arrivent toutefois aux oreilles, en provenance du fond du quai : quelqu'un s'agite sur le pont d'un bateau rouge, on entend des sifflets, des chiens courent dans la grande allée. C'est Jean-Louis Joly et sa compagne Dominique qui me saluent devant la porte de leur cabine, deux plaisanciers d'âge respectable, tout comme leur embarcation de 1960.  " Il s'appelle Le Did ! c'est un artisan corse qui l'a construit tout en bois, il a au moins 50 ans ! " me crie le capitaine Jean-Louis en haut de la passerelle.

Avec son look d'ancien rocker, (il était batteur dans un groupe de musique), ses cheveux longs, et ses lunettes noires, l'ami Jean-Louis force le respect sur sa petite péniche.
 

Pour cet ancien métallier-serrurier à la retraite et sa compagne, responsable d'une équipe d'entretien, la plaisance est un art de vivre. " Ça  fait 8 ans qu'on habite sur ce bateau ! Quand on l'a acheté, il était vraiment dans un triste état, et là, on le répare tout doucement. C'est petit un bateau, mais nous, on a l'habitude, ça ne nous dérange pas. On a le chauffage à air pulsé, et il n'y a pas d'humidité ", poursuit-il en s'installant sur une chaise, face au canal.

J'ai l'esprit solitaire. Quand je partais en voilier il y a quelques années, j'étais seul, mais c'est quand même mieux à deux.
- Jean-Louis Joly, capitaine du Le Did à Pont-A-Bar. Ardennes
 

Jean-Louis, le bienheureux

C'est un voyage immobile, une pause obligatoire et imposée, sur quelques dizaines de mètres carrés de bois. Le couple le sait : elles sont encore loin les prochaines balades habituelles, au grès des écluses, sur les voies navigables des Ardennes. Pour l'instant, Le Did a jeté l'ancre et s'est collé sur son emplacement de gardiennage à l'année.
 

Quand on demande à Jean-Louis comment ils vivent cet enfermement sanitaire sur leur bateau, l'expérience est plutôt positive pour ces Robinsons ardennais. " Par rapport à ceux qui sont dans un appartement, ou un HLM sans trop de lumière, on s'estime tout de même plus heureux. On a le soleil, on a un petit peu d'espace devant pour faire un jardinet. On peut lâcher les chiens en balade. C'est comme dans un appartement, mais on a toute la nature autour. Ce confinement nous a donné l'opportunité de faire du nettoyage un peu partout et du rangement. On se trouve des occupations de bricolage, je vais semer mes radis".

Un balcon, c'est bien, mais ça ne fait jamais que deux mètres sur un mètre, nous, sur le pont, au soleil, on est bien ! Ici, les poissons, je les prends en photos plutôt que de les pêcher!
Jean-Louis Joly, plaisancier à Pont-à-Bar. Ardennes  
 

Ne sortez pas ... du bateau !

Au niveau -1,  il y a du mouvement. Coté cabine, ce sont trois autres matelots qui sont embarqués dans cette aventure : deux chiens et un chat. Les animaux font de rapides allers-retours entre deux caresses, Jean-Louis est heureux.
A bâbord, un ordinateur portable trône dans l'unique pièce à vivre. A tribord, un écran de télé crache les dernières informations inquiétantes sur la propagation du covid-19 dans le pays.
 

Les visages se plissent quelques instants à l'annonce des chiffres du jour. " Ne sortez pas ! ", renchéri Jean-Louis en zappant sur les chaînes d'infos. " Moi, j'ai ma compagne qui travaille en supermarché et dans des entreprises à faire du nettoyage tous les matins, on a peur quand même ! Tous les jours, je lui dis de mettre ses gants, son masque, de bien rester à un mètre des autres, il faut faire attention! Il faut rester chez soi !"
 
 


La solidarité du marin

Le couple n'est pas vraiment seul dans cette parenthèse du moment. Trois autres plaisanciers, de passage eux, attendent également de redémarrer leur moteur, et de poursuivre leurs voyages. Ici, on se salue de loin, avec de grands gestes sur le pont, on s'interpelle, et ça suffit. "Quand c'est grave, on s'entraide et on se réconforte ! ", d'après l'expérience du capitaine.

Dominique et Jean-Louis ont en tous cas cette certitude, qu'ils valident ensemble d'un simple regard : " C'est pas la même vie sur un bateau, c'est spécial, mais nous, on ne retournera jamais dans un appartement ! " 
 
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