Les 12 et 19 juin ont lieu les élections législatives. En Champagne-Ardenne, 118 candidats s’affrontent sur 13 circonscriptions. Une fois élus, une des missions principales des députés sera de participer à la fabrication de nos lois.
L'Assemblée nationale compte 577 députés. Des hommes et des femmes dont la mission est de voter les lois qui régiront le quotidien des Français. Un processus qui obéit à des règles précises. On vous détaille le parcours d'une loi en quatre étapes.
1) La proposition de loi
Un texte de loi est proposé soit par le gouvernement soit par un parlementaire. Lorsque c’est un ministre qui en est à l’origine, on appelle cela un projet de loi et lorsque c’est un député, on parle de proposition de loi.
Lorsqu’un député soumet une loi, l’idée lui vient souvent de ses observations et de ses échanges dans sa circonscription. Il doit la faire valider par son groupe politique.
Ensuite, il faut écrire le texte de loi. La longueur est très variable… d’une dizaine à une centaine de pages. En Champagne-Ardenne, au cours du dernier mandat, 10 députés sur 13 ont rédigé au moins une proposition de loi.
Bérengère Poletti, députée (LR) des Ardennes pendant vingt ans a fait une proposition de loi en 2011 qui l’a particulièrement marquée pour un accès anonyme et gratuit des mineurs à la contraception.
C’est le croisement de mon histoire puisque j’étais sage-femme auparavant, couplée à ma mission de parlementaire où j’ai bien identifié une problématique sur les mineures, c’est-à-dire un taux élevé d’interruption de grossesse.
Bérengère Poletti, députée des Ardennes
Mais à l’époque, la députée ardennaise n’est pas suivie par sa majorité. Le texte est finalement repris par la majorité socialiste un an plus tard.
"La ministre de la santé Marisol Touraine a récupéré cette proposition de loi mais l’a amputée d’une partie fondamentale, à savoir l’anonymat. On s’est un peu chamaillées et j’ai été suivie par les députés socialistes à l’époque. Donc je pense que j’avais raison de bloquer ça." La loi est finalement adoptée en 2013.
2) Le travail en commission
Une fois rédigé, le texte de loi est étudié en commission. L’Assemblée nationale en compte huit permanentes : affaires culturelles et éducation, affaires économiques, affaires étrangères, affaires sociales, défense nationale et forces armées, développement durable et aménagement du territoire, finances et enfin, la commission des lois.
Les députés sont obligatoirement membres d’une commission. Ils choisissent en fonction de leurs affinités et de leur groupe politique.
Les commissions sont chargées d’examiner les textes de lois avant qu’ils ne soient débattus par l’ensemble des parlementaires.
Gérard Menuel, député sortant (LR) de la 3ème circonscription de l’Aube ne se représente pas. Au cours de ses quatre mandats, il a fait partie de plusieurs commissions, la dernière étant celle des forces armées.
Pour lui, ce sont des rouages essentiels du travail parlementaire. "Lorsque nous sommes dans une commission avec un projet de loi important, ça peut être des semaines de discussion. Parfois on peut suivre 5 000, 10 000 amendements. On en discute et on vote sur chaque élément proposé par tel ou tel parlementaire."
3) Les débats et le vote de la loi dans l’hémicycle
Après son adoption en commission, le texte arrive dans l’hémicycle pour une première lecture. Le député rapporteur présente la loi devant l’Assemblée réunie en séance plénière.
Les parlementaires passent à l’examen des amendements, c’est-à-dire des modifications du texte d’origine. Il y en a souvent plusieurs centaines, voire plusieurs milliers. Les députés ayant déposé un amendement disposent de deux minutes pour le défendre avant le passage au vote.
Les débats à l’Assemblée sont des moments souvent théâtraux, parfois solennels. C’est le cas du discours de Robert Badinter dans l’hémicycle le 17 septembre 1981 pour l’abolition de la peine de mort.
Un projet de loi qui prend sa source en Champagne-Ardenne, lors du procès Patrick Henry à Troyes, quatre ans plus tôt. Alors avocat, Robert Badinter sauve le prévenu, Patrick Henry, de la guillotine.
Le discours de Robert Badinter à l'Assemblée nationale est un symbole de rassemblement . Il arrive à emporter l’adhésion des parlementaires alors qu’ils ne sont pas acquis à la cause du projet avant le discours.
Céline Vintzel, maître de conférences en droit public à l'URCA
La mise en scène parfois houleuse de ces débats dans l'hémicycle n'est pas anodine. "Il y a des joutes oratoires impressionnantes et le point culminant, ce sont les batailles d’obstruction que mènent parfois les députés de l’opposition contre les textes de loi de la majorité", explique Céline Vintzel maître de conférence à l'Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA).
4) La promulgation de la loi
Après un premier passage devant l’Assemblée nationale, la proposition de loi est ensuite transmise au Sénat. Si les sénateurs ne souhaitent pas modifier le texte, la loi est définitivement adoptée.
Sinon, le texte revient à l’Assemblée nationale. C’est ce qu’on appelle “la navette parlementaire”. Si les deux assemblées ne parviennent pas à se mettre d’accord, une commission mixte paritaire, composée de sept députés et de sept sénateurs, est chargée de trouver un compromis.
Une fois la loi adoptée, elle est promulguée par le président de la République puis publiée au Journal officiel.
Si la loi a un fort impact sociétal ou médiatique, il arrive qu’on lui donne le nom du ministre ou député à son origine, comme par exemple la loi Chatel de 2007, qui simplifie la résiliation de certains contrats d'assurance ou de téléphonie mobile. Elle a été proposée par Luc Chatel, ancien député haut-marnais jusqu'en 2017.
Régulièrement, je me fais encore interpeller par des gens dans la rue qui me disent "merci la loi Chatel." C'est une loi qui a permis de libérer le consommateur d'un certain nombre de contraintes.
Luc Chatel, ancien député de Haute-Marne
Pour lui, cette loi symbolise avant tout le pouvoir d'action des députés. "Au moment où la politique est tant décriée, il ne faut pas dire que le Parlement ne sert à rien, que les hommes politiques ne servent à rien. Je pense qu’on peut apporter des réponses très concrètes aux problèmes de nos concitoyens."