À Saverne (Bas-Rhin), l'écologie s'est invitée au port depuis plusieurs années pour mieux maîtriser l'empreinte carbone de l'activité touristique fluviale. Dernière initiative en date : du biocarburant pour les 27 bateaux de plaisance sans permis en location.
Saverne, porte d'entrée en Alsace sur le canal de la Marne au Rhin, le deuxième le plus fréquenté de France par les plaisanciers. Depuis le port, la vue sur le château des Rohan est charmante et les touristes ne s'y trompent pas : ils sont de plus en plus nombreux à venir s'y promener, et même y séjourner, amarrant leur bateau sur l'un des quelque 80 emplacements que compte l'infrastructure.
Sa gestion a été reprise par la ville en 2013, et depuis, sous l'impulsion du capitaine de port Xavier Schramm et ses équipes, son développement s'est accéléré : construction d'une capitainerie, organisation de soirées et d'événements, location de bateaux, de vélos, mini-golf, la promenade du port est devenue un vrai lieu de vie pour les Savernois et les visiteurs.
D'autant que le tourisme fluvial a le vent en poupe, en Alsace notamment. "Le slow tourisme plaît, notamment depuis le confinement", constate Cédric Schreiber. Il est, avec sa compagne, à la tête de l'agence de location de bateaux de plaisance Nicols. Le groupe, qui est aussi constructeur de ses bateaux, compte 25 bases en France, et Saverne, avec 27 bateaux en location, est l'une de ses plus dynamiques.
"Les gens cherchent le lien avec la nature, les transports doux..." Pour se mettre au diapason de cet état d'esprit, l'entreprise s'est engagée depuis plusieurs années sur la voie de l'écologie. "Une personne, une famille, qui vient passer quelques jours sur nos bateaux, laissent une empreinte carbone : son transport jusqu'ici, sa consommation énergétique, et puis la navigation en elle-même. Nous estimons que 25% de cette empreinte carbone est due à l'utilisation de nos bateaux, explique Cédric Schreiber. Et c'est là-dessus que nous souhaitons agir."
Les premiers bateaux de plaisance électriques en 2018
Première initiative, en 2018 : la construction et la mise en location d'un, puis deux bateaux électriques. Plus coûteux à la construction, environ 30% de plus qu'un modèle thermique équivalent, c'est à Saverne que l'expérimentation a été menée. Avec succès. "Voies navigables de France a été un partenaire très efficace, ils ont mis en place les bornes notamment. Et les clients ont suivi : les utilisateurs de voitures électriques ont été les premiers à les demander en priorité, mais peu à peu, ils sont bien acceptés. Les recharges sont possibles sans difficulté, le fonctionnement est le même, et nous les louons au même prix. Donc les gens adhèrent."
Mais le coût de fabrication de ces modèles électriques reste un frein à leur généralisation, Nicols s'en est tenu à ses deux bateaux alsaciens. Et teste aujourd'hui une autre piste de réduction de ses émissions de polluants : l'utilisation d'un biocarburant à base d'huiles, végétales et de recyclage, à la place du diesel.
Le litre de HVO 20 centimes plus cher que le diesel
Le HVO, c'est son nom, est distribué par une filiale de TotalEnergies, réservé à un usage professionnel, et pour le moment utilisé par quelques transporteurs sur route. Son coût, environ 20 centimes du litre plus cher que le gasoil et sa production encore très limitée, reste un frein à un usage à plus grande échelle, mais Nicols a décidé de franchir le pas pour ses 27 bateaux basés à Saverne.
"La conversion est très simple à mettre en œuvre puisqu'il n'y a aucune adaptation mécanique à effectuer sur les moteurs. On a simplement rempli notre cuve en HVO et non plus en gasoil, et nous allons peu à peu faire le plein de nos bateaux avec ce nouveau carburant", détaille Cédric Schreiber. Avantage certain : les deux carburants se mélangent sans que cela pose problème, les bateaux peuvent fonctionner avec les deux alternativement au besoin. "Si un plaisancier part trois semaines et a besoin de faire le plein, il pourra remettre du diesel, puisqu'il n'y a pas de HVO à la pompe."
Pavillon bleu pour le port de Saverne
Quant au coût supplémentaire, le loueur a décidé de ne pas le répercuter sur la clientèle. Il lui en coûtera donc environ 20 centimes de plus au litre, soit une dépense supplémentaire estimée à plus de 3 000 euros pour l'ensemble de la flotte sur la saison. "Les clients n'ont pas à assumer nos choix à nous, estime Cédric Schreiber. Donc, nous allons absorber le surcoût cette année, et nous verrons, après une saison, quel bilan en tirer. Cela va beaucoup dépendre de l'évolution des coûts du HVO, de la quantité disponible..."
Nous avons la responsabilité de faire plus pour la planète dans le domaine des loisirs
Cédric Schreiber, loueur de bateaux de plaisance sans permis
Un pas de plus vers un tourisme fluvial plus durable, une démarche dans laquelle s'inscrit pleinement le port, détenteur du pavillon bleu, qui souligne les efforts des ports et plages en matière d'environnement. À venir notamment, la mise en place dans le bassin de boudins constitués de cheveux, absorbants naturels de polluants, et en particulier des hydrocarbures.