Le lisier, les cultures l'adorent, notre nez beaucoup moins. On a tous respiré un jour ce mélange de déjections d'animaux d'élevage et d'eau, fertilisant naturel mais ô combien dérangeant olfactivement parlant. Et si les progrès technologiques finissaient par avoir raison de son odeur, disons-le, fort désagréable...
Qui n’a pas eu envie un jour dans sa vie, une heure dans sa journée, de prendre ses cliques et ses claques pour aller s’oxygéner à l’écart de la ville… Et qui, parmi celles et ceux qui ont succombé à l’appel de la campagne et à sa promesse d’un air revigorant, ne l’ont pas regretté à cause d’une petite odeur de déjections (soyons policés), conséquence d’un épandage récent de lisier…
On le sait tous, le lisier sent rarement la rose. « On n'a pas de solution miracle pour faire parfum lavande », reconnait tout sourire Didier Philippe, animateur à la Chambre d’Agriculture des Ardennes. Mais il admet que l’odeur du lisier est un problème environnemental qu’on ne peut pas balayer d’un revers de main. Pour rappel, le lisier est essentiellement composé d’urine et de fèces des animaux d’élevage. Une fois la matière liquide isolée, elle sert de fertilisant pour les cultures. C’est bio, c’est vertueux, et ça pue. Mais l’histoire est en marche et les progrès technologiques vont peut-être déboucher sur une meilleure protection de notre odorat.
On n'a pas de solution miracle pour faire parfum lavande.
Didier Philippe
Un sens olfactif préservé, protégé, c’est ce qu’on nous a promis à Leffincourt, dans les Ardennes, à l’occasion d’une journée de démonstration d’épandage de lisier organisée le jeudi 21 septembre. Ici, les agriculteurs ont pu découvrir de nouvelles machines qui ne projètent plus la matière organique en l’air mais l’enfouissent parfois directement dans le sol. Avec l’avènement de tels engins, on protège l’air, le voisinage et on se met en conformité avec de nouvelles règles qui vont arriver d’ici 2025, comme celle interdisant l’épandage d’effluents avec des buses palettes. « On ne veut plus des palettes à cause de la volatilisation, on en met partout », explique Stéphane Brosteaux, président de la Fédération des CUMA des Ardennes (Coopérative d’utilisation de matériel agricole).
Les nouvelles machines d’épandage diffusent le lisier à même le sol, voire l’injectent directement dans la terre. Le promeneur ou l’habitant y gagnent en confort nasal, et l’agriculteur réduit quasi à néant les pertes d’engrais dans l’atmosphère. Et puis, il fait aussi de sérieuses économies. Rendre un sol plus fertile, on peut vite le payer au prix fort. « On l'a vu cette année avec la crise ukrainienne qui a fait exploser le coût des engrais azotés parce qu'ils ont tous liés au gaz », explique Rémi Vanhaesbroucke, responsable marché au sein de la Chambre d’agriculture de la Marne. « Quant aux engrais phospho-potassiques, ce sont des produits qui viennent de la mine et comme tout produit minier, c'est la même chose que pour le pétrole d'ailleurs, il y aura un moment où ce sera fini et donc l'idée c'est de recycler la matière organique. »
Le digestat, une fertilisant organique garanti quasi sans odeur
La tendance du moment est donc à l’optimisation du recyclage de la matière organique produite par les vaches ou les porcs, et à son amélioration aussi. Les méthaniseurs fleurissent un peu partout et, grâce à eux, on peut produire du digestat. C’est le nouvel engrais naturel à la mode dans le monde agricole. Comme le lisier, le digestat est composé de matières issues de la digestion animale mais le passage dans un méthaniseur lui confère une teneur en azote plus importante que le lisier. En outre, comme l’explique Didier Philippe, « avec la méthanisation, on a enlevé beaucoup d’odeurs au digestat ».