Après le violent orage accompagné de grêle qui a détruit une partie des vignes de la Côte des Bar (Aube), samedi 25 juin, les vignerons cherchent des solutions. Le vignoble des Riceys, épicentre du phénomène, a vu son vignoble martelé. Une centaine d’hectares est gravement atteint.
Ils se seraient bien passés de cet épisode. L’orage et la grêle se sont invités, samedi 25 juin, dans le Barséquanais, en particulier sur les coteaux des Riceys. Du coup, c’est logique, ils sont les seuls sujets de conversation de la réunion hebdomadaire de "bout de parcelle" programmée près de l’antenne TDF des Riceys par le conseiller de la Chambre d’agriculture, Dimitri Skoutelas.
Lorsque chacun des 12 participants arrive, il est salué d’un "chanceux" ou d’un "malchanceux" car 300 hectares sont touchés avec des situations très aléatoires.
Reste-t-il de quoi tailler ?
Un rameau complètement ravagé à la main, mais à côté de belles vignes, Dimitri Skoutelas évoque le couloir emprunté par l’orage de Channes à Essoyes. Il semble qu’il soit davantage resté sur le haut des coteaux. Et que certaines parcelles soient quasiment perdues à 100% avec des feuilles criblées, déchiquetées ou tombées au sol, des grappes où tous les raisins sont devenus marrons et des bois abimés sur quasiment toute la longueur.
C’est l’une des interrogations techniques des vignerons aujourd’hui, y a-t-il encore de quoi les tailler au printemps prochain ? Ce à quoi Dimitri Skoutelas répond peut-être, oui. Il lui est impossible d’évaluer trop vite les dégâts mais il sait en tout cas qu’il faut absolument traiter la vigne à nouveau (avec du cuivre ou du souffre). Les premiers traitements ont été lessivés et il faut freiner le développement du mildiou autour de grains déjà bruns.
Des aléas qui se cumulent
Viticulteur en retraite mais qui accompagne toujours ses fils pour les Champagne Guy De Forez, Francis Wenner a passé 5 heures à sillonner le terroir au lendemain des intempéries. Il nous conduit vers l’une de ses parcelles ravagées. C’est du Chardonnay, mais il y en a aussi en Pinot Noir, évidemment.
Pour le moment, il estime à 35% sa perte de raisin. C’est d’autant plus rageant que la récolte était particulièrement prometteuse cette année et que la demande repartait bien après des saisons compliquées.
"La dernière année excellente était en 2018, explique-t-il. En 2019 et 2020, nous avons manqué d’eau et n’avons pu obtenir que 30 à 40% de rendement. En 2020, avec le Covid, l’appellation a été basse car la demande avait diminué, c’est-à-dire que le volume de raisin autorisé à la vente était moindre. Et l’année passée surtout, en 2021, nous avons été très marqués par le gel. Il n’y a plus qu’à espérer qu’il fasse beau pour nous permettre d’aller dans les vignes et de traiter rapidement."
D’après le Syndicat général des vignerons, la grêle a pu frapper à de nombreux endroits sur le trajet entre Channes et Landreville, en passant par Gyé-sur-Seine, et Courteron. "Mais la situation est très hétérogène et très localisée, modère Laure Perrier, responsable du bureau de Bar-sur-Seine. De plus, il faut faire confiance à la vigne, à de nombreux endroits, elle a de la ressource, elle peut cicatriser."
Et après, quelles solutions ?
Selon les principaux concernés, pas de solution miracle. "Des filets anti-grêle, j’en ai vu dans des pays de l’Est pour protéger les vignes mais c’est très coûteux et cela ne facilite pas le rognage des vignes, affirme Francis Wenner. Ou alors il faudrait les installer au dernier moment, cela demande beaucoup de main d’œuvre, et nous en manquons !"
Une partie des vignerons ont souscrit à des assurances, dont les experts devraient passer d’ici une dizaine de jours. "Mais un chèque, cela ne remplace pas les raisins", ajoute Francis Wenner. Avec la fréquence augmentée des incidents climatiques, c’est aussi très onéreux.
La seule bonne solution, c’est toujours la réserve de raisins et, selon les professionnels comme Dimitri Skoutelas, cette grêle est un aléa supplémentaire qui fait s’interroger sur le dispositif. La réserve est devenue insuffisante. Il faudrait augmenter la part qu’on autorise à mettre de côté. Pour 2021, la réserve autorisée était de 8 000 kilos à l’hectare. Sauf qu’aujourd’hui, ce niveau est de plus en plus difficile à atteindre pour certains vignerons.
"C’est une bonne idée de négocier une réserve supérieure, remarque Francis Wenner. Mais de mon côté, je n’ai pu garder que 1 600 kilos à l’hectare lors de la dernière vendange, alors, pour moi, ce sera compliqué de toute façon."
Reste la solidarité entre vignerons, le chanceux invitant le malchanceux à couper du raisin. "Cela se fait discrètement", assure Francis Wenner. Mais lorsqu’on l’évoque devant les vignerons à la réunion de "bout de parcelle", certains reconnaissent que le sujet est un peu tabou.