Une cinquantaine d'éleveurs ovins des Ardennes a manifesté sa colère et son inquiétude ce 4 septembre à Charleville-Mézières sur fond de crise liée à la fièvre catarrhale ovine. Ils s'estiment oubliés, et déplorent que le vaccin ait été validé trop tard par l'État français. Se disant victimes de lourdes pertes, ils demandent des indemnisations.
Les visages sont graves. Une cinquantaine d'éleveurs de moutons se sont retrouvés ce mercredi à 14h devant les grilles de la préfecture des Ardennes à Charleville-Mézières pour faire entendre leur colère. Celle d'avoir perdu une partie de leurs bêtes décimées par l'épizootie de fièvre catarrhale ovine (FCO) qui sévit dans le département. Répondant à l'appel de la fédération des éleveurs de moutons des Ardennes (FEMA), certains étaient venus avec des cadavres pour les déposer devant la préfecture, où une minute de silence a été observée pour ces animaux morts.
Le plus important pour ces éleveurs de moutons, c'est "qu'une solution soit trouvée" pour les aider. Sinon "on n'aura pas le choix que de baisser les bras" indique un des manifestants qui estime qu'"il n’y a rien de concret, il n’y a rien du tout".
"On ne veut plus aller" dans la bergerie
De l'aveu des manifestants présents sur place, beaucoup n'ont "jamais vu ça", soit une telle mortalité dans leurs élevages. "J'en suis déjà à 54 brebis mortes et un bélier", nous confie Pascal Monchet, un éleveur à la tête d'une exploitation de 600 têtes à Aubanton, non loin de la frontière belge. Mais ce n'est pas tout, car "des brebis sont mortes en agnelant. Il va me manquer au moins 100 agneaux, c’est une catastrophe", ajoute-t-il la voix serrée.
Il ne laisse plus ses moutons "dehors", il les a fait entrer dans la bergerie. Mais "de toute façon, on ne veut plus y aller dans le bâtiment. On sait très bien ce qu'on y va trouver..." lance Pascal Monchet, estimant ses pertes "à peu près à 30 000€".
Une vaccination trop tardive ?
Lui, comme pratiquement tous les autres éleveurs présents ce mercredi pointent du doigt la vaccination qui a été bien trop tardive selon eux. "On a vacciné quand la maladie était déjà là. Si on avait on avait eu le vaccin il y a 2 ou 3 mois comme pour les autres souches (la FCO qui s'est propagée ces dernières semaines est de stéréotype 3, ndlr), les animaux seraient peut-être plus protégés aujourd'hui" explique ainsi Julien Roland, installé à côté de Carignan qui "essaie de sauver les meubles, le but étant qu'il reste des animaux à la fin".
“Il y a eu une réelle défaillance dans la mise à disposition des vaccins", selon Yohan Sommé, le président de la FEMA. Il poursuit : "Les Néerlandais ont autorisé l’utilisation à compter du 26 avril, les Belges l’ont fait à compter du 27 mai et il aura fallu attendre le 27 juillet pour que l’Etat français autorise l’utilisation de ces vaccins alors que la procédure se base sur un règlement européen qui est commun à tous les pays. Donc l’Etat aurait dû réagir plus vite. Les vaccins ont réellement été disponibles dans les élevages à compter de mi-août et la maladie était déjà arrivée fin juillet avec la déclaration des premiers symptômes et des premiers foyers début août". Il termine en indiquant que "cette prise de conscience tardive, on ne l’explique pas. Peut-être que nos parlementaires auront à juger de l’intérêt d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur ce manquement, sur cette défaillance de l’Etat".
"Que les Parisiens se rendent compte de ce qu’il se passe"
Tous les parlementaires du département ont fait le déplacement pour soutenir les éleveurs de moutons en proie à la FCO. "Il est important que l’administration centrale et les Parisiens se rendent compte de ce qu’il se passe" explique Pierre Cordier, député apparenté LR. "Aujourd’hui, on a affaire à des gens désarmés, les animaux crèvent tous les jours dans des exploitations. C’est une situation dramatique", précise-t-il.
Flavien Termet, député RN, va dans le même sens : "Tout le territoire soutient ses éleveurs parce qu’on sait face à quelle injustice ils sont confrontés, on sait la faute d’anticipation de l’Etat et on voit qu’il n’y a aucune réponse satisfaisante. On a eu deux réunions en Préfecture, aucune réponse sur d’éventuelles indemnisations. On restera au front, on attend la nomination d'un gouvernement dans les heures qui viennent ou en tout cas d’un Premier ministre."
Depuis lundi 2 septembre, une cellule de crise a été mise en place à la préfecture et le préfet doit venir à la rencontre des éleveurs ce mercredi. Mais, pour le président de la FEMA, il y a "faut un engagement financier" pour soutenir directement et indirectement la filière, "les euthanasies ne sont pas financées" par exemple. Et surtout, selon Yohan Sommé, il faut faire vite car "les symptômes du FCO sont virulents" et "les animaux souffrent".