Les frères Becker étaient aux manettes du Moulin de Hurtigheim dans le Bas-Rhin depuis 20 ans. À l'âge de la retraite pour l'un et l'envie de nouveaux horizons pour l'autre, ils ont décidé de vendre. Mais pas question de le céder à une chaîne ou grande coopérative. Il restera une entreprise familiale.
Quand une entreprise établie de longue date dans une région change de propriétaire, les clients ont tendance à s'inquiéter. Qui va prendre la succession ? Retrouvera-t-on la même qualité de produits que l'on avait l'habitude d'y acheter ? À Hurtigheim, à douze kilomètres à l'ouest de Strasbourg, les vendeurs ont fait en sorte que les inquiétudes tombent.
Cela faisait vingt ans que Raoul Becker était aux manettes du moulin familial. Son frère Thomas l'avait rejoint un peu plus tard dans le moulin acheté par leurs parents en 1969.
"Depuis que nous savons ce que nos enfants veulent faire comme métier, et que ce n'est pas celui de meunier, on a compris qu'il était inutile d'attendre, il fallait prendre la décision de vendre." explique Raoul Becker, désormais à la retraite. "Nous avons pris la décision il y a deux ans et nous nous sommes fait accompagner par une société spécialisée dans la transmission des entreprises familiale et par les services dédiés de la chambre des métiers et de la chambre du commerce."
Pas question de transmettre à n'importe qui
Après avoir fait évaluer l'entreprise, il a fallu décider à qui ils allaient vendre. "On voulait une entreprise familiale, locale et ultra-humaine", le profil idéal à leurs yeux. "Cela avait été notre force pendant toutes ces années, il fallait que ça continue."
Ils ont donc discuté de leurs souhaits avec les services spécialisés qui les accompagnaient. "On a eu quelques offres surprenantes" souligne Raoul Becker. Des gens intéressés par le bilan, mais pas l'esprit de l'entreprise. "Quand j'ai dit à l'un des candidats que son profil ne nous intéressait pas, il m'a dit que mon seul souci devait être de savoir s'il pouvait payer." Mais non, après des décennies de travail pour les deux frères et leurs parents, ils ont choisi un couple qui a les connaissances techniques de cette grosse machinerie qu'est un moulin.
On a pensé à notre dizaine d'employés qui travaille avec nous pour certains depuis 25 ans et à nos clients
Raoul Becker, ancien copropriétaire du Moulin de Hurtigheim.
Des tournées et une boutique de vente directe maintenues
Étienne Allemann et Valérie Böttcher sont des repreneurs heureux. Le couple, parent de deux enfants d'une dizaine d'années, a repris l'entreprise le 1ᵉʳ avril 2024. "On est extrêmement contents que la famille Becker nous a choisis. Les moulins se transmettent généralement en famille, alors c'est rare d'en trouver. Ils nous ont choisis pour notre vision de l'avenir du moulin et l'idée qu'ils s'en faisaient eux-mêmes."
Le couple maintiendra les activités mises en place par leurs prédécesseurs. "On va faire perdurer la livraison en camionnette. On conserve le calendrier mis en place par le papa de Raoul. Il avait organisé des tournées où on repasse toutes les six semaines dans le même village. On veut rassurer les personnes âgées, on continuera la tournée du mardi au vendredi sur tout le Bas-Rhin avec notre camionnette siglée au nom du moulin."
Lien social maintenu donc pour les anciens qui ne peuvent pas se déplacer jusqu'à Hurtigheim, ainsi que le service de livraison dans les boulangeries, pâtisseries, fermes, boutiques et magasins revendeurs.
La boutique de vente directe, elle, a déjà été agrandie par les frères Becker en 2014. Les horaires d'ouverture restent les mêmes, mais sont prolongés d'une heure les jeudis et vendredis, jusqu'à 18 heures. Le couple continuera aussi d'être présent sur le marché de Noël à Strasbourg, avec son équipe.
"On a gardé tout le personnel. C'est une équipe très mobilisée. Les employés sont contents que le moulin continue dans le même état d'esprit. On a déjà organisé un repas d'été avec eux et leurs familles, pour les rencontrer."
On a gardé tout le personnel. C'est une équipe très mobilisée
Valérie Böttcher, nouvelle co-propriétaire du Moulin de Hurtigheim
Aujourd'hui, les frères Becker se sentent sereins. Même si l'entreprise est sortie de la famille, "On n'a ni regret ni inquiétude". Ils ont d'ailleurs une mission d'accompagnement des nouveaux entrepreneurs. Raoul sera aux côtés des repreneurs si besoin pendant presque une année. Le plus jeune frère qui a encore plusieurs années d'activités devant lui, se lance dans le domaine de l'immobilier.
Farines spéciales, bio, à la châtaigne, blanche ou aux céréales, sans gluten, spécifiques pour les diabétiques ou encore les sportifs, les très nombreuses variétés de farines continueront à être moulues et vendues au moulin.