"Un médecin qui arrive : une rue à son nom", le recrutement original de la maternité de Sedan n'a pas porté les fruits espérés

La campagne peu banale de recrutement de médecins menée au printemps 2023 n'a pas porté ses fruits. Six mois après la suspension des accouchements, la maternité de Sedan (Ardennes) reste fermée et l'espoir s'amenuise. On fait le point alors qu'un mouvement de grève des médecins est annoncé en France ce vendredi 13 octobre.

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"Votre nom = une rue, tout candidat retenu avant le 15 avril 2023 donnera son nom à une rue de Charleville-Mézières ou de Sedan". Voilà la mention qui figurait sur l'offre d'emploi publiée en mars 2023 par la communauté d'agglomération Ardenne métropole et l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est.

Relayée par la presse régionale et nationale, dans Le Monde par exemple, cette campagne de recrutement de médecins survenait alors que la maternité de Sedan s'apprêtait à fermer ses portes à la suite du départ à la retraite de deux anesthésistes le 31 mars. Un pédiatre, deux gynécologues et trois anesthésistes devaient donc être recrutés pour empêcher sa fermeture.

"Un gros coup de com"

Par rapport à l'objectif affiché, six mois plus tard, en octobre 2023, c'est un constat d'échec. Aucun praticien n'a été recruté et les accouchements ont été suspendus. Quant au style original volontairement employé dans cette opération, les avis divergent. "Il fallait tout essayer pour éviter la fermeture, d'autant qu'il s'agit d'une maternité flambant neuve", explique Didier Herbillon, maire (DVG) de Sedan et 1ᵉʳ vice-président d'Ardenne Métropole.

"Une rue au nom d'un médecin, c'était un gros coup de com pour mettre la lumière sur ce sujet au niveau national, et de ce point de vue là, c'était réussi. Mais les candidatures n'ont pas répondu aux attentes. Des médecins étrangers ont postulé, mais ils ne possédaient pas les équivalences requises".

Donner un nom de rue à un médecin, c'est n'importe quoi

Michèle Leflon, présidente du comité de défense des hôpitaux de proximité des Ardennes

Un procédé qui n'a en revanche pas séduit Michèle Leflon, présidente du comité de défense des hôpitaux de proximité des Ardennes. "Cette campagne de communication était complètement déplacée, soupire-t-elle. Donner un nom de rue à un médecin, c'est n'importe quoi. De toute façon on avait pris un retard considérable".

Sur ce dernier point, tout le monde semble en revanche d'accord. L'action semble être arrivée trop tard pour inverser la tendance. Plus de six mois après, les accouchements n'ont toujours pas repris dans la cité de Turenne et le dossier est au point mort. Michèle Leflon : "L'un de nos représentants a posé la question à l'ARS lors de la dernière réunion de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, mais nous n'avons pas obtenu de réponse". Sans trop d'illusions, Didier Herbillon espère lui en apprendre un peu plus lors de son prochain rendez-vous avec les autorités sanitaires, prévu d'ici à la fin octobre 2023.

Le maire de Sedan le sait, la pénurie de médecins spécialistes est un problème récurrent et les solutions restent pour le moment inefficaces. "Le manque d'anesthésistes est une problématique qui se pose à l'échelle de toute la France, rappelle-t-il. Cela se remarque même à Paris dans certains établissements. Le manque d'attractivité de notre région est un frein, c'est certain. Par rapport à Sedan, il y a aussi le fait de ne pas pouvoir travailler au sein d'une équipe très fournie. Un jeune médecin préfère rejoindre une équipe déjà formée et expérimentée, cela sécurise sa pratique".

Trop de différences avec le privé

La question des salaires n'est évidemment pas anodine. Les postes proposés à Sedan affichent pourtant des rémunérations au maximum des grilles en vigueur dans les établissements hospitaliers, mais cela ne suffit pas. Pour Michèle Leflon, "il y a trop de différences avec les médecins du privé, surtout chez les anesthésistes. Pour les salaires, le rapport est de 1 à 3. Comment recruter des anesthésistes payés trois fois moins et qui travaillent la nuit ? Il faudrait réguler tout cela, mais cela dépend du gouvernement". Aucune évolution majeure n'est cependant à attendre selon nos interlocuteurs.

600 naissances en moyenne étaient enregistrées chaque année dans la sous-préfecture ardennaise. Désormais, dans le département, seul le centre hospitalier de Charleville-Mézières est habilité pour pratiquer les accouchements. A Sedan, l'espoir d'une réouverture de la maternité s'amenuise et avec lui la perspective de voir une rue de la ville changer de nom.

Face à la pénurie, les pistes de l'ARS

Sollicitée pour faire le point sur la maternité de Sedan, l'Agence régionale de santé Grand Est nous a fait parvenir un communiqué dans lequel elle reconnaît que "les conditions ayant conduit à la suspension de l'activité d'accouchements n'ont pas connu d'évolution favorable". L'ARS met toutefois en avant deux dispositifs déployés pour favoriser le parcours des femmes enceintes : la maison des 1000 premiers jours, permettant sur site de proposer l’ensemble du suivi en amont (suivi des grossesses, échographies) et en aval de la naissance (allaitement, portage, rééducation périnéale, ateliers massage bébé) à Sedan.

Au besoin, le suivi est assuré avec les médecins gynécologues-obstétriciens qui exercent sur le site hospitalier de Charleville-Mézières. Le suivi des mamans est également proposé en sortie de maternité, grâce au déplacement d’auxiliaires de puériculture à domicile les premières semaines.

La maison des femmes, offre aussi un suivi gynécologique à tous les âges de la vie sur le site de Sedan. Des consultations avancées de sages-femmes hospitalières sont également assurées sur de nouveaux sites du département : Signy-le-Petit, le Chesne, Douzy. 

Par ailleurs, annonce l'ARS : d'ici à quelques semaines, un bus santé des femmes sera bientôt déployé pour renforcer la présence des professionnels de santé au plus près des habitantes du département (déploiement d’actions de prévention et de promotion de la santé, dépistages gynécologiques, faciliter l’accès à la contraception…).

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