60 migrants s’entrainent pour passer le diplôme d’études en langues françaises, "la loi sur l’immigration met la pression sur le niveau de français"

Pas de nationalité française ni d’intégration sans un bon niveau en français. A Troyes, une nouvelle association met le turbo pour accompagner les étrangers et les migrants vers l’obtention du DELF, diplôme d’études en langues françaises. Reportage.

C’est un examen blanc qui peut être très utile. Pendant 4 jours à l’INSPE de Troyes une soixantaine d’étrangers aux profils divers s’entraînent à passer le Diplôme d’études en langues françaises. 

L’atmosphère est très studieuse dans les locaux aubois et certains candidats sont même un peu fébriles même si la séance n’est qu’un entraînement.

« S‘il vous plaît, il y a encore de la place à l’arrière du bus. Est- ce que vous pouvez vous déplacer un peu il y a des passagers qui veulent monter, merci ! »  La diffusion d’un message oral associé à une situation quotidienne donne lieu à un questionnaire à choix multiples.

Le texte est lu plus ou moins rapidement selon le niveau du jour car le diplôme d’études en langues françaises en comporte 4 : A1, A2, B1, B2. Suit un exercice de compréhension d'un texte. Le véritable examen du Diplôme d'études en langue française comporte aussi un entretien avec le jury qui est préparé par ailleurs.

Un niveau de français  plus élevé pour accéder à la nationalité ?

« Ce diplôme n’est pas strictement obligatoire pour le moment mais cela pourrait changer », remarque l’organisateur des tests Philippe Deblock. « Nous attendons les arrêtés qui préciseront la loi immigration et bien sûr aussi la décision du conseil constitutionnel au plus tard le 26 janvier prochain. »

Selon Vie Publique, le site internet de la République Française, "les étrangers qui demandent une première carte de séjour pluriannuelle devront avoir une connaissance minimale de la langue française (niveau A2). Aujourd'hui, ces cartes de séjour, en général valables quatre ans, sont délivrées à la seule condition d'avoir suivi un apprentissage du français dans le cadre du contrat d'intégration républicain, mais sans obligation de résultat."

Le niveau minimal de français exigé pour l'octroi d'une carte de résident et pour l'accès à la nationalité française est par ailleurs relevé (niveaux B1 et B2). 

Pour Abdelhak El Harrami, marocain quadragénaire arrivé en France en 2017, et participant à cette session, il est « indispensable de s’entraîner » pour présenter au moins un niveau B1 de DELF. « C’est primordial pour moi », lance-t-il.  « J’ai été coiffeur pendant 3 ans à Saint-André-les-Vergers. Ensuite j’ai été licencié mais je voudrais créer mon propre salon. »

 

Un entraînement gratuit pour donner des chances

Le véritable examen a lieu régulièrement dans l’unique centre habilité de l’Aube, l’ADPS de Troyes (groupe Yschool) mais il est un peu coûteux, entre 110 et 150 euros selon les niveaux. D’où l’utilité du nouveau centre d’entraînement piloté par l’association Défi-DELF et installé à l’INSPE (Institut national supérieur du professorat et de l’éducation). Il propose trois sessions d’une semaine par an d’examens blancs.

Tous les étrangers y sont reçus même en s’inscrivant très près du but, dans la limite des places disponibles. Mais dans leur grande majorité, les participants de cette semaine suivent également des cours de français presque gratuits dans les mêmes locaux.

 

Une association et des volontaires qui mettent le turbo

Créée il y a un an par un formateur de professeurs des écoles en retraite, Défi-DELF compte une dizaine de bénévoles dont d’anciens éducateurs ou assistants sociaux motivés. Ils suivent actuellement 28 étrangers très volontaires. 

« Il y a plusieurs avantages ici », explique Abdelhak El Harrami. « Les  professeurs sont patients, ils donnent l’envie d’apprendre et puis ils ne font pas de différences entre les nationalités d’origine. Je me débrouille bien à l’oral mais j’ai beaucoup progressé grâce à eux sur la compréhension écrite. » 

Pour le responsable de l’association  Philippe Deblock, l’autre point important « ce sont les horaires d’entraînement ou de cours, entre une et deux heures à partir de 18 heures en soirée. Cela permet à ceux qui travaillent déjà de le faire, mais aussi aux plus volontaires de graviter dans plusieurs associations d’alphabétisation. »

Les  professeurs sont patients, ils donnent l’envie d’apprendre et puis ils ne font pas de différences entre les nationalités d’origine.

Abdelhak El Harrami,

Très volontaire, Mert Polat l’est ! À 27 ans, il vit au Chartreux mais circule beaucoup car il fréquente également des cours de français à la Croix Rouge et à l’ASI à Saint-André-les Vergers. Kurde venu de Turquie, il était journaliste dans son pays mais il demande l’asile en France aujourd’hui. Il parvient à s’exprimer même s’il n’apprend le français que depuis 5 mois. « Je vais faire du bénévolat aux Restos du cœur mais j’aimerais redevenir journaliste » ajoute-t-il. J’aime la littérature française et j’espère qu’un jour je pourrai lire Victor Hugo dans sa langue ! Pour le moment, je l’ai lu traduit en turc.» 

Parmi les élèves, certains reconnaissent qu’il faut s’accrocher. Syrienne de 58 ans, Abeer Gharibo comprend bien le français mais s’exprime plus difficilement. Également demandeuse d’asile, elle est passée par plusieurs associations, notamment Accords parfaits où elle avait été adressée par l’OFI (Office Français de l’Immigration) « J’avais une connaissance à Troyes. Je suis arrivée, je ne connaissais que deux mots, bonjour et merci. »

De petits moyens et quelques espoirs

Comment aider les étrangers à vraiment progresser  en français ? L’association Défi-DELF a très peu de financements. Elle bénéficie de l’hébergement de l’INSPE parce qu’elle accueille aussi des étudiants en français qui viennent passer un semestre dans le cadre de leurs études. Ainsi en ce moment Hanifé et Hatice Tombuloglu, des jumelles turques s’entraînent aussi pour le DELF. Elles veulent enseigner le français de retour dans leur pays.

« La loi sur l’immigration met la pression sur le niveau de français, c’est très bien mais il faudrait que les moyens suivent » commente Philippe Deblock. « Nous, on aurait besoin d’une troisième salle, et d’aides pour les sorties culturelles, par exemple nous pourrions amener nos élèves au Mémorial De Gaulle.

Plus globalement, dans le département, il y a plusieurs associations d’alphabétisation, par exemple Mot à Mot à Saint-André-les-Vergers qui est présente aussi à Bar-sur-Seine. Mais c’est insuffisant. Il y a des secteurs où l'offre est restreinte, notamment à Nogent ou Romilly-sur-Seine. Nous avons en ce moment une Ukrainienne qui travaille à Provins et fait l’aller-retour pour apprendre chez nous. Et nous avons entre 15 et 20 personnes sur liste d’attente car nous ne voulons pas dépasser des groupes de 12 pour les cours. »

Que va changer le Contrat d’accueil et d’Intégration récemment signé ?

Une meilleure coordination des acteurs de l’intégration, notamment ceux qui œuvrent pour une plus grande maîtrise du français des primo-arrivants vient en tout cas d’être promise par la Préfecture de l’Aube et par le Département. Ils ont conclu un Contrat territorial en ce sens il y a quelques jours.

Ce contrat vise à mieux cibler l’accompagnement de l’apprentissage de la langue à destination des migrants. Selon les deux collectivités engagées, il s’agit d’aider les étudiants, les réfugiés ou les bénéficiaires d’une protection subsidiaire qui sont en situation régulière sur le territoire.

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