Encore coupé de ses élèves lycéens mais à la veille de la sortie de son roman jeunesse « Il est encore temps ! » l’écrivain et professeur d'anglais bien connu des Aubois évoque ces derniers mois exceptionnels et ses sources d’inspiration.
Première conséquence du confinement pour Jean-Philippe Blondel : le report de la sortie de son dernier roman jeunesse et l’annulation de tous les salons où il allait le défendre. "Je suis très triste de devoir me passer de toutes ces rencontres avec le public…", commente l’écrivain aubois de 55 ans qui a déjà publié 25 livres notamment chez Buchet-Chastel ou Actes Sud Junior.
Mais cette fois ça y est, "Il est encore temps !" va paraître en librairie le 27 mai. Il évoque l’urgence climatique, les révoltes lycéennes et la prise de conscience d’une jeune fille impressionnée par la militante écologiste Greta Thunberg. Déprimée à l’idée que son existence pourrait s’achever de façon catastrophique d’ici 10 ou 20 ans, Lou comprend que l’action peut sauver le monde et en tout cas, la sauver elle ! Elle se alors lance dans l’organisation d’une manifestation dans sa ville.
Grâce à une langue pleine d’humour et très proche de celle des ados, - Jean-Philippe Blondel ne manque pas de sources d’inspiration entre ses élèves et sa propre fille actuellement en terminale - l’auteur donne de l’épaisseur aux visages que nous avons pu voir défiler l’an passé dans les rues de Troyes, la planète en étendard. N’en déplaise aux adultes qui ont parfois vu le mouvement comme un bon moyen de sécher les cours.
Explorer l'intime
Un dernier ouvrage un peu court (j’ai moi-même préféré « la Grande escapade », son livre précédent, savoureuse galerie de portraits d’instituteurs au milieu des années 70, sorti en 2019) mais où l'on retrouve en toile de fond, au-delà de la cause écologique, les deux vrais "combats" de l’écrivain savinien : l'exploration de l'intime et la prime au provincial plutôt qu'au parisien.« Ce que je veux avant tout, c’est explorer l’intime, les sentiments. Je fais du roman de la vie quotidienne. Pour les ados en particulier, je cherche à les aider à trouver leur moyen d’expression et à les préparer à la littérature adulte. Ils sont gavés de dystopies américaines, ces récits imaginaires catastrophiques comme Hunger Games ou Divergente. Des romans de distraction. Je leur en présente des extraits en tant que professeur d’anglais mais en tant qu’écrivain, je sais qu’ils ont besoin de lire autre chose ! »
Un roman qui se déroule, comme tous les autres, en province. D’ailleurs, très souvent, sans qu’il nomme vraiment les lieux, cela pourrait se passer à Troyes… Et avouons-le, c’est un grand plaisir de reconnaître son territoire et parfois même des personnages qu’on est certain d’avoir croisés !
Le confinement comme inspiration
L’écrivain le confesse très vite : "L’écriture a vraiment été un refuge pour moi pendant le confinement. Par contre j’ai immédiatement lâché le projet sur lequel je travaillais depuis six mois… Inapproprié. J’ai préféré explorer un univers différent, en 1977. En parallèle, bien sûr, j’ai continué à écrire mon journal. C’est mon rituel tous les soirs avant de dormir depuis que j’ai 15 ans. Cela m’aide à mettre en ordre mes sentiments. Je n’y travaille pas le style mais je note tous les événements du jour. Plus tard, ils ont des chances de réapparaître.Il me paraît impossible d'écrire à chaud. Comme dans tous les moments historiques, il faut du recul
- Jean-Philippe Blondel, écrivain
Rien à voir avec les "journaux de confinement" de certains auteurs parisiens comme Marie Darrieussecq ou Leïla Slimani, ils m’ont mis mal à l’aise. Il me paraît impossible d'écrire à chaud. Comme dans tous les moments historiques il faut du recul. Nous sommes beaucoup à avoir vécu la même chose et ceux qui s'expriment le plus fort sont souvent des personnes qui ont une situation de confinement très privilégiée. Or, en parallèle certains ont vécu des situations difficiles, par exemple certains de mes élèves se sont retrouvés sans connexion dans la campagne auboise. Je ne me sens pas en droit de montrer ce que j’écris pour le moment. Mais il est fort probable que cette période exceptionnelle se retrouve dans le dernier volet de la trilogie que j’ai commencée avec « La Grande escapade »."
Un proche retour devant ses élèves ?
C'est aussi et même avant tout comme enseignant que Jean-Philippe Blondel a vécu cette période. Professeur d'anglais au lycée Édouard Herriot de Sainte-Savine, il dit avoir "vraiment hâte de revenir mais il ne faut pas que ce soit n'importe comment. Nous ferons les conseils de classe mais pour le reste ? Les lycéens sont de jeunes adultes donc ils pourront respecter les gestes barrières. Cependant, il y a 1.200 élèves dans l'établissement, ils sont habituellement 36 par classe et les couloirs sont étroits."L’enseignant a encore en mémoire la fermeture en urgence du lycée jeudi 12 mars, un jour avant tous les autres dans le département, un cas de covid-19 ayant été détecté chez une élève. Il se souvient. "J'étais en conseil de classe quand nous avons appris la nouvelle. Nous n'avons même pas eu le temps de parler avec les élèves ou de nous dire au revoir... Humainement c'est dur ! Les trois premières semaines nous avons trouvé un fonctionnement pour assurer la continuité pédagogique mais depuis les vacances de Pâques, la question du retour pollue les esprits. Si les conditions sanitaires sont réunies, le lycée Édouard Herriot devrait reprendre des activités mais dans un département rouge, cela reste compliqué!"
En attendant, Jean-Philippe Blondel savoure les joies d’aller et venir avec moins de contrôles. "Le premier jour du déconfinement, malgré une météo déchaînée, nous sommes allés avec ma fille nous promener près du lac d’Orient… J’avais tellement soif d’espace !"