Depuis trois ans, la chambre d’agriculture des Ardennes propose aux éleveurs une formation à l’acupuncture sur bovin pour traiter des infections, telles que la mammite.
"Quelle est la condition sine qua non pour que l’os d’un bras cassé se répare ?", demande la vétérinaire Nayla Cherino à son audience du jour composée d’une dizaine d’éleveurs bovins venus se former à l’acupuncture. Très vite, les hypothèses fusent : "Mettre un plâtre", lance un éleveur, hésitant. "Se reposer ?", questionne une exploitante bovine, sous les rires de ses collègues.
Et pourtant, la réponse est tellement évidente que l’on passe à côté : "Il faut avant tout être vivant !", déclare Nayla Cherino. "Je pose à chaque fois cette question quand je débute l’apprentissage car il est essentiel d’avoir conscience de l’énergie qui traverse notre corps pour comprendre le contenu de la formation", explique la vétérinaire.
L’acupuncture, pratiquée à l’origine sur l’homme et utilisée depuis peu sur les animaux, est une technique issue de la médecine chinoise qui consiste à enfoncer de fines aiguilles à des points énergétiques stratégiques pour agir sur certains membres du corps ou organes. "Notre corps, et celui des animaux sont comme un circuit électrique avec des fils, appelés méridiens, qui se rejoignent à différents points. Lorsqu’on appuie dessus, ils rayonnent de l’énergie qui permet de soigner certaines maladies", détaille Nayla Cherino.
Lors de la formation, étalée sur deux jours à la ferme de Villers (Ardennes), les éleveurs vont apprendre avec la vétérinaire les bases théoriques de l’acupuncture sur bovins : nomenclature et localisation des points et des méridiens. Puis, dès le premier jour, ils appliquent leurs connaissances fraîchement assimilées, directement sur une vache. Pour les plus persévérants d’entre eux, Nayla Cherino propose également une seconde formation d’approfondissement où les éleveurs sont amenés à découvrir et ressentir l’aura et les chakras de l’animal.
Un mode de soin prisé par les éleveurs
Si cette pratique novatrice et insolite séduit de plus en plus d’éleveurs pour l’entretien et le bien-être de leurs animaux, elle présente également de nombreux avantages sur le plan économique. En cas d’infections, telles que la mammite (infection du pi chez la vache), l’acupuncture permet de limiter le recours systématique aux antibiotiques qui peuvent dénaturer le lait.
"L’usage d’aiguilles est très efficace sur les panaris, qui sont courants chez les vaches, précise Claudine, éleveuse de bovins dans une ferme en reconversion bio à Marquigny. D’habitude, on utilise des produits chimiques sur l’animal, que l’on retrouve après dans le lait. Mais avec cette technique, on n’a plus à le faire. Le lait est donc de meilleure qualité et on peut le vendre plus cher."
La jeune femme travaille sur son exploitation bovine aux côtés de son mari et d’un associé, qui ont tous les deux déjà suivi la formation de Nayla. Il était donc important pour elle de se former à son tour : "Quand je trais les vaches, je suis toujours accompagnée par l’un des deux donc j’en profite pour leur demander de faire des soins d’acupuncture à l’animal. Mais quand je m’occupe des veaux, je suis seule donc je voulais apprendre ces soins rapidement pour être indépendante et pouvoir réagir en cas d’urgence", explique-t-elle.
Succès chez les jeunes exploitants
L’acupuncture rencontre également un fort succès chez les jeunes éleveurs. Précautionneux, avant d’enfoncer une aiguille dans le jarret d’une vache, Jean, conseiller en élevage dans la Marne, souhaitait se renseigner davantage sur cette technique de médecine chinoise avant de lancer sa propre exploitation. "J’avais prévu cette formation depuis longtemps dans mon cahier des charges d’installation parce qu’il me semblait essentiel d’apprendre à soigner les bovins le plus naturellement et efficacement possible avant de démarrer mon activité", dévoile-t-il.
Cet engouement des éleveurs pour la médecine douce n’est pas étonnant d’après Nayla Cherino. Selon la vétérinaire, les exploitants bovins ont "tout à gagner" à suivre sa formation : "Ça ajoute une dynamique entre les animaux dans l’élevage et ça permet aux éleveurs d’avoir de meilleurs rendements et donc d’optimiser leur temps et leur argent. On me dit souvent qu’il y a un avant et un après Nayla", déclare la jeune femme avec le sourire.
Des formations partout en France
Vétérinaire depuis 2003 à Liège, Nayla Cherino se forme dès la fin de ses études à la médecine naturelle : ostéopathie, homéopathie, acupuncture. "J’ai toujours été animée par la philosophie de la médecine chinoise qui dit que les émotions que l’on n’exprime pas s’imprègnent ensuite dans notre corps", dévoile la vétérinaire.
En 2009, la jeune femme ouvre son cabinet en Normandie et fait la rencontre du médecin Olivier Hibon, qui l’aidera à transposer les techniques d’acupuncture appliquée à l’humain sur l’animal. Très rapidement, elle est sollicitée par des éleveurs de la région qui lui demandent d’intervenir dans leurs élevages. "Une fois, l’un d’entre eux m’a dit "Pourquoi tu ne tentes pas de former les éleveurs ?" J’ai trouvé l’idée intéressante et je me suis lancée", détaille la vétérinaire. Nayla Cherino lance alors sa propre formation et devient la première vétérinaire à enseigner l’acupuncture dans les élevages en France.
Désormais, Nayla Cherino intervient dans des fermes aux quatre coins de la France, notamment dans les Ardennes où elle enseigne depuis maintenant trois ans grâce à la chambre d’agriculture du département. "Ça fait un mois que je ne suis pas rentrée chez moi et mon agenda est complet de septembre à juillet. Mais je suis ravie du pari que j'ai entrepris", déclare-t-elle.