L'association des parents d'élèves de l'école communale de Bourg-Fidèle, dans les Ardennes, a produit une vidéo reflétant le cauchemar d'un enfant obligé de fréquenter une école déshumanisée. L'objectif : dénoncer la fermeture d'une des quatre classes de l'établissement à la rentrée prochaine.
Dès qu'il met un pied dans son école, la musique de Pink Floyd ("Another brick in the wall") commence, l'image passe en noir et blanc et l'angoisse arrive : les camarades de classe de cet élève de l'école de Bourg-Fidèle portent tous des masques avec un numéro, l'emplacement de leur bouche barré d'une croix. Cette situation plus qu'inquiétante, c'est le scénario de la vidéo produite par des parents d'élèves de cette commune rurale ardennaise qui ont appris qu'une classe allait fermer dans leur école à la rentrée prochaine.
"On a essayé de révéler par l'image les problèmes qui vont se poser s'il y a une fermeture de classe, explique Cindy Garnier, productrice de la vidéo et membre de l'association des P'tits Bourquins, qui réunit les parents d'élèves. Le risque, c'est d'avoir des enfants perdus, perturbés, mais aussi des classes surchargées, ingérables et plus du tout inclusives (alors qu'un élève en situation de handicap est déjà accueilli dans l'établissement, ndlr) et une démotivation des parents d'élèves". Des parents très investis dans la vie de la commune, qui organisent régulièrement des évènements afin de récoler des fonds pour la vie de l'école.
Avec cette vidéo, ils entendent donc dénoncer la fermeture annoncée d'une des quatre classes de l'école à la rentrée prochaine. Pour eux, cette classe en moins, c'est la fin d'un enseignement de qualité. De quatre classes à deux niveaux, l'établissement pourrait passer à trois classes de trois niveaux. Il y aurait donc une classe de maternelles, toutes sections confondues, mais aussi une classe CP/CE1 et une classe CE2/CM1/CM2. "Le risque, c'est vraiment de fragiliser les apprentissages des élèves, dénonce, l'adjoint SE au maire de la commune, Frank Baudouin. Quand vous imaginez qu'il y aura des CE2 et des CM2 dans la même classe, vous comprenez que cela rend les choses plus difficiles."
Autre argument développé par les parents pour éviter à tout prix la suppression d'une classe : la perte de ce qu'on appelle "la décharge de direction". En passant à une école à trois classes, la directrice de l'établissement devrait en effet perdre le temps qui lui était alloué pour faire les tâches administratives. Elle devrait donc gérer ces tâches-là en supplément de ses heures de classe. Les parents d'élèves dénoncent enfin la perte et le départ forcé d'une enseignante.
Les écoles rurales en danger ?
Mais au delà de l'école de Bourg-Fidèle, c'est la fragilisation de la vie à la campagne que tentent de dénoncer élus et parents. "Les gens, aujourd'hui, viennent s'installer dans les petits villages comme Bourg-Fidèle parce qu'il y a une qualité de vie, des commerces, mais surtout, une école à taille humaine avec des gens qui se parlent, s'entraident, une certaine forme de solidarité", précise Alice Saintourens, vice-présidente de l'association des P'tits Bourquins. Avec des classes surchargées, on n'aura plus envie de mettre nos enfants ici". De 65 élèves cette année pour 4 classes, l'établissement pourrait passer à la rentrée prochaine à 61 élèves pour 3 classes.
Et l'adjoint au maire, Frank Baudouin, de renchérir : "le risque, c'est l'engrenage. Aujourd'hui, c'est une classe, demain, cela peut être une autre classe. L'économie locale, l'attrait du village peut en pâtir". Sans compter que la commune a investi plus d'un million d'euros dans son école, pour réhabiliter un bâtiment et en construire un neuf. "Nous avons un prêt qui court encore sur une dizaine d'années pour cet investissement, poursuit l'élu. Là, la décision tombe comme un couperet, du jour au lendemain, on n'est même pas prévenus. Si on avait su, aurait-t-on fait ces investissements ?"
Alors, par tous les moyens, élus et parents d'élèves tentent de se faire entendre auprès du rectorat. Le conseil municipal a délibéré contre cette fermeture de classe. Une pétition a été lancée en ligne. Mardi 28 février 2023, une classe a même été occupée pour protester contre cette décision.
Le mardi 7 mars, une réunion publique est organisée à la salle des fêtes de Bourg-Fidèle à 18h30. Le but ? "Programmer une action ou une manifestation avant le vote du 13 mars". A cette date, la nouvelle carte scolaire départementale devrait être définitivement entérinée.