Troyes : un an de prison ferme requis contre le jeune conducteur ivre, au procès du drame du Vouldy

A Troyes, le procureur de la République a requis ce 18 mai une peine de quatre ans d’emprisonnement dont un an ferme, envers le jeune conducteur poursuivi pour homicide involontaire. Sa voiture avait chuté dans la Seine, dans la nuit du 13 au 14 janvier 2020, trois jeunes étaient décédés. 

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Le procès de l'alcool au volant, et d'une certaine inconscience, s'est ouvert à Troyes ce 18 mai dans l'après-midi. Un jeune conducteur était jugé pour homicide involontaire devant le tribunal correctionnel. Un fait divers tragique qui avait suscité beaucoup d'émotions suite à la mort de trois jeunes noyés dans une voiture Chaussée du Vouldy à Troyes, début 2020, à quelques mètres de la caserne des pompiers. 

Depuis plus d'un an, les trois familles des victimes attendaient ce procès. Après une journée d’audience où la tension était palpable, le ministère public a requis quatre ans d’emprisonnement, dont trois ans de sursis probatoire pendant deux ans, à l’encontre de Malik B, poursuivi pour homicide involontaire. Dans la nuit du 13 au 14 janvier 2020, Malik B a pris le volant de son véhicule avec à bord trois jeunes passagers. Vitesse excessive, alcool, le véhicule a fini son parcours dans la Seine. Retour sur cette journée d’audience chargée en émotion.

Une heure avant le début de l’audience, ils sont déjà près d’une centaine à se presser devant le palais de Justice de Troyes. Des amis, des proches, tous sont venus soutenir les parents des trois victimes. Camille 19 ans, Enzo et Corentin 18 ans, dont les vies ont été emportées dans la nuit du 13 au 14 janvier 2020. Avec les mesures sanitaires, la plupart ne pourront pas entrer. "Qu’importe, on est là pour soutenir les familles, pour la mémoire de Corentin", comme l’explique Coralie, une amie, qui connaissait les trois victimes, un peu moins l’accusé.

A l’intérieur du tribunal, l’accusé Malik B,  22 ans aujourd’hui a déjà pris place. Il aime la vitesse et le reconnait. Après le rappel détaillé des évènements survenus dans la soirée avant l’accident, il est le premier à prendre la parole. "En ville je mets mon régulateur à 50, sur la rocade à 105, je ne roulais pas toujours vite, et si les personnes ont peur, je ne le fais pas", explique-t-il. Malik répond à toutes les questions, reconnait une partie des faits, donne des détails, en a oublié d’autres. "J’étais peut-être à 100km/h quand on est arrivés sur le rond-point". 100km/h, dans une zone limitée à 50.

"J’ai voulu freiner, je n’ai pas réussi"

Cette nuit-là, comme le précise la présidente Fabienne Courtillat, quelques minutes avant l’accident, la Seat Ibiza de Malik B est filmée à quatre reprises par les vidéos de surveillance. Sur les images, on constate la vitesse excessive, une moyenne de 87km/h sera calculée. On peut aussi voir le véhicule finir sur deux roues lors du passage d’un rond-point, après avoir effectué un dérapage orchestré. Quelques centaines de mètres plus loin, la voiture arrive au rond-point de la chaussée du Vouldy à vive allure alors qu’il faut négocier un virage à 90 degrés.

A 00h24 et 46 secondes, le véhicule sort du champ des caméras, il vient de sombrer dans la Seine. "Que s’est-il passé?", interroge la présidente. "J’arrivais à vive allure et quand j’ai voulu freiner, je n’ai pas réussi. Le volant s’est bloqué et j’ai perdu le contrôle du véhicule. On a foncé sur la pierre qui a fait tremplin, nous sommes passés au-dessus de la rambarde. J’ai pu sortir du véhicule, j’ai essayé d’aider les autres à sortir, mais je n’ai pas pu. Ils étaient coincés. J’ai tenté d’attraper Enzo, mais je n’ai eu que son bonnet", précise-t-il, stoïquement.

Enzo, c’est son frère de cœur. Constitué partie civile, son papa Alexandre Gyé-Jacquot, raconte : "Enzo et Malik s’étaient fait faire le même tatouage. Le plus dur, c’est qu’après l’accident, Malik n’a eu aucun mot pour nous, il n’a eu aucun mot pour les familles. Aucune excuse. Il a continué à faire la fête et à boire et à s’exhiber sur les réseaux sociaux avec des bouteilles. Il a détruit nos vies, celle de sa mère de sa sœur, de sa belle-mère et de ses demi-sœurs. On veut que justice soit faite ! Il faut que cela serve d’exemple aux jeunes, qu’on puisse en tirer une leçon. Tous les jeunes boivent quand ils font la fête, on le sait. Ce qui est le plus grave, c’est la vitesse, il conduisait n’importe comment, après avoir tué Enzo, Camille et Corentin, il n’a même pas passé une journée en prison, tout juste 24h en garde à vue. Ce n’est pas normal, ça ne peut pas servir d’exemple", déplore le père.

 

Un goût démesuré pour la vitesse et l’alcool

Un jeune homme qui aime les excès, surtout quand il s’agit d’alcool et de vitesse au volant. "A cette époque, je buvais presque tous les soirs. On faisait la fête tout le temps avec Enzo et Corentin", précise-t-il. "Enzo me faisait signe quand je devais m’arrêter de boire, on avait un petit rituel, on essayait de limiter notre consommation tous les deux. Ce soir-là, on a bu des bières dans un bar, puis on est allé à l’anniversaire d’une copine, j’ai bu encore une bière et du rhum", poursuit-il. Bien plus, pour Me Honnet, avocat de la famille de Corentin, qui reprend point par point le rapport des enquêteurs.

Au moment de l’accident, "il devait avoir 1,80g voire 1,90g d’alcool dans le sang, car l’analyse de sang réalisée 1h30 après les faits indique 1,41g/l de sang. Il avait eu le temps de dégriser un peu". Plusieurs témoins mentionnent que Malik était "ivre, bourré", "qu’il ne tenait plus debout, qu’il perdait l’équilibre", plusieurs personnes lui ont dit de ne pas prendre le volant, qu’il ne pouvait pas conduire dans cet état. Et Camille les a rassuré, elle n’a pas bu, c’est elle qui va conduire". Plusieurs témoins l’ont même vu partir avec les clefs.

 

Il ne tenait plus debout, il perdait l’équilibre, plusieurs personnes lui ont dit de ne pas prendre le volant, qu’il ne pouvait pas conduire dans cet état.

Des témoins au procès

Sur les raisons qui ont poussé Malik à conduire malgré son état d’ivresse, on ne saura rien. Les témoins ne sont plus là pour contester sa version. Lui prétend que Camille ne savait pas et ne voulait pas conduire de boîte automatique, d’autres affirment qu’elle maîtrisait ce type de véhicule et qu’il lui a pris les clefs. "Car personne d’autre que lui ne peut conduire sa voiture", comme le souligne l’un des avocats des parties civiles. Malik regarde le sol fixement, impassible. Incapable de manifester la moindre émotion.

La personnalité de Malik B, a longuement occupé les débats. Et même si Malik a commencé par présenter ses excuses aux familles au tout début de l’audience. "J’aimerai m’excuser auprès des familles, car je n'ai pas eu l’occasion de le faire. Ils ne vont pas vouloir de mes excuses mais je sais qu’ils souffrent énormément", plaide-t-il. Son absence d’émotion apparente est assez troublante. "Ma vie a changé depuis l’accident. Beaucoup de personnes m’ont tourné le dos, je ne sors plus." "Il n’y a pas que votre vie qui a changé" le coupe la présidente. Malik ne sourcille pas. Même quand les parents des victimes se succèdent à la barre pour exprimer leur douleur, leurs vies détruites.

Manque d’empathie et absence de remords

Parmi eux la mère de Corentin, Cathy Schilde. Elle s’adresse directement à l’accusé qu’elle connait depuis qu’il est tout petit. "Tu n’as pas été une journée en prison, nous on a pris perpét'. Ma vie, la vie de mon fils, celle de son petit frère, de mon mari, tu n’a pas brisé que trois vies, tu as brisé trois familles. Tu es impardonnable, un menteur, tu n’assumes pas tes actes, nous on se bat tous les jours pour mettre un pied au sol".

Effondrée, elle poursuit, "j’ai perdu du poids, je ne dors plus, je ne suis plus la même femme, plus la même mère. Je dois continuer à élever son petit frère qui a 7 ans, et en même temps je veux rejoindre mon fils Corentin, car le rôle d’une mère c’est d’être près de son fils. Tout ce que j’avais construit pour Corentin, tu l’as détruit. L’alcool au volant ce n’est pas un jeu, on ne peut pas appuyer sur un bouton et revenir en arrière. J’avais prévenu mon fils, je ne voulais pas qu’il monte avec toi, tout le monde savait que tu roulais vite et alcoolisé. Corentin et Camille n’aimaient pas la vitesse en voiture, je suis sûre qu’ils ont eu peur". 

"On n’a entendu aucune culpabilité. Aucun remords, on avait besoin de l’entendre, pour avancer nous aussi dans notre travail de deuil, on a fait un grand pas en arrière", tonne la tante de Camille. "Camille s’est vue mourir, on est traumatisé". "Il est terrorisé certes, mais pas par ce qu’il a fait, condamne Me Billion, l’avocat de la famille d’Enzo. Terrorisé parce qu’il risque d’aller en prison, il a peur pour lui. On ne ressent pas beaucoup d’émotions chez lui. Si ce n’est pour s’apitoyer sur son propre sort."

La présidente invite le prévenu à reprendre la parole. ""Si je ne me suis pas rendu sur la tombe de ses amis, c’est parce que je suis incapable d’affronter celaLes gens croient que je ne souffre pas, mais ce n’est pas vrai, j’ai perdu mon meilleur ami, il me manque, je souffre énormément. Ce jour là j’aurai préféré rester dans la voiture plutôt qu’en sortir". Mais du côté des parties civiles, ces déclarations passent mal. "Tu dis que t’es plus le même, mais un mois après leurs morts tu étais à un concert, l’interpelle Cathy Schilde, je ne comprends pas, nous sommes trois familles détruites. On survit. Et toi tu arrives à aller un concert et à t’exhiber sur Tiktok comme si de rien n’était, alors que nous on souffre".

Un accusé qui parade sur les réseaux sociaux

Selon les avocats des familles, Malik postera des photos de lui en train de faire la fête douze jours seulement après le drame. Beaucoup d’autres suivront. "Vous n’avez pas beaucoup de repentir", s’exclame Me Honnet. "Vous manquez de courage: vous devez respecter ses familles, ces êtres humains qui attendent des explications depuis si longtemps, vous ne les respectez pas".

 

Le monde s’est écroulé pour tout le monde, sauf pour Malik. Il est temps de le rectifier

Me Honnet, avocat de la famille de Corentin

 

Pendant toute l’audience, Malik peine à convaincre qu’il a changé, qu’il éprouve des remords, qu’il a compris qu’une succession de mauvais comportements, de mauvais choix avait conduit à cet accident inévitable. Comme le souligne le parquet. "Vous aviez conscience de votre vitesse et vous connaissez la configuration des lieux. C’était impossible de prendre ce virage en angle droit". "Il roulait trop vite, il a freiné trop tard, poursuit Me Honnet. Il voulait faire un dérapage, il venait d’en faire magnifique en terminant sur deux roues au rond-point précédent. C’est impardonnable, stupide, criminel

"Vous arrivez à 100 à l’heure, vous avez un mur devant vous et vous accélérez entre les deux virages pour faire un drift, un dérapage ! Vous vouliez leur faire peur, vous vouliez les impressionner? questionne Me Scribe qui représente la famille de Camille. "Quand dites-vous la vérité ?  vous mentez pour les clefs, vous mentez pour le dérapage. Ce soir là il a pris le volant, peut-être a-t-il voulu impressionner Camille, elle est mignonne. Il prend le volant et ça durera deux minutes trente." Deux minutes trente seulement avant que la voiture ne heurte le rocher. "Ce n’est pas un accident. Un accident, c’est quelqu’un qui est éblouit par le soleil et ne voit pas le piéton arriver. Malik lui, il a bu comme un trou et a conduit comme un taré". Une fois dans la Seine, le véhicule s’est rempli progressivement.

Ces jeunes ont passé entre trois et neuf minutes dans la voiture, coincés au fond de l’eau à voir la mort arriver. Il les a entendu crier.

Me Scribe qui représente la famille de Camille, l'une des victimes

Après 5h d’audience, le parquet réclame quatre ans d’emprisonnement dont trois ans assortis de sursis probatoire, qui dureront pendant deux ans. Deux ans pendant lesquels au moindre dérapage, l’accusé peut repartir en prison pour trois ans.

Le Jugement a été mis en délibéré. Il sera rendu le 15 Juin 2021 à 13h.

 

 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité