Cette photo d'Arthur Rimbaud en 1876 est-elle authentique? Un expert cherche à le démontrer

Un expert en photographie ancienne, Serge Plantureux, affirme avoir mis la main sur une image du poète Arthur Rimbaud, prise à Vienne en 1876. Ce portrait est discuté par les spécialistes, mais ce photographe s'en explique.

Après les manuscrits d'Arthur Rimbaud offerts en février 2024 à la ville de Charleville-Mézières (Ardennes) par un donateur, bientôt la photo inédite ? Le feuilleton ne fait que commencer. Voilà un nouveau cas d'école pour les passionnés, nombreux, du célèbre poète originaire de Charleville. Découvrir une image de lui inconnue jusqu'alors, est un événement. L'expert Serge Plantureux s'en explique à France 3 Champagne-Ardenne ce mercredi 27 mars. Il est l'auteur d'une étude précise sur ce document. 

Au départ de cette trouvaille, une rencontre avec une passionnée de photo en 2023. Elle hésitait à lui en parler, mais finalement cette jeune femme lui a montré le cliché. Serge Plantureux a mené l'enquête en Autriche. "Je présente des éléments, mais je ne juge pas. Les gens se feront une opinion en jugeant le portrait eux-mêmes. Il fallait vérifier l'époque, la ressemblance, les accessoires, j'ai enquêté sur les témoignages qu'on avait sur son passage en Autriche". 

Une enquête de 98 pages

À l'appui de ses dires, une enquête fouillée de 98 pages. Qui aborde l'authenticité, la cohérence, la conformité avec les portraits connus de Rimbaud. "Esquisse d'une quête sur le séjour d'Arthur Rimbaud à Vienne". Une étude poussée sur le visage, les oreilles, les yeux, le nez ou les cheveux de l'auteur du Bateau Ivre. 


"Je fais tout pour ne pas être celui qui juge. Je ne veux pas que les gens se fassent une opinion par rapport à moi, mais par rapport à ce qu'ils voient. Il fallait vérifier que le portrait en format carte de visite était bien authentique et d'époque. Après, il y avait effectivement la ressemblance, puis les vêtements, les accessoires. J'ai enquêté sur tous les témoignages qu'on avait sur son séjour en Autriche et puis on a trouvé cet article de journal incroyable du 29 février 1876 qui donne des détails inconnus sur sa vie".

Ce jour-là, Rimbaud se fait détrousser de 500 francs or, raconte le journal. Il décide de rester à Vienne. pour retrouver ses voleurs. Fin avril 1876, il se fait reconduire à la frontière à Strasbourg par les autorités et il doit rentrer à Charleville. 

Cette image (de Rimbaud) ressemble aux rares photos qu'on a déjà de lui, la ressemblance est-elle frappante ?

J'ai fait une étude sur tous les portraits, c'était aussi assez compliqué à faire et j'ai conclu qu'il existe quatre portraits de référence : celui des de Vassogne, quand ils sont à la communion de son frère (1866), les deux portraits de Carjat et l'aquarelle dessinée par Fantin-Latour pendant le dîner des vilains bons hommes. Avec son ami Paul Verlaine. 


Après, il y a les trois autoportraits au haras où on ne voit rien qui donne une idée sur sa taille. Puis il y a deux autres portraits qui sont en voie d'être acceptés à l'institution Rossat. Alors bien sûr, j'ai comparé par rapport à ça et par rapport aux descriptions que l'on a par rapport à son passeport. Puis, je me suis intéressé aux vêtements, on sait qu'il avait une redingote neuve et puis un chapeau et en particulier, on connaît le détail qui est confirmé qu'il avait mis un ruban de deuil au chapeau.

Des experts de Rimbaud ont-ils pu étudier cette photo ? 


"J'ai fait une présentation devant l'association des Amis de Rimbaud le samedi 16 mars et cette communauté est parmi les plus passionnés, les plus précis, les plus méthodiques de tous les connaisseurs. Il n'y a personne d'hostile, et ça se répartit entre ceux qui acceptent et ceux qui restent neutres. 

Un autre point est à vérifier. Le jeune homme que l'on voit a une cordelette qui continue sa cravate. C'est en fait simplement pour protéger l'intérieur de sa poche.

Par ailleurs, il y a aussi à cette époque des gens ébouriffés ou pas coiffés ou avec une chevelure sauvage, mais généralement ce sont des vagabonds ou des modèles pour peintre ou des détenus. Vous ne trouverez pas, on pourrait chercher très longtemps, un portrait d'un jeune homme très élégant et avec cette chevelure.

Ce n'est pas moi qui me suis intéressé à cette photo, c'est cette photo qui s'est intéressée à moi.

Serge Plantureux

expert en photographie

En fait, j'avais été assez triste quand il y avait eu la grosse affaire là de l'hôtel de l'univers, en 2013, je m'étais intéressé du coup à Rimbaud photographe. Ce cliché a été découvert par deux libraires, Alban Caussé et Jacques Desse, en 2008. dans une brocante. Au dos de l’une de ces photos de groupe, la mention du lieu où elle a été prise : hôtel l’Univers, à Aden. Un établissement où a séjourné le poète carolomacérien.

Serge Plantureux est né à Verdun au bord de la Meuse. Il a grandi à côté de Sedan à côté de Montmédy, d'où son intérêt pour le poète. 

Sollicité par nos confrères de l'AFP, Hugues Fontaine, photographe spécialiste des photos de Rimbaud, et prises par Rimbaud, tient à nuancer cette découverte. "Je ne suis pas entièrement convaincu par la démonstration et j'ai fait part de mon scepticisme. Serge Plantureux rassemble beaucoup d'éléments très intéressants. Mais il manque l'élément probant. Les ressemblances physiques, aussi soigneusement alignées soient-elles, ont besoin d'être croisées avec des preuves d'une autre nature», ajoute-t-il.

Serge Plantureux n'a pas fini sa quête pour lever le mystère. Il part prochainement pour Vienne, en Autriche, sur les traces de la possible nouvelle photo d'Arthur Rimbaud. Il mènera l'enquête sur le terrain. Car le 7 avril, se tient une foire de collectionneurs et d'amateurs de photos anciennes. Il a pris un stand et sera aux aguets. 

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